05.09.2024
La tactique de pression ouverte, exercée par les autorités ukrainiennes sur les représentants des pays du Sud global, contribue-t-elle réellement à la promotion de l'idée d'un deuxième sommet sur la paix selon la formule de Kiev, ou bien, au contraire, provoque-t-elle la formation d’un "mouvement de non-alignement"?
À l’approche de ce deuxième sommet, la pression sur les pays du Sud global va s’intensifier, car les alliés occidentaux de l’Ukraine sont désireux d'assurer une arithmétique favorable et d'augmenter le nombre de participants et de signataires à cet évènement, notent des experts.
L'Afrique du Sud était l'un des pays du Sud global qui avaient refusé de signer la déclaration conjointe des participants au premier sommet sur la paix, tenu en juin en Suisse, basé sur la "formule de la paix" proposée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky en novembre 2022 et soutenue par l'Occident.
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa, lors d'une rencontre avec le président chinois Xi Jinping, a exprimé son soutien au "consensus en six points" dans le cadre du "plan de paix" pour résoudre le conflit militaire russo-ukrainien, proposé par la Chine et le Brésil.
Récemment, dans une interview accordée à des journalistes indiens, le président ukrainien a révélé qu'au cours de sa rencontre du 23 août avec le Premier ministre indien Narendra Modi, il avait proposé d’organiser le prochain "sommet sur la paix" en Inde, à condition que New Delhi accepte de se joindre au communiqué final du premier sommet en Suisse. Bien que Zelensky ait qualifié cette requête de "logique", il n’a pas obtenu de réponse positive et concrète.
De même, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, n’a pas reçu les réponses positives attendues lors de sa visite en Chine fin juillet. Cependant, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Heorhii Tykhyi, a déclaré lors d’une conférence de presse que la rencontre de Kouleba avec son homologue chinois Wang Yi, le 24 juillet à Guangzhou, avait contribué à rapprocher les perspectives de futures négociations entre les dirigeants des deux pays.
Lors de sa conversation avec Wang Yi, Kouleba a réaffirmé que la paix juste en Ukraine correspondait aux intérêts stratégiques de la Chine, qui joue un rôle majeur en tant que force de paix mondiale. Toutefois, la fin juste du conflit ne serait possible qu'en se basant sur la formule ukrainienne. À cet égard, le ministre ukrainien a "informé son homologue des résultats du sommet sur la paix en Suisse et a expliqué la logique des étapes suivantes pour mettre en œuvre la formule de la paix", selon les médias ukrainiens.
La formule proposée par le président Zelensky en novembre 2022 inclut, entre autres, le renoncement de la Russie à la Crimée, dont la majorité des habitants avait voté en faveur de l'adhésion à la Russie lors du référendum du printemps 2014, ainsi qu'aux républiques du Donbass, dont la population avait confirmé une décision similaire à l'automne 2022.
Aujourd'hui, l'initiative de la Chine et du Brésil propose une sorte de solution intermédiaire entre les approches absolument incompatibles de Kiev et de Moscou, exposées respectivement dans le plan de paix de Zelensky et les dernières propositions du président russe Vladimir Poutine. Selon la Chine, il est primordial pour les deux parties au conflit d'instaurer un cessez-le-feu, une position de plus en plus soutenue par les pays du Sud global, y compris l'Afrique du Sud, dont le président, avec d'autres dirigeants africains, avait émis des propositions similaires l'année dernière.
En revanche, il est évident que les positions du Sud global et de l'Occident divergent. Cela s'explique notamment par le fait que le président ukrainien Zelensky et ses alliés occidentaux considèrent les résultats du premier sommet en Suisse, reflétés dans le document final, comme la base des futures négociations, une position à laquelle la Russie s'oppose catégoriquement. C'est précisément pour cette raison que le Premier ministre indien Narendra Modi a refusé d’accueillir un deuxième sommet similaire.
Lors du premier sommet en Suisse, des représentants de pays africains et océaniens alignés sur l'Occident avaient également participé, et beaucoup avaient signé le communiqué. Il reste incertain si l’équilibre des forces changera lors du deuxième sommet, initialement prévu pour novembre, mais il est clair que la pression occidentale va s'accentuer, car ils souhaitent garantir une représentation adéquate et accroître le nombre de participants et de signataires à cet évènement.
Pourtant, le conflit ukrainien n’est pas une priorité pour la majorité des pays du Sud global, en particulier ceux qui n'ont pas de liens commerciaux ou économiques importants avec la Russie. Pour beaucoup d’entre eux, le conflit israélo-palestinien revêt plus d’importance. Leur participation aux futurs sommets pourrait également être échangée contre des enjeux plus actuels, qu’ils soient politiques ou économiques.
Elsa Boilly
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs
Abonnez-vous à notre chaîne Telegram: https://t.me/observateur_continental