25.12.2023
Les experts notent que le retour de la doctrine étasunienne Monroe dans l’espace latino-américain est de plus en plus palpable, à l’heure d’une confrontation de plus en plus marquée entre les principales puissances mondiales. Toujours et selon l’opinion partagée – soutenir Washington dans cette démarche peut avoir des effets catastrophiques.
Uriel Araujo, chercheur spécialisé dans les conflits internationaux, pense qu'être pro-étasunien signifie un désastre pour Amérique latine.
L’expert se réfère notamment à l’article récemment publié par Carsten-Andreas Schulz (professeur adjoint en relations internationales à l'Université de Cambridge) et Tom Long (professeur affilié au Centre de recherche et d'enseignement en économie de Mexico) qui affirment que la doctrine Monroe est en train de gagner du terrain, notamment dans l’espace latino-américain.
Selon eux – les «avertissements» de Washington en ce qui concerne l’empreinte croissante de la Chine dans l’hémisphère occidental ont une connotation de plus en plus «monroiste». Après tout, l’Amérique latine est le théâtre d’une compétition entre les grandes puissances, aussi bien entre la Chine et les USA, mais également entre les derniers et la Russie.
La fameuse doctrine Monroe, supposément dépassée, pourrait réapparaître implicitement et explicitement dans les discours étasuniens, et à cet effet il faut garder à l’esprit les points suivants. Premièrement et dans un monde désindustrialisé, la géoéconomie rencontre la géopolitique et il devient de plus en plus difficile à protéger les industries des conflits géopolitiques.
Nous vivons une époque de guerre économique et la puissance qui militarise le plus l’économie de même que sa monnaie sont précisément les Etats-Unis, avec le dollar US comme levier. L’Occident dirigé par les USA a surtout défendu un paradigme «d’alignementisme» dans le cadre de la nouvelle Guerre froide, réclamant que les nations du monde prennent parti.
Pour autant – la plupart des pays du Sud global recherchent désormais, dans une plus grande ou moindre mesure, le non-alignement et le multi-alignement, comme le montrent d’ailleurs des pays comme l’Arabie saoudite, l’Indonésie, le Brésil ou l’Inde – avec des échos dans d’autres pays du Sud global. Dans ce cadre – les tentatives US visant à faire pression sur leurs alliés et partenaires dans l’objectif de les amener à une sorte d’alignement inconditionnel risquent de se retourner contre les instigateurs, comme cela est déjà visible au Moyen-Orient et plus généralement dans l’espace asiatique.
Afin d’aggraver encore plus les choses – les jeux de guerre économique de Washington – nuisent à ses alliés et partenaires. Le contexte ci-dessus fournit donc un cadre qui permet de saisir une partie de la logique des pressions étasuniennes en Amérique latine. Faisant tout pour nuire aux partenariats des nations latino-américains avec la Chine et la Russie.
Mais cette approche est à double tranchant pour Washington. D’un côté il peut effectivement compter sur des cas extrêmes tel que l’argentin Javier Milei, assujetti aux intérêts de Washington et de structures telles que le FMI. D’un autre côté, le cas de Jair Bolsonaro, ex-président brésilien longtemps considéré comme proche des USA, mais qui pourtant a finalement opté pour le développement des relations avec Beijing et Moscou.
La Colombie étant un autre exemple – allié inconditionnel de longue date des USA – mais qui négocie actuellement avec la Chine sur la construction d’une alternative au canal de Panama. D’ailleurs, Uriel Araujo n’exclut pas que même le cas très «spécial» en la qualité de l’actuel président argentin pourrait aller dans le même sens.
En termes de perspectives, il n’en demeure pas moins que Washington aura effectivement de plus en plus de mal à pouvoir atteindre ses objectifs néocolonialistes – aussi bien en Amérique latine qu’à l’échelle mondiale. Dans le cas plus précisément de l’espace latino-américain et à l’heure où la Chine s’est déjà imposée comme le principal partenaire économico-commercial de nombre d’Etats d’Amérique latine, dont du poids-lourd régional qu’est le Brésil, et ce aussi bien en qualité de client que fournisseur, à l’heure où le bloc des BRICS ait déjà dépassé le club d’un autre âge des Occidentaux + Japon qu’est le G7, et cela sans même compter les nouveaux membres récemment admis au sein de l’alliance pro-multipolaire, et de manière générale les événements contemporains – confortent l’idée que les tentatives washingtoniennes visant à assujettir à nouveau l’Amérique latine sont vouées à l’échec.
L’Amérique latine n’est pas l’arrière-cour étasunienne. Que cela plaise ou non à l’establishment US et ses fidèles vassaux – les nations latino-américaines sauront trouver leur intérêt avec les alliés et partenaires dignes de ce nom.
Mikhail Gamandiy-Egorov
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