La France initie la réforme de l'espace Schengen pendant la présidence de l'UE. Durant sa conférence de presse pour introduire la présidence française au Conseil de l'Union européenne, qui commence le 1er janvier 2022, pour une durée de six mois, le président français, Emmanuel Macron, a déclaré sa volonté d'entamer une réforme de l'espace Schengen.
«Pour résumer en une phrase, l'objectif de notre présidence de l'UE est de rendre l'Europe plus souveraine. Faire passer l'Europe de la coopération à l'intérieur de nos frontières à une Europe qui aurait de la force dans le monde, serait complètement indépendante et gérerait de manière indépendante son propre destin», a-t-il déclaré. Il a indiqué vouloir mieux «maîtriser» les frontières européennes, une «condition indispensable» pour relever le défi migratoire, faire face aux guerres «hybrides» et éviter les «drames humains».
Selon lui, Paris initie la réforme de l'espace Schengen autour de deux priorités. «D'abord, il s'agit de l'administration politique de l'espace Schengen, pour laquelle, comme dans le cas de la zone euro, une organisation spéciale sera créée, au sein de laquelle se tiendront régulièrement des réunions des ministres concernés», a expliqué le président français.
Emmanuel Macron a également souligné que les autorités de l'UE devraient renforcer le contrôle aux frontières extérieures et assurer leur protection, ce qui sera l'une des conditions clés pour assurer la libre circulation au sein de l'UE. «Deuxièmement, c'est la création d'un mécanisme de soutien d'urgence en cas de crise à la frontière. Les pays dont les frontières sont à la périphérie de l'UE devraient pouvoir compter sur le plein soutien de l'agence des frontières Frontex».
Avec la réforme de Schengen, le président français à présenté l' Europe de la Défense et le nouveau modèle européen. La présidence française de l’UE (PFUE) est placée sous le triptyque «Relance, puissance, appartenance».
Emmanuel Macron a rappelé les «avancées considérables» dans l’Europe de la défense, citant notamment le lancement d’un fonds européen de la défense en 2017. Il souhaite désormais «entrer dans une phase plus opérationnelle», et faire de la PFUE un «moment de définition de la Boussole stratégique».
Un nouveau modèle européen. Emmanuel Macron a appelé à «imaginer un nouveau modèle européen» qui devrait être discuté dans un sommet organisé par la PFUE en mars prochain. D'après lui, l’UE doit avoir comme «obsession» de «créer des emplois» et de «lutter contre le chômage de masse», spécifiant qu'il s’agit aussi de créer «les bons emplois». Il a stipulé que la directive sur le salaire minimum sera au cœur de la PFUE, ainsi que celle sur la transparence des salaires dont l’ambition finale est de mettre fin à l’écart salarial entre les femmes et les hommes.
Il a défendu une relance industrielle qui passerait notamment par des secteurs clés: hydrogène, batterie, semi-conducteurs, cloud, défense, santé ou culture. Il a déclaré: «Nous devons garantir le positionnement de l’Europe» et sa force pour définir les standards de demain», soulignant que «l’action au niveau d’un Etat n’est pas la bonne échelle».
Ce nouveau modèle supposera également, selon le président français, des règles budgétaires et financières adaptées pour «réadapter nos règles budgétaires». Il a ainsi appelé à parachever un cadre crédible, simplifié et transparent, et particulièrement une Europe bancaire avec une levée au maximum de l'argent privé, pour un vrai marché de capitaux.
Agenda climatique. Pour atteindre la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et neutralité carbone en 2050 (les objectifs fixés par l’UE), Emmanuel Macron a assuré que la PFUE fera avancer les textes, avec comme principe de «ne pas perdre une minute». Il a annoncé que les prochains mois verront la mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières: «pour préserver notre compétitivité», les clauses miroir: «afin d’avoir une ''cohérence'' entre la politique commerciale et la politique climatique et de préservation de la biodiversité, et la création d’un instrument européen de lutte contre la déforestation importée».
Numérique. Le numérique devrait aussi avoir une place importante pendant la PFUE. Paris espère faire aboutir les deux prochaines grandes régulations en la matière, le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA). Emmanuel Macron a déclaré, faisant référence au Règlement général sur la protection des données (RGPD): «Quand nous savons nous organiser, nous créons des standards à l’échelle internationale». Il a demandé à «agir en Européen» pour rattraper le retard de l’UE qui a «déjà des dépendances technologiques», tout en indiquant souhaiter mettre en place «un marché intégré du numérique» afin d'attirer les financements et pour aider les entreprises technologiques pour qu’elles n’aient pas à aller chercher de l’argent ailleurs, dans un souci de souveraineté.
«Une Europe humaine». Emmanuel Macron a déclaré vouloir profiter de la PFUE pour renouer avec la «vocation humaniste de l’Europe», en la rendant «plus efficace», «plus proche de nos concitoyens», car «la question des valeurs», «la raison de notre Union», ne sont pas négociables», étant «à la base de nos traités». Précisant la création «d'un fond de soutien européen pour les journalistes indépendants», il a dénoncé les «discours de haine», «l'antisémitisme», les «violences faites aux femmes». Selon lui, il faut écrire l'Histoire de l'Europe, avec des historiens indépendants pour lutter contre le révisionnisme historique utilisé par des puissances pour revoir notre propre rôle.
Eric Joly
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