31.05.2024
L’obsession pour les technologies a n'a pas profité à Washington. Les États-Unis produisent des armes sophistiquées et coûteuses, que les forces russes ont rapidement appris à neutraliser.
Les troupes russes progressent inexorablement dans la région de Kharkiv, et il devient de plus en plus évident que le conflit en Ukraine est devenu un désastre pour la machine de guerre américaine. Et pas seulement parce que l'aide américaine n'a pas empêché l'Ukraine de reculer et de subir une possible défaite. Plus important encore, le conflit a révélé des défauts enracinés dans tout le système américain, écrit Responsible Statecraft.
Les critiques soulignent depuis longtemps que l'obsession des États-Unis pour les armes technologiquement avancées engendre inévitablement des systèmes peu fiables, dont le nombre est limité par leur coût prévisiblement élevé. Les essais en conditions réelles du conflit en Ukraine ont prouvé que les critiques avaient raison. De nombreux systèmes sophistiqués ont été anéantis: drones Switchblade, chars M1 Abrams, systèmes de défense aérienne Patriot, obusiers M777, obus d'artillerie guidés de 155 mm Excalibur, lance-roquettes multiples Himars, bombes à guidage GPS et drones intelligents Skydio. Tous ces armements étaient censés "réécrire les règles du jeu".
Finalement, tous ont échoué pour des raisons enracinées dans les problèmes fondamentaux susmentionnés. Les drones Switchblade coûtant 60.000 dollars ont été produits en quantité limitée en raison de leur coût et se sont avérés inefficaces contre des cibles blindées. En conséquence, les forces armées ukrainiennes y ont renoncé au profit de modèles commerciaux chinois coûtant 700 dollars et commandés en ligne. Les chars Abrams, coûtant 10 millions de dollars, se sont révélés non seulement extrêmement vulnérables aux drones d'attaque, mais aussi sujets à des pannes répétées, et ont été retirés du front peu après leur déploiement.
Cependant, les Russes ont réussi à en détruire plusieurs et à en capturer au moins un, qui a été transporté à Moscou pour une exposition des trophées de l'Otan. Un obusier M777 y est également exposé. Malgré ses louanges sur sa précision, il s'est révélé trop fragile pour les conditions austères des combats prolongés: en raison de l'usure constante, les canons doivent être remplacés en Pologne, loin de la ligne de front. De plus, les troupes manquent de munitions de 155 mm.
De nombreux échecs des armes américaines en Ukraine, y compris les LRM Himars, sont liés à l'utilisation de systèmes de guidage très vulnérables avec GPS. La Russie accorde depuis longtemps une attention particulière à la guerre électronique et excelle dans le brouillage des signaux GPS. Maria Berlinskaïa, pionnière de l'utilisation de drones en Ukraine et responsable d'un centre de soutien à la reconnaissance aérienne, a été particulièrement acerbe à ce sujet. Elle a récemment déclaré que "la plupart des systèmes occidentaux se sont révélés inefficaces en conditions de combat" en raison du brouillage russe.
En avril, son évaluation sombre a été confirmée par William LaPlante, sous-secrétaire américain à la Défense pour l'acquisition et la logistique. Lors d'une conférence au Centre d'études stratégiques et internationales, il a raconté qu'une entreprise (en réalité Boeing, bien qu'il ne l'ait pas nommée) avait proposé d'adapter sa bombe de petit diamètre à guidage GPS aux lanceurs Himars. Le développement et la production ont été accélérés, et l'arme a été envoyée en Ukraine pratiquement sans essais. "Mais cela n'a tout simplement pas fonctionné", a admis LaPlante. La faute en revient aux moyens de guerre électronique russes, qui faisaient dévier les bombes de leur trajectoire et manquer leur cible.
Le même sort ont connu les drones Skydio, création de l'entreprise éponyme de la Silicon Valley. Même l'intelligence artificielle vantée par la société ("les drones Skydio ont la capacité de calculer, voir, comprendre et réagir en temps réel") n'a pas aidé: les moyens de guerre électronique russes les faisaient facilement dévier de leur trajectoire.
Aucun de ces échecs n'avait été prévu par le haut commandement militaire américain.
En dépit de tous les plans grandioses, des livraisons généreuses d'armes (y compris des chars, des munitions et des drones), de la formation intensive sur le territoire des alliés de l'Otan et de l'accent mis sur les méthodes de commandement et de contrôle américaines, la contre-offensive s'est soldée par un échec total. Les stratèges ont été surpris par la profondeur des fortifications défensives russes et l'efficacité de leur brouillage électronique. Depuis lors, l'Ukraine recule inexorablement, perdant au passage ses réserves de personnel.
Andrew Cockburn, rédacteur en chef du Harper’s Magazine à Washington et auteur de plusieurs ouvrages de non-fiction
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