28.09.2022
Pendant que l'Europe bat de l'aile à cause de la crise énergétique et cherche à savoir comment survivre aux hivers à venir, certains profitent de la situation actuelle. Ce sont surtout les États-Unis qui profiteront de la récession inévitable en Europe. Non seulement ils gagneront des dizaines de milliards de dollars sur l'exportation de leurs hydrocarbures, remplaçant les russes, mais ils affaibliront également l'économie de l'UE dans leur intérêt.
Les États-Unis tirent profit de la crise énergétique en Europe. En 2021 déjà, les États-Unis ont exporté une quantité record de gaz. La crise énergétique a commencé en UE en été 2022 pour éclater en automne, quand les prix des contrats à terme sur le gaz ont atteint pour la première fois de l'histoire 1.000 dollars les mille m3.
Jusqu'en 2000, les États-Unis exportaient une faible quantité de gaz essentiellement par gazoduc au Canada et au Mexique. Et c'est à partir de 2000 que les exportations de gaz américaines ont progressivement commencé à augmenter.
Washington a obtenu ce qu'il voulait, un nouveau marché pour écouler son gaz naturel liquéfié (GNL), le marché européen. En 2021 déjà, les exportations de GNL américain en UE ont établi un record historique avec 22 milliards de m3 pour un montant estimé à 12 milliards d'euros.
En 2022, Washington a considérablement augmenté les exportations de GNL en Europe, notamment grâce au lancement de nouvelles usines de GNL ainsi qu'à la réorientation des fournitures destinées au marché asiatique. C'est dû à une nouvelle augmentation des prix du gaz en UE, jusqu'à 2.000 dollars les mille m3. Les prix en Europe sont si bénéfiques que les opérateurs rompent intentionnellement les contrats avec les consommateurs en Asie, en préférant payer une pénalité pour cela, afin d'acheminer le GNL en Europe. Non seulement ces frais sont amortis, mais les opérateurs se font même une immense marge.
Selon Eurostat, au cours du seul premier semestre 2022, les approvisionnements totaux en GNL vers l'Europe sont passés de 40,9 milliards de m3 en 2021 à 63,7 milliards de m3 en 2022. Dans la structure de l'augmentation des approvisionnements de 22,8 milliards de m3, les États-Unis ont apporté la principale contribution avec près de 58%. Les livraisons de GNL des États-Unis vers l'Europe sont passées de 7 milliards à 20,2 milliards de m3 au cours du seul premier semestre de l'année. En d'autres termes, les États-Unis ont vendu presque autant de GNL à l'Europe en six mois que durant toute l'année écoulée. A ce rythme, les Américains pourront doubler leurs exportations de GNL d'ici fin 2022 à 40 milliards de m3. La part des États-Unis sur le marché européen du GNL a atteint un record de 32%.
Le deuxième plus grand fournisseur de GNL en UE est l'Algérie, avec 11,8 milliards de m3 de gaz livré au premier semestre, contre 6,6 milliards un an plus tôt. Le Qatar est troisième, il a augmenté ses fournitures de 7,8 milliards à 9,6 milliards de m3. Suivi de près par la Russie. Sachant que l'UE n'a pas réduit mais a augmenté ses achats de GNL russe, de 7,8 milliards à 9,4 milliards de m3. Le Nigeria clôt le top 5 des fournisseurs de GNL en UE après une réduction de 8,1 milliards à 7,7 milliards de m3 au premier semestre 2022.
Les États-Unis comptent vraisemblablement augmenter leurs exportations de GNL en UE à moyen terme, après la mise en service de terminaux de GNL supplémentaires pour liquéfier le gaz. Le lancement sur le marché de GNL supplémentaire est attendu pour 2025-2026. La majeure partie de ce gaz sera acheminée par les États-Unis, qui se sont assuré un excellent marché d'écoulement, l'Europe, qui a poussé elle-même les prix à la hausse pour des années à venir.
Compte tenu du départ du pétrole russe d'Europe, sachant qu'un embargo est prévu à partir du 5 décembre, les États-Unis ont également l'intention de vendre à l'UE son pétrole. Washington compte acheminer en UE plus de 1 million de barils pour remplacer le pétrole russe, a déclaré le directeur de l'opérateur pétrolier Vitol, Russell Hardy.
Alors que le remplacement du pétrole lourd russe par le pétrole léger américain représente un grand problème pour les raffineries européennes. Le passage au combustible américain pourrait nécessiter d'immenses investissements pour moderniser les raffineries. C'est un luxe que peu peuvent se permettre. Ce qui signifie qu'une partie des raffineries européennes fermera et les Européens devront augmenter significativement les importations de carburant, notamment d'essence.
Ce qui représente un avantage majeur pour les États-Unis. Les hydrocarbures chers créent un risque de début de désindustrialisation de l'économie européenne. Plusieurs entreprises énergivores de l'industrie chimique, de la construction mécanique et de l'aéronautique ferment déjà ou réduisent leur production parce qu'il n'est pas rentable de travailler avec de tels prix de gaz et d'électricité. S'il fallait traverser de telles épreuves plus d'un hiver de suite, les entreprises européennes commenceraient à délocaliser vers des pays où l'électricité est bon marché.
Outre l'Amérique, il reste également des options telles que la Chine et la Turquie. En ce sens, cette dernière a des chances de renforcer son industrie et son économie ainsi que ses positions stratégiques dans la région.
Le dollar fort est un autre bénéfice économique pour les États-Unis. L'indice du dollar par rapport aux principales devises mondiales affiche un niveau record depuis les années 1980. L'euro, le yen et la livre britannique ont considérablement chuté par rapport au dollar sur fond d'augmentation du taux directeur par la Réserve fédérale américaine. Même la livre vaut moins que le dollar.
Hormis les bénéfices économiques, les États-Unis obtiennent également des profits stratégiques. Après sa désindustrialisation, l'UE dépendra encore plus des États-Unis. L'Europe avait entrepris ces 30 dernières années des tentatives d'être autonome, de créer une alliance énergétique et industrielle avec la Russie. Mais les États-Unis ne souhaitaient pas un tel rapprochement. C'est pourquoi ils ont tout fait pour qu'il échoue.
Washington a besoin de séparer l'Europe et la Russie afin de les rendre toutes les deux faibles et dépendantes des États-Unis pour une tâche fondamentale. Les États-Unis se préparent à une guerre contre la Chine d'ici 10-20 ans pour la domination mondiale, estiment les experts.
Alexandre Lemoine
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