Le président français, Emmanuel Macron, s'est envolé pour Moscou le 7 février 2022 dans le cadre d'une «démarche diplomatique à risque» pour obtenir un engagement du président russe, Vladimir Poutine, dans le but d'apaiser les tensions autour de l'Ukraine. Le président français risque gros et, alors que la France redémarre son économie après la violence de la crise liée à la pandémie, elle risque de perdre encore plus sur l'échiquier mondial de la diplomatie.
Gagner du temps. Reuters rapporte la déclaration d'Emmanuel Macron dans le JDD: «Nous devons être très réalistes»; «Nous n'obtiendrons pas de gestes unilatéraux, mais il est essentiel d'empêcher une détérioration de la situation avant de construire des mécanismes et des gestes de confiance réciproques». Deux sources proches du président français ont déclaré que l'un des objectifs de sa visite était de gagner du temps et de geler la situation pendant plusieurs mois, au moins jusqu'à un «super avril» d'élections en Europe - en Hongrie, en Slovénie et, surtout pour Emmanuel Macron, en France.
La semaine dernière, l'actuel président français a passé une série d'appels téléphoniques à des alliés occidentaux, Vladimir Poutine, Volodymyr Zelensky et le Secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg le 5 février.
Avant de partir pour Moscou, le président français s’est, d'ailleurs, de nouveau entretenu avec son homologue américain, Joe Biden, dans le cadre de ses consultations avant de rencontrer lundi Vladimir Poutine sur la crise russo-ukrainienne. L'agenda de l'Elysée ne donne pas une explication sur le contenu du déplacement à Moscou: «Toute la journée»; «Déplacement en Fédération de Russie».
Le 8 février Emmanuel Macron se rendra à Kiev, se lançant dans une mission de politique étrangère risquée qui pourrait s'avérer être un échec s'il revenait les mains vides, selon les observateurs. De nouveau, l'agenda de l'Elysée indique: «Toute la journée»; «Déplacement en Ukraine». La communication du Château est, également, maigre aussi sur le déplacement à Kiev. «Pour le président, c'est l'occasion de montrer son leadership en Europe. Qu'il est au-dessus de la mêlée», a déclaré une source gouvernementale française à Reuters.
Cependant, contrairement à la précédente crise ukrainienne en 2015, lorsque la chancelière allemande, Angela Merkel, et l'ancien président français, François Hollande, se sont rendus ensemble au Kremlin, Emmanuel Macron n'a pas emmené son homologue allemand avec lui. Olaf Scholz, qui se trouve aux Etats-Unis avec Joe Biden, se rendra à Kiev puis à Moscou la semaine prochaine. Sa ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, est à Kiev ce 7 février pour rencontrer le président ukrainien, Volodymyr Zelensky ,et se rendra mardi dans la zone de conflit dans l'est de l'Ukraine. Un avenir proche dira si la politique allemande est en train de jouer une autre carte que celle du président français. En tout cas, le couple franco-allemand ne montre pas une harmonie sur ce dossier, mais plutôt une concurrence.
Le dirigeant français, connu pour ses actions diplomatiques très médiatisées depuis son arrivée au pouvoir en 2017, a tenté, à la fois, d'amadouer et de s'opposer à Vladimir Poutine au cours des cinq dernières années. Ses efforts ont conduit à un dialogue assez étroit avec le dirigeant russe, mais aussi à des revers douloureux. Peu de temps après son élection, Emmanuel Macron a déroulé le tapis rouge pour Vladimir Poutine au château de Versailles.
Deux ans plus tard, Emmanuel Macron et Vladimir Poutine se sont retrouvés à la résidence d'été du président français au fort de Brégançon.
Mais, les multiples initiatives d'Emmanuel Macron n'ont pas empêché les incursions russes dans les sphères d'influence africaines traditionnelles de la France. France 24 informe en date du 11 novembre 2021 que «les chefs des diplomaties russe et malienne ont réaffirmé leur volonté de poursuivre le partenariat militaire entre les deux pays. Un rapprochement qu'ils légitiment par un risque terroriste renforcé en raison du retrait partiel des troupes françaises».
Le média international français a rajouté que «le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop et son homologue russe, Sergueï Lavrov, ont démenti, jeudi [11 novembre 2021], tout contrat avec le groupe de miliciens russes Wagner», alors que les responsables français pensent que des mercenaires russes sont soutenus par le Kremlin. La situation des relations diplomatiques entre la France et la Russie ne concernent, donc, pas que l'objet officiel du déplacement du président français à Moscou.
Certains pays d'Europe de l'Est, comme la Pologne, les pays Baltes, qui ont vécu sous la présence de l'URSS, critiquent la position d'Emmanuel Macron sur la coopération avec la Russie et se méfient des déclarations du locataire de l'Elysée sur les négociations avec la Russie sur un nouveau système de sécurité européen. Pour contrer les critiques avant son voyage à Moscou et assumer le rôle de leader européen dans la crise actuelle, le président français a souhaité désormais s'engager avec d'autres dirigeants occidentaux, dont le Premier ministre britannique, Boris Johnson, et le président américain, Joe Biden, selon les observateurs.
La visite du président français à Moscou et à Kiev a lieu deux mois avant les élections présidentielles dans son propre pays. Les conseillers du chef de la Ve République y voient des dividendes politiques potentiels bien que Emmanuel Macron n'ait pas encore annoncé officiellement sa candidature à la présidentielle 2022. C'est surtout l'occasion de démontrer son leadership en Europe. Avec cette visite officielle à Moscou, Emmanuel Macron envisage de conclure un accord de paix avec le président russe, Vladimir Poutine, sur la question de «l'invasion» de l'Ukraine.
Il est à noter que le locataire actuel de l'Elysée a une vision de l'autonomie stratégique européenne dans laquelle l'Europe devrait défendre ses propres intérêts de sécurité, et ne pas rester sur la touche pendant que Washington et Moscou «se battent».
Philippe Rostenthal
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