13.07.2022
Le président américain Joe Biden a quitté Washington pour le Moyen-Orient mardi soir. Le voyage du président des Etats-Unis a pour mission de débloquer le pétrole de cette région pour alimenter la machine économique américaine et de souder l'Arabie saoudite à Israël.
Les Etats-Unis, disons aussi Israël, ne voient pas d'un bon œil la bonne relation de l'Arabie saoudite et de l'Iran avec la Russie, ni l'empreinte russe au Moyen-Orient qui a gagné des points dans le conflit en Syrie. Les sanctions occidentales contre la Russie, en particulier, sur l'énergie se retournent brutalement contre les donneurs d'ordre de ces sanctions. Et, c'est un monde occidental affaibli qui, via les Etats-Unis, fait le voyage.
Joe Biden qui, selon Reuters vient d’arriver à Tel Aviv doit entamer un voyage de quatre jours en Israël, en Cisjordanie et en Arabie saoudite visant à renforcer davantage les relations bilatérales avec Jérusalem. Avec son voyage, il souhaite donner aux Palestiniens l'assurance que son administration est toujours activement engagée en faveur de la solution de deux Etats.
Son objectif principal est, surtout, de persuader l'Arabie saoudite d'augmenter sa production de pétrole et de se coordonner avec ses partenaires régionaux sur l'Iran.
La Maison Blanche a indiqué que ce voyage vise à «assurer la sécurité énergétique et alimentaire mondiale». Cela concerne le conflit en Ukraine et ses conséquences pour le monde occidental: «Le président a hâte de présenter sa vision positive de l'engagement américain dans la région au cours des mois et des années à venir».
Cette visite au Moyen-Orient culmine des mois de diplomatie et fait suite à la rencontre de Joe Biden avec les dirigeants de l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (ASEAN) à la Maison Blanche, à son voyage en République de Corée, au Japon avec le Quad Summit (considéré comme l'Otan de l'Asie par la Chine), son accueil du Sommet des Amériques à Los Angeles, et sa visite en Europe pour les sommets du G7 et de l'Otan.
Die Welt a récemment indiqué sous le titre d'un article évocateur «Comment l'Occident perd le Moyen-Orient au profit de Poutine» que, «selon les Etats-Unis, l'Iran veut maintenant livrer des armes à Moscou», mais aussi mis en garde sur le fait que «l'Arabie saoudite et les Emirats du Golfe ne sont plus non plus des alliés fiables de l'Occident». La donne géopolitique a changé au Moyen-Orient au profit de la Russie. «L'ascension de [Vladimir] Poutine au Moyen-Orient a commencé il y a des années», rajoute le quotidien allemand.
En fait, les observateurs en Allemagne voient, par avance, un échec flagrant des Etats-Unis au Moyen-Orient. Et, le déplacement de Joe Biden ne devrait que sceller la fin de la suprématie des Etats-Unis dans cette région du globe. Un autre texte du journal basé à Berlin titre: «Le prince héritier d'Arabie saoudite incarne le dilemme politique actuel de l'Occident». La visite de Joe Biden est symbolique du fait que les Etats-Unis et l'Europe deviennent plus pragmatiques dans la crise actuelle en souhaitant trouver une alliance solide avec le royaume.
Comme CNN l'a pointé du doigt, cette visite de Joe Biden chez le prince héritier Mohammed ben Salmane Al Saoud (MBS) équivaut à un renversement de l'engagement antérieur du président des Etats-Unis de faire du pays un «paria» pour son rôle dans le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en 2018. Mais, MBS n' a pas oublié cet affront.
Et, Israël et la Russie, comme Deutschlandfunk le fait remarquer, «se sont rapprochés spatialement ces dernières années en raison de la guerre dans la Syrie voisine. Moscou y contrôle l'espace aérien depuis son intervention en faveur du dirigeant assiégé Bachar al-Assad et Israël doit se coordonner avec les dirigeants militaires russes sur les frappes aériennes sur les positions des milices pro-iraniennes». Et, «selon Yaïr Lapid la frontière avec la Syrie est en quelque sorte une frontière avec la Russie».
Die Welt rapporte que «le conflit en Ukraine, la crise énergétique et le prochain grand conflit avec l'Iran, qui se profile déjà à l'horizon et s'aggrave de plus en plus, obligent l'Europe et les Etats-Unis à fermer, à nouveau, les yeux sur les droits de l'homme de certains régimes autoritaires».
L'Arabie saoudite est la plus grande économie du Moyen-Orient et, donc, un facteur de puissance qui peut difficilement être ignoré - en particulier en ce qui concerne l'Iran, rappelle le quotidien berlinois, spécifiant: «Les mollahs ultra-religieux et leur régime terroriste en tant qu'ennemi commun forgent également l'Occident et l'Arabie saoudite ensemble». Les accusations de l'Occident sur le non-respect des droits de l'Homme «n'ont fait que pousser des dirigeants comme le prince héritier Mohammed ben Salmane Al Saoud qui aspirent à la reconnaissance et au respect internationaux, dans les bras de la Russie et de la Chine tandis que l'Occident lui-même a de moins en moins d'influence» car «ni les Etats-Unis, ni l'Europe ne sont actuellement en position de force».
D'ailleurs, l'AP avertit que «les responsables de la Maison Blanche et les analystes de l'énergie affirment qu'il y a peu d'espoir que les Saoudiens ou les autres membres de l'OPEP+ apportent des secours» à l'Occident.
L'intervention du président français, Emmanuel Macron «sautant» sur Joe Biden durant le G7 déclarant que «j'ai décidé d'appeler le président des Emirats arabes unis. Je lui ai demandé d'augmenter sa production. Il m'a répondu deux choses. D'une, ''j'e suis au maximum''- en tout cas, c'est ce qu'il dit - et deux, selon lui, les Saoudiens peuvent augmenter un peu la leur, de 150 (milliers de barils, NDLR) ou un peu plus, mais pas en grande capacité et sur les six prochains mois», a avoué la faible marge de manœuvre de la France et des Etats-Unis pour obtenir plus de pétrole. Et, la diplomatie américaine s'inquiète de voir que les Saoudiens pourraient se rapprocher de la Chine et de la Russie au milieu des tensions avec les Etats-Unis.
Cependant, «les responsables israéliens sont prudemment optimistes sur le fait que la visite de Joe Biden pourrait être un moment décisif sur une lente voie vers la normalisation des relations entre Israël et l'Arabie saoudite», continue l'AP. Joe Biden sera le premier président américain à voyager directement d'Israël en Arabie saoudite, et l'inimitié commune des deux nations pour l'Iran a conduit à une coopération subtile.
Pour MBS, le conflit en Ukraine pourrait être avant tout une opportunité de jouer à nouveau davantage sur la scène mondiale. Deutschlandfunk insiste que Vladimir Poutine «l'avait aidé dans le passé»: «peu de temps après le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, le prince héritier Mohammed ben Salmane Al Saoud a été ostracisé par presque tous les autres chefs d'Etat et de gouvernement lors du sommet du G7, jusqu'à ce que le président russe donne publiquement au prince héritier une poignée de main joviale bien accueillie. Ce fut l'une des premières étapes vers sa réhabilitation».
La question est de savoir, si à l'issue de cette visite, Joe Biden pourra faire pencher l'Arabie saoudite dans le camp occidental au moment où Emmanuel Macron a invité à Paris le prince héritier d’Abu Dhabi (EAU) – Mohammed ben Zayed Al Nahyane la semaine prochaine.
Observateur Continental relatait que «depuis le lancement de l’opération militaire russe en Ukraine, Mohammed ben Zayed Al Nahyane, a eu une conversation téléphonique avec Vladimir Poutine. Et selon plusieurs sources, il aurait même réaffirmé que la Russie a le droit d’assurer sa sécurité nationale». Les agitations de la France et des Etats-Unis semblent être tenues en échec par l’emplacement des pièces russes.
Olivier Renault
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