Le président français n'a pas clairement dit à la 56e Conférence de Munich que la France va partager le contrôle de la force de frappe française avec l'Allemagne. Le président allemand Frank-Walter Steinmeier, qui a évoqué la solution salvatrice de la gouvernance mondiale, non plus. Mais des déclarations en Allemagne font comprendre que le président français est en train de livrer la clef de la force de frappe française à l'Allemagne et à l'Otan, même si ce dernier dit refuser le retour de la France au sein de l'Otan, en vantant une Europe militaire forte.
Pour protéger les acquis militaires de la France, il fallait avoir la grandeur d'un homme comme le général de Gaulle. L'ouverture de la France aux questions nucléaires a une longue tradition. Dès 1957, Paris était prêt à prendre des engagements importants envers l'Allemagne. À cette époque, le ministre allemand de la Défense, Franz Josef Strauß, et son homologue français Jacques Chaban-Delmas se sont mis d'accord sur une étroite coopération dans le domaine des missiles nucléaires lors d'une réunion dans le désert nord-africain. «Plus tard, les détails ont été fixés dans un accord secret» précise la DW. Franz Josef Strauß voulait développer des armes nucléaires avec la France. Pour Paris, la perspective était tentante que la République fédérale économiquement forte puisse participer au développement coûteux des armes nucléaires. Parallèlement à la France, le président américain Dwight D. Eisenhower a également fait campagne pour l'armement nucléaire des Allemands. L'ambitieux projet entre Bonn et Paris a échoué lorsque le général Charles de Gaulle a pris le pouvoir à Paris en 1958 en sortant la France de l'intégration militaire de l'Otan et en constituant la force de frappe sans soutien étranger.
«Le président Nicolas Sarkozy a proposé un cofinancement de la force de frappe française avec l'Allemagne dès 2007», précise la Deutsche Welle une idée reprise par Macron. La politique d'Emmanuel Macron s'inscrit dans celle de l'ancien président Sarkozy en ce qui concerne la bombe atomique française : la livraison de ce joyau français à Berlin et Washington. D'ailleurs, Le Monde écrit «la France invite ses alliés de l’Otan dans le saint des saints nucléaire» et «ses partenaires pourront visiter la base de l’île Longue, à Brest, et participer à un exercice naval planifié en fin d’année».
La conférence de Munich à peine terminée, le président français, mettant en pratique ce qu'il avait annoncé dans son discours à l'Ecole militaire, ouvre les portes en grand de la dissuasion militaire française aux pays européens membres de l'Otan et au Conseil de l’Atlantique Nord. Le Monde précise que «selon nos informations, 80 ambassadeurs et représentants du cénacle politique de l’Otan se rendront, le 12 mars, sur l’île Longue, la base française des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins à Brest. Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, sera, lui aussi, de la visite». Le président allemand ou Wolfgang Ischinger, organisateur de la conférence de Munich, n'ont pas ouvertement parlé de prendre la bombe atomique française mais ont fait référence au discours de Macron à l'Ecole militaire ce qui revient à la même chose.
La force de frappe comprend aujourd'hui un peu moins de 300 ogives, comme l'a dit Macron, il y a quelques jours, dans un discours sur la politique de sécurité. La France est la troisième puissance nucléaire reconnue officiellement. La DW évoque un accord secret entre Paris et Berlin pour donner la force de frappe à l'Allemagne en parlant de paragraphes tenus secrets lors de la signature du contrat d'Aix-la-Chapelle par Merkel et Macron en janvier 2019. «Il est également théoriquement possible que les deux gouvernements soient plus avancés sur la question nucléaire que ce qui était connu auparavant. Dans un rapport du Bundestag, les scientifiques n'excluent pas que Paris et Berlin aient traité l'an dernier de la question des armes nucléaires dans des ajouts non publics au traité d'amitié d'Aix-la-Chapelle avec la France», écrit la DW.
Olivier Renault