10.07.2023
Les émeutes sont rerentrées dans leur boîte. De sérieuses réformes sont nécessaires en France pour s'attaquer à leurs causes. La boîte peut se rouvrir à tout moment et ces émeutes, qui se sont limitées à des pillages, des destructions de voitures, de magasins, de mairies, d’écoles, peuvent déboucher sur des actions plus violentes. Les émeutes, en France, ont affaibli la position du président français, Emmanuel Macron, dans le pays mais aussi à l'étranger. La violence dans les rues s'estompe, mais elle reste larvée et le gouvernement doit encore s'attaquer aux racines des divisions sociales.
Conséquences économiques. Les émeutes, qui ont balayé la France et qui ont été provoquées par la mort d’un jeune automobiliste de 17 ans, Nahel, s'estompent peu à peu. C'est ce qu'a déclaré le président Emmanuel Macron à l'issue d'une rencontre avec les maires de 241 villes françaises, estimant que «le pic [des émeutes] est passé».
Ses propos sont confirmés par les données du ministère de l'Intérieur du pays: dans la nuit de mardi à mercredi de la semaine dernière, 16 personnes ont été interpellées en France, soit le chiffre le plus bas depuis le début des émeutes. Cependant, contrairement aux violences urbaines de 2005, les émeutes que vient de vivre le pays ont essaimé sur tout le territoire, des centres-villes de grandes agglomérations aux communes plus petites.
En un peu plus d'une semaine d'émeutes qui ont balayé non seulement Paris, mais aussi Marseille, Lyon, Strasbourg et d'autres villes françaises, au moins 3,6 mille personnes ont été arrêtées. S'exprimant mercredi dernier au Sénat, le ministre français de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré que plus de 12.000 voitures ont été incendiées et plus de 2.500 bâtiments ont été endommagés ou détruits, dont 273 postes de police. Aussi, 105 mairies et 168 écoles ont souffert des actions des émeutiers. Les forces de l'ordre ont enregistré 17 attaques contre des fonctionnaires.
Au même moment Gerald Darmanain a jugé dans son audition au Sénat que la situation est «calme», mais qu’il fallait la «surveiller». Il a listé les dégâts: 23.878 feux de voies publiques, dont des feux de poubelles; 12.031 incendies de véhicules; 2.508 incendies ou dégradations de bâtiments, dont 273 appartiennent aux forces de l’ordre nationales, à la gendarmerie ou à la police municipale; 105 incendies ou dégradations de mairies; 168 attaques d’écoles; 17 atteintes aux élus. Devant les sénateurs, la première ministre, Elisabeth Borne, a, également, assuré que «la situation redevient pratiquement normale», rajoutant la semaine dernière: «Une décrue de la violence a été observée ces dernières nuits».
Emmanuel Macron a promis aux mairies une «loi d'urgence» pour accélérer la reconstruction des quartiers saccagés.
Pendant ce temps, la France a commencé à compter les pertes liées aux émeutes. Dans un entretien au Parisien, le président du syndicat patronal français du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a déclaré que le préjudice est estimé à 1 milliard d'euros dépassant les conséquences des manifestations des Gilets jaunes en 2018-2019 et, surtout, les émeutes de 2005. «200 commerces ont été pillés, 300 agences bancaires et 250 bureaux de tabac détruits à travers la France», a-t-il signalé.
Bruno Le Maire a annoncé en conférence de presse que «plus de 700 commerces ont été victimes d'attaques et de dégradations depuis le début des violences urbaines», et déclaré «le report de paiement de charges sociales ou de charges fiscales» pour les commerçants touchés, après une réunion à Bercy avec les représentants des commerçants, restaurateurs et hôteliers, assureurs ainsi que des banques françaises.
Implications politiques. La France est également confrontée aux conséquences politiques des émeutes. La Croix note qu’ «à un an des Jeux olympiques de Paris et après la contestation sociale contre la réforme des retraites, les images de violences urbaines en France ont fait le tour du monde ces derniers jours» et que c’est «un coup dur pour le blason français, qui a conduit Emmanuel Macron à reporter sa visite d’État en Allemagne».
Ces émeutes touchent aussi négativement l'image de la politique étrangère d’Emmanuel Macron. Les deux mandats présidentiels du président français ont été frappés à plusieurs reprises par des manifestations qui ont ensuite dégénéré en émeutes. De nombreux manifestants ont été gravement blessés en perdant des mains, des yeux et d’autres y ont même trouvé la mort. D’ailleurs, dans un communiquée, l'Élysée a annoncé le report de la visite du Roi Charles III en France, compte tenu d'une nouvelle journée de grève contre la réforme des retraites organisée le mardi 28 mars. Les événements actuels ont forcé Macron à quitter le sommet de l'UE à Bruxelles plus tôt que prévu et à annuler les négociations avec Olaf Scholz à Berlin.
Les émeutes de ces derniers jours fragilisent encore plus la position d’Emmanuel Macron surtout que le parti politique Renaissance avec 171 députés ne dispose pas de la majorité au parlement, estime The Associated Press (AP), rappelant qu’Emmanuel Macron, a été, pourtant, réélu pour un second mandat, afin de mettre en œuvre un certain nombre d'initiatives tant en France que dans l'espace politique européen.
Outre la réforme des retraites, il s'agit de l'accélération de l'industrialisation, de l'amélioration des conditions de travail et de la nouvelle législation migratoire. Au niveau paneuropéen, il a promu l'idée de souveraineté européenne en matière d'économie, d'énergie et de défense. Désormais, l'AP estime que pour Emmanuel Macron, «maintenant, gouverner son pays est devenu presque impossible». Il devra mettre de côté les idées non réalisées et se concentrer sur la question du mécontentement social croissant dans le pays. Emmanuel Macron a encore quatre ans de mandat dans son quinquennat et se trouve devant une France divisée et il aura besoin d'endurance à ce poste, avertit l’agence de presse anglophone.
Dans le même temps, Marine Le Pen, chef de file de l'opposition de droite avec le Rassemblement National (RN) qui a perdu deux fois face à Emmanuel Macron à l'élection présidentielle, est en meilleure position. «Marine Le Pen profite de la crise pour se présidentiabiliser», titre Challenges.
Le Figaro souligne qu'elle s'est délibérément distanciée des événements de ces derniers jours et n'a pas fait de déclarations dures, contrairement à d'autres hommes politiques, vraisemblablement dans le but de redorer l'image de son parti, qui avait auparavant été plus d'une fois accusé de xénophobie.
«Comme responsable de la première force d'opposition, j'entends m'en tenir à la ligne de conduite qui est la nôtre de ne rien faire qui puisse empêcher ou entraver l'action des autorités légitimes», a commenté laconiquement Marine Le Pen sur les émeutes.
The Local note que, pour l'instant, le gouvernement d’ Emmanuel Macron a choisi de faire face aux conséquences économiques des troubles comme stratégie d'adaptation, tout en étant également confronté à un problème tel que la division accrue entre les villes et les banlieues avec une population d'origine arabe et africaine, et pas seulement sur une base économique.
La solution pourrait être de réformer, à la fois, le système éducatif, ce qui conduirait à l'émergence d'ascenseurs sociaux pour les personnes issues des quartiers «défavorisés». Et, la police, devrait mieux définir les critères d'usage des armes par ses agents. Cependant, la fracture en France et si forte que de nombreux territoires appelés, quartiers de reconquête républicaine, ne sont plus sous le contrôle de Paris.
Pierre Duval
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