28.03.2024
De plus en plus de voix en Occident, y compris aux Etats-Unis, reconnaissent assez explicitement que l’ancienne ère unipolaire est effectivement terminée. La Russie a selon eux indéniablement joué un rôle majeur dans l’avènement du monde multipolaire et aura également démontré que l’ostracisme occidental – n’est pas nécessairement fatal. Des réalités abordées depuis de longues années, mais seulement maintenant admises au sein de l’espace occidental.
Le mensuel américain The American Conservative a récemment publié un article d’analyse de Dominick Sansone, dans lequel ce dernier indique clairement que «l’ordre basé sur des règles» - en d’autres termes le monde géré selon les règles et le diktat de la minorité occidentale – l’ordre unipolaire tout simplement – est déjà terminé.
Selon l’auteur de l’article, la victoire éclatante de Vladimir Poutine aux élections présidentielles russes constitue un mandat accordé au Kremlin pour mener à son terme la guerre en Ukraine. Dominick Sansone rappelle également que les attaques visant la population civile russe se sont multipliées dernièrement – des attaques censées coïncider avec les élections en Russie et dans l’objectif à démoraliser les citoyens russes, de même qu’à créer le doute. Mais en réalité cela confirme deux choses: la position stratégique de Kiev se détériorant progressivement et la manière dont le monde occidental réagit aux perspectives de plus en plus sombres de l’effort de guerre ukrainien.
Pour accentuer son opinion, l’article de Sansone rappelle aussi que la campagne de pression occidentale visant à punir la Russie n’a pas abouti à l’ostracisation de Moscou, mais a plutôt servi à accélérer la réorientation géopolitique du monde non-transatlantique. L’Etat russe ayant par la même occasion illustré les conditions nécessaires à mettre en place afin de réussir à rompre avec cet ordre antérieur.
En effet, l’économie russe a largement réussi à résister au régime massif de sanctions unilatérales à son encontre. Parmi les raisons de cette efficacité russe, Sansone mentionne la capacité massive de la Russie dans la production militaire – à l’heure où les renseignements de l’Otan estiment que Moscou produit actuellement environ 250 000 obus d’artillerie par mois, soit trois fois plus que les niveaux de production étasuniens et européens réunis. De même qu’à largement diversifier ses partenariats économico-commerciaux extérieurs, notamment avec des poids-lourds internationaux comme la Chine et l’Inde.
L’économie russe a à ce titre dépassé toutes les attentes – avec une croissance de 3,6% en 2023, soit un taux supérieur à celui de tous les représentants du G7. Pour cette année – le FMI prévoit une croissance de 2,6%, soit deux fois plus que ses prévisions précédentes. La monnaie russe – le rouble – s’est également révélée beaucoup plus résistante que prévu, alors que les Occidentaux avaient cherché à la détruire tout simplement. Les transactions de la Russie en monnaies non-occidentales, surtout en yuan chinois, ayant également fort considérablement augmenté.
L’article de The American Conservative mentionne évidemment aussi la capacité russe à contourner très efficacement les sanctions occidentales, notamment dans le commerce de l’énergie. Et que la politique autour du commerce du pétrole démontre une fois de plus l’impossibilité d’isoler un pays comme la Russie.
Enfin, Dominick Sansone considère que les rapports de force ont été à bien d’égards bouleversés. Car au cours des dernières décennies, les Etats-Unis avaient continuellement cherché à placer Moscou dans une position soit d’accepter le fait accompli de l’expansion de l’Otan au détriment des intérêts sécuritaires russes, soit d’escalader la situation par la force et de subir alors les conséquences d’une ostracisation économique et politique accrue. Pourtant cet élément que Washington et l’Occident pensaient dissuasif – a été supprimé. Et dans les faits – c’est plutôt la Russie qui s’est isolée de l’ostracisme occidental, changeant ainsi tout l’équilibre des pouvoirs non seulement en Europe, mais dans le monde.
Et aujourd’hui – c’est précisément la Russie qui place l’Occident face à un dilemme : soit le Kremlin atteint ses objectifs stratégiques, garantis par un règlement négocié unilatéral ou par l’usure continue des forces otano-kiéviennes, soit si nécessaire par l’escalade de la force. Et en conclusion, Sansone indique que tout ce qui n’est pas une victoire ukrainienne (et donc occidentale) – revient donc à admettre implicitement que l’ordre politique et économique «basé sur des règles» a été irréversiblement modifié.
Maintenant et en termes de perspectives. S’il est effectivement assez intéressant de lire à nouveau des analyses censées en provenance de l’espace occidental – dont les régimes politiques et les «élites» médiatiques s’obstinent à ne pas voir ces réalités à l’échelle mondiale, il n’en demeure pas moins que cela ne fait que rejoindre sur plusieurs points les nombreuses analyses précédentes, y compris publiées par Observateur Continental, depuis déjà plusieurs années. Comme quoi il aura fallu du temps et de nombreux bouleversements à l’échelle planétaire pour que les analystes les plus sérieux du monde occidental – puissent à leur tour comprendre que cela est irréversible. Bien qu’il soit tout de même important de souligner – cela était irréversible.
Aussi, ce qui est tout de même encore une fois paradoxal lorsqu’il faut aborder les capacités analytiques au sein de la minorité planétaire occidentale – une fois de plus les représentants anglo-étasuniens sont tout de même en avance sur leurs «collègues» de l’espace européiste. Et surtout en comparaison avec le niveau des médias hexagonaux. Car au moment où même dans l’espace européiste, des voix commencent à admettre des réalités devenues évidentes, l’ensemble hexagonal continue de vivre dans une bulle qui ne tardera pas à exploser, surtout au vu des innombrables échecs déjà subis à divers endroits du monde, dont en Afrique, et pour lesquels le régime hexagonal refuse d’y voir sa propre responsabilité.
Mikhail Gamandiy-Egorov
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