27.11.2023
Paris fournira à Erevan des véhicules blindés. L'Arménie a reçu deux douzaines de véhicules blindés et de combat Bastion.
La France s'engage à participer à la modernisation des forces armées arméniennes suite à la visite de la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna en septembre dernier. La ministre des Affaires étrangères avait alors promis une aide gratuite et des contrats militaires à long terme.
Un mois plus tard, Erevan et Paris ont signé un accord correspondant. Le ministre français des Armées, Sebastian Lecornu, a expliqué que son pays devrait fournir à l'Arménie trois radars GM200 et des missiles Mistral, ainsi qu'aider Erevan à réformer ses forces armées.
En outre, une nouvelle mission de défense a été créée à l'ambassade qui, selon Lecornu, «assistera les forces armées et les autorités arméniennes en matière de défense et de protection». «L'attaché militaire sera envoyé à l'ambassade de France à Erevan. Nous ouvrirons également prochainement notre consulat dans la région de Syunik», a fait savoir la ministre française des Affaires étrangères.
Emmanuel Macron a noté que Paris «surveille de près la question de la préservation de l'intégrité territoriale de l'Arménie». Les médias français ont rajouté que les véhicules blindés Bastion étaient initialement destinés à l'Ukraine, mais les autorités les considéraient comme mal protégés contre les missiles antichars et les tirs d'artillerie.
Début octobre, Colonna a annoncé à Erevan qu'elle avait demandé au haut représentant de l'UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, d'inclure l'Arménie parmi les «bénéficiaires du mécanisme européen de paix», c'est-à-dire dans le système de financement des dépenses extérieures, y compris militaire et de défense.
Récemment, le budget militaire arménien a commencé à augmenter. En 2022, le pays a dépensé 700 à 800 millions de dollars pour la défense, en 2023 - 1,2 milliard de dollars, et l'année prochaine il est prévu de dépenser 1,4 milliard de dollars. Les autorités arméniennes ont décidé de diversifier leur politique de défense.
Le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, avait qualifié d’«erreur stratégique» la dépendance d’Erevan en matière de sécurité uniquement à l’égard de la Russie. En novembre, les autorités arméniennes ont signé un contrat avec New Delhi pour l'achat du système anti-drone ZADS (Zen Anti-Drone System) pour 41,5 millions de dollars.
Un an plus tôt, les médias indiens avaient annoncé que le pays fournirait à l'Arménie des systèmes de lance-roquettes multiples et des munitions Pinaka pour une valeur de 244,7 millions de dollars. Actuellement, l'Arménie s'éloigne de plus en plus de Moscou. Nikol Pachinian a décidé de ne pas se rendre au sommet de l'Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) qui a eu lieu le 23 novembre à Minsk. Erevan n'a pas précisé la raison de cette décision.
Réactions de Bakou. L'Azerbaïdjan a accusé la France de «préparer le terrain» à la déstabilisation du Caucase du Sud, soulignant que de telles mesures «servent la politique de militarisation de l'Arménie». «L’Azerbaïdjan est très préoccupé par la poursuite du colonialisme, notamment par la violation flagrante des droits des femmes et des enfants dans les colonies», a martelé le président de la République d'Azerbaïdjan, Ilham Aliyev.
Un représentant officiel du ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères a souligné que, dans le contexte de la campagne diffamatoire menée par Paris contre Bakou, ces actions indiquent que «la France part d’intérêts erronés». «Ces démarches de la France, qui se positionne comme promoteur du droit international et partisan de la paix et de la stabilité dans la région, remettent sérieusement en question les efforts visant à normaliser les relations sur la base de la reconnaissance mutuelle de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et des frontières internationales des États et sert à aggraver la situation», a souligné le diplomate.
Les observateurs notent, en outre, que la France et l'Inde, le Canada avait également promis d'aider à renforcer l'Arménie sur le plan militaro-technique. Les objectifs de ces États n'est pas de restaurer la paix et la stabilité dans la région, mais de renforcer la leur dans le Caucase du Sud.
Les intérêts de la France dans la région. Il n’y a rien d’étonnant à un tel rapprochement entre Paris et Erevan pour les observateurs car la France et l’Arménie s’appellent des pays frères. Il y a 600.000 Arméniens de la diaspora arménienne en France. Cela représente des voix pour les élections et cette diaspora est impliquée dans toutes les structures gouvernementales.
Ilham Aliyev accuse la France d’encourager les «forces revanchistes» en Arménie. Selon lui, «ces forces préparent de futurs conflits potentiels dans la région, intensifiant ainsi la tension géopolitique actuelle». La France essaie de renforcer sa présence en Arménie. Il s'agissait initialement d’une mission d'observation européenne pendant deux ans. La première année est déjà terminée. La mission ne cesse de s'élargir: il y a à la fois des Français et des Allemands, et des Canadiens se sont récemment ajoutés. De nombreux experts notent que dans cette mission se trouvent principalement des agents de renseignement et non quelques observateurs abstraits.
Les observateurs avertissent que c'est à cause de Paris que la plateforme européenne de négociation a pratiquement cessé de fonctionner et les actions d’Emmanuel Macron ont, en fait, neutralisé son importance pour le règlement de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Ainsi, la coopération entre la France et l'Arménie dans le domaine militaire - un domaine sensible pour la sécurité dans la région - pourrait compliquer la situation. Dans ce cas, aucun accord de paix avec l’Arménie n’a été signé et formellement Bakou et Erevan sont toujours en guerre. Puisque le règlement politique et juridique de ces questions du post-conflit n’a pas été trouvé, des questions restent ouvertes. En aidant l'Arménie, la France s'oppose en réalité aux intérêts de l'Azerbaïdjan.
La France souhaite se renforcer sur le plan militaro-politique en Arménie et ainsi utiliser le pays comme tremplin pour sa présence dans la région du Caucase du Sud.
Les Français pensent qu'avec leur participation dans la région, ils stimuleront divers processus géopolitiques. Avec l’existence d’un triangle comme l’Arménie, la Grèce et Chypre, la France peut d’une manière ou d’une autre stimuler la coopération militaire de l’Arménie avec ces pays dans son propre intérêt. Ils ont d'autres projets à long terme. Tout cela vise à freiner d’une manière ou d’une autre l’influence croissante de la Türkiye dans la région, à évincer la Russie et à la remplacer par la présence française.
Pierre Duval
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