L'Otan s'est penchée sur le problème de la dépendance de l'Europe du gaz russe, a rapporté le journal espagnol La Vanguardia. Selon ce média, c'est l'Alliance, et non les organes de l'UE, qui a planché sur les problèmes économiques.
L'Otan étudie la possibilité de construire un gazoduc entre l'Espagne et la France, qui relierait la Catalogne espagnole à l'Allemagne et permettrait de réduire la dépendance de l'Europe centrale du gaz russe.
Il est question d'utiliser des réservoirs espagnols contenant une grande quantité de gaz naturel liquéfié (GNL) américain, écrit La Vanguardia.
Washington tente de créer en Europe une coalition de pays exportateurs de GNL américain afin de réduire la dépendance des pays d'Europe centrale, notamment de l'Allemagne, des fournitures de Russie. Les États-Unis ont proposé une nouvelle fois aux Allemands de bloquer le gazoduc Nord Stream 2 au profit d'un projet alternatif.
Le plan général consiste à "transformer la péninsule Ibérique en plateforme de distribution capable d'affaiblir significativement la forte dépendance de l'Allemagne et de l'Europe centrale du gaz russe", indique le quotidien. L'option de relancer le projet abandonné de corridor gazier Midcat est également à l'étude "dans le nouveau contexte historique" pour acheminer du gaz algérien en Europe centrale. Il s'agit de repenser l'ancien projet du général de Gaulle des années 1950 pour livrer du gaz algérien dans les usines sur le Rhin.
Le nouveau gazoduc devrait également acheminer en Europe centrale du gaz liquéfié regazéifié arrivant dans les terminaux côtiers espagnols.
Il est prévu d'évoquer ce projet pendant une assemblée générale de l'Otan en juin.
L'Allemagne étudie sérieusement cette proposition, car elle souhaite diversifier les livraisons et la présence d'une infrastructure de gazoducs depuis la péninsule Ibérique.
Cela concorde avec les projets allemands d'entamer la production d'hydrogène vert en Afrique du Nord, qui peut également être transporté via le gazoduc proposé.
Cependant, d'après les experts, l'Europe ne peut pas remplacer le gaz russe. Ni l'Algérie ni les pays asiatiques ne peuvent l'aider en ce sens.
Plus tôt, le Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrell avait parlé de la nécessité de mieux "intégrer" la péninsule Ibérique, qui est la principale "île d'électricité en Europe", au marché énergétique européen. M. Borrell a qualifié la péninsule Ibérique de région qui ne dépend pas des livraisons de gaz de Russie.
De toute évidence, le chef de la diplomatie européenne voulait dire que l'Espagne et le Portugal "apprendront" au reste de l'Europe à être énergétiquement indépendants de la Russie. Mais leurs scénarios ne conviennent pas à d'autres pays.
Il n'y a pas de politique dans l'indépendance énergétique de la péninsule Ibérique de la Russie, il y a seulement une logique économique - il est plus rentable pour l'Espagne de recevoir du gaz via le gazoduc algérien que d'acheter du gaz russe, et pour le Portugal de recevoir des hydrocarbures via les terminaux GNL que de construire un gazoduc jusqu'à la Russie.
L'Espagne et le Portugal ne sont pas des pays producteurs de gaz, ils ne peuvent qu'organiser son transit. Mais cela s'accompagne de plusieurs difficultés. Premièrement, l'Algérie s'est brouillée avec le Maroc, ce qui a conduit au blocage de l'un des deux gazoducs vers l'Espagne. De plus, l'Algérie réduit les exportations, car sa consommation gazière intérieure augmente, tandis que la production reste au même niveau.
De plus, Josep Borrell a appelé l'UE à "songer d'urgence à la mise en place de réserves stratégiques de l'UE et à la possibilité d'achats conjoints de gaz, comme l'avait proposé plus tôt la Commission européenne".
Le diplomate a confirmé que "ces dernières semaines la Russie remplissait rigoureusement ses engagements contractuels". Sachant que M. Borrell a déploré le "refus de Gazprom d'effectuer des livraisons supplémentaires pour remplir les réservoirs européens, ce qui n'a fait que renforcer la nervosité sur le marché".
Le chef de la diplomatie de l'UE a noté que "l'énergie a toujours été une question géopolitique primordiale". D'après lui, "ce thème est à l'ordre du jour" de l'UE, "compte tenu des prix élevés et des difficultés avec les fournitures de gaz provoquées par une crise dans les relations avec la Russie".
M. Borrell a également souligné: la Russie s'est mieux préparée aux sanctions occidentales que l'UE aux éventuelles perturbations de livraisons de gaz.
Le projet de corridor gazier méditerranéen Midcat a été abandonné il y a trois ans, reconnu non rentable au vu d'une substitution rapide du gaz par l'énergie éolienne et solaire. Cependant, cette décision pourrait être revue à présent. La plus grande usine de regazéification du port de Barcelone pourrait être directement connectée au gazoduc en projet.
"L'Allemagne étudie avec intérêt ce projet actuellement, car elle a besoin de sources alternatives de fournitures", fait remarquer La Vanguardia. De plus, la relance du projet de Midcat pourrait accélérer les plans de production d'hydrogène "vert" en Afrique du Nord, qui peut être acheminé par gazoduc.
Le journal n'a pas précisé pourquoi l'Otan avait commencé à s'occuper des questions économiques de l'Europe.
Alexandre Lemoine
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