17.06.2022
Le quotidien Washington Post a publié les résultats d'un sondage témoignant de la préoccupation des citoyens de l'UE quant aux conséquences économiques du soutien à l'Ukraine.
Cela fait presque quatre mois que l'opération militaire se poursuit en Ukraine, et la plupart des Européens affichent leur soutien à Kiev. Cependant, comme en témoignent les résultats d'un sondage parus le 15 juin, à mesure que les prix augmentent, les Européens divergent de plus en plus quant à l'issue du conflit en Ukraine.
Ce sondage mené dans dix pays européens a révélé que l'opinion publique s'écartait déjà des activités militaires avec le passage au premier plan des craintes concernant des conséquences plus significatives du conflit, notamment en ce qui concerne la hausse du coût de la vie sur le continent. D'après les analystes, les gouvernements européens devront tenir compte de ces craintes, car ils cherchent à maintenir la pression sur Moscou.
Un peu plus d'un tiers des personnes interrogées souhaitent que le conflit se termine au plus vite, même si cela nécessiterait des concessions territoriales de l'Ukraine. Alors que 22% déclarent que le conflit doit continuer autant qu'il le faudra pour punir la Russie et reprendre tous les territoires ukrainiens.
Néanmoins, les sondés sont unanimes quant à la nécessité de soutenir l'Ukraine et au sujet de celui qui est responsable de la confrontation armée. La grande majorité (73%) accuse avant tout Moscou, et 64% pensent que c'est la Russie, et non les États-Unis, l'UE ou l'Ukraine, qui est le plus grand obstacle à la paix.
8.172 adultes dans dix pays européens, dont l'Allemagne, la Roumanie et la Suède, ont participé entre fin avril et mi-mai à un sondage organisé par l'entreprise en ligne YouGov et la société d'études Datapraxis, dont les résultats ont été publiés par le Conseil européen pour les relations internationales (ECFR).
Parmi les personnes interrogées il y a celles qui se prononcent pour la "paix", même si cela nécessiterait des concessions de l'Ukraine, et pour la "justice", même si cela conduirait à un long conflit. Environ un cinquième hésite entre ces deux positions et souhaite voir une réponse européenne forte. Les autres participants au sondage n'ont pas réussi à formuler clairement comment l'Europe devrait réagir.
D'après les auteurs de l'étude Ivan Krastev et Mark Leonard de l'ECFR, la position des Européens influencera la politique du continent vis-à-vis de l'Ukraine.
"Les résultats du sondage indiquent que l’opinion publique européenne est en train de changer et que les "jours les plus difficiles de l’UE sont peut-être à venir", ont écrit les deux auteurs. Les Européens sont également inquiets par la menace d'une escalade nucléaire, et si le sentiment que les sanctions contre la Russie "n'apportent pas de résultats" grandissait, l'écart grandirait entre ceux qui souhaitent la fin du conflit au plus vite et ceux qui veulent voir la Russie vaincue.
Dans les dix pays où ce sondage a été mené, à l'exception de la Pologne frontalière avec l'Ukraine, le camp de la "paix" a été plus nombreux que celui de la "justice". Les premiers s'inquiétant du fait que leurs gouvernements nationaux privilégient l'action contre la Russie au détriment d'autres questions importantes, telles que la hausse de l'inflation et du coût de la vie.
Étant donné que les économies européennes se remettent encore de la pandémie de coronavirus, les hostilités en Ukraine ont conduit à une hausse record de l'inflation en mai dans les pays de la zone euro, sachant que, selon les prévisions, son plus grand taux sera enregistré dans le secteur énergétique. Ces pronostics ont été annoncés avant que l'UE n'eut mis au point en juin un plan pour renoncer progressivement à la majeure partie des importations du pétrole russe.
La perspective d'un long conflit soulève des questions pour savoir si la fatigue de la guerre et la hausse significative des prix de la nourriture et de l'électricité pourraient avec le temps affaiblir la ferme disposition des pays européens à continuer à faire pression sur Moscou.
Pendant qu'en mai les pays de l'UE évoquaient les conditions d'un embargo pétrolier, une représentante de la Belgique au Parlement européen a hautement apprécié la réaction à l'opération spéciale russe. Mais elle a également mis en garde contre la hausse du chômage et de la pauvreté énergétique.
Les sanctions occidentales contre l'économie russe "affecteront également la vie des citoyens européens avec un impact directe sur leur ménage, travail et portefeuille", a déclaré la députée Sara Matthieu dans son discours. Elle a appelé l'UE à aider à atténuer la hausse des prix et à "protéger nos citoyens, notamment ceux qui risquent de sombrer dans la pauvreté; les gens qui ont peur de ne pas pouvoir chauffer leur maison l'hiver prochain".
L'impact sur les ménages européens force les gouvernements à prendre diverses mesures. Par exemple, l'Allemagne propose de réduire temporairement les tarifs d'électricité ainsi qu'un abonnement mensuel pour les transports en commun à 9 euros.
Les dirigeants doivent suivre un fil très fin, a déclaré Tyler Kustra, professeur des relations internationales à l'université de Nottingham, spécialisé dans les sanctions économiques.
"Je pense qu'aujourd'hui les Européens sont très préoccupés par la hausse du coût de la vie. Il y a des choses qu'on ne peut pas acheter. Tout le monde a besoin de nourriture et de chaleur", a-t-il expliqué.
"Il convient de se rappeler que nous ne voulons pas de guerre en Europe et que nous devons tenir la défense contre Vladimir Poutine. Il n'existe actuellement aucune solution gagnante, c'est une série de compromis déplorables. C'est pourquoi nous avons besoin que ce conflit se termine", a conclu Tyler Kustra.
Ellen Francis, Annabelle Timsit, The Washington Post
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