04.05.2023
La diplomatie française s’agite. Des voyages sont organisés. Catherine Colonna, la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, a vu rapidement trois pays dans le Caucase: la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Par tradition, la France entretient des liens étroits avec l’Arménie, surtout. Paris est actif dans cette région, mais en raison de sa position pro-arménienne explicite, la France a peu de chances de pouvoir développer une influence.
Dans la Transcaucasie, Catherine Colonna a compris, alors qu’ un accueil chaleureux l'attendait, qu’elle n’était pas trop considérée comme la bienvenue. En Arménie, la diplomatie française a traditionnellement trouvé un grand soutien en raison des liens historiques entre les pays, et la présidente actuelle de la Géorgie, Salomé Zourabichvili, est une ancienne citoyenne et diplomate française à Tbilissi. Mais, Bakou, la capitale de Azerbaïdjan, nourrit à l’égard de Paris une grande méfiance en raison de l'islamophobie généralisée parmi les politiciens et médias français, aussi à cause du soutien envers le séparatisme arménien.
Un contact froid à Bakou. Certainement, voulant terminer tôt la partie la plus froide et délicate du voyage, Catherine Colonna a décidé de le commencer en Azerbaïdjan. Comme presque tous les invités étrangers, elle a visité l'Allée des Martyrs et y a déposé une gerbe avec un ruban aux couleurs du drapeau français. Dans sa rhétorique, aussi, elle a essayé de s'en tenir à un langage prudent. «Faire la paix est possible. Cela suppose vision, détermination et courage», a-t-elle déclaré.
Cette rhétorique est un signe de méfiance au lieu de rechercher une compréhension mutuelle. Aucune stratégie de langage de la diplomatie française, voulant tourner autour du pot, ne permet un adoucissement des sujets qui font l’essentiel de cette zone géopolitique. Il n’est, en effet, pas possible d'éviter de discuter du sujet principal de ces derniers jours: l'installation d'un poste de contrôle du service frontalier azerbaïdjanais sur la route Latchine-Khankendi (la seule route reliant l'Arménie au Haut-Karabakh). Il était clair que les points de vue de Bakou et de Paris sur cet événement divergent dès le départ. Au cours de la visite, Catherine Colonna a, également, fait référence à la décision de la Cour internationale de Justice appelant à la libre circulation le long du corridor de Latchine.
Le média azerbaïdjanais, AZERTAC, rapporte qu’ «il n’y a aucun obstacle pour la circulation des véhicules» sur la route Latchine-Khankendi. C’est, certainement, ce qui dérange la diplomatie française, surtout que AZERTAC affirme: «Les informations publiées dans la presse arménienne concernant le prétendu blocus de la route Khankendi-Latchine par des manifestants pacifiques constituent une désinformation du côté arménien».
Deux ans et demi avant cette étape, l'Azerbaïdjan a informé tout le monde sur l'essence du problème. Au fil des ans, la France n'est jamais intervenue pour influer sur l'Arménie. Deuxièmement, en ce qui concerne la décision de la Cour internationale de justice, la route de Latchine-Khankendi est, donc, toujours ouverte. En décembre dernier, Bakou avait averti que l'installation d'un poste de contrôle était nécessaire car les formations armées arméniennes utilisaient la route pour transporter illégalement des munitions et des mines. Pour les autorités azerbaïdjanaises, malheureusement, la France utilise sa participation aux structures internationales pour nuire à l'Azerbaïdjan.
Au cours de la dernière année et demie, la France a utilisé presque tout son potentiel. La mission de l'UE stationnée à la frontière arméno-azerbaïdjanaise pour deux ans est une proposition française. Il y a, cependant, aussi le rôle du Conseil de sécurité de l'Onu, de l'UNESCO et de l’Organisation internationale de la francophonie.
Mais, l'Azerbaïdjan a des moyens de contrer cela. La vérité, c’est que de nombreux pays de l'UE sont désormais intéressés par de bonnes relations avec Bakou car avec le conflit en Ukraine, tous les flux de transport de l'Europe vers l'Asie centrale seront redirigés vers la mer Caspienne. Par conséquent, les initiatives anti-azerbaïdjanaises promues par Paris ont peu de chances d'être approuvées par les autres membres, surtout que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fermement déclaré que «l'UE et l'Azerbaïdjan renforcent leurs relations bilatérales, y compris leur coopération dans le domaine de l'énergie».
Catherine Colonna a beau visiter trois pays dans le Caucase et faire des tweets pour prouver les actions de la diplomatie française dans cette zone, elle a effectué un voyage pour des prunes. L’aveu de la faiblesse de la diplomatie française se résume par la photo publiée par Catherine Colonna sur son compte Twitter où elle montre le mont Ararat, situé sur le territoire turc qui fait, en réalité, miroiter la relation fraternelle entre l’Azerbaïdjan et la Türkiye en raison de l’aspect linguistique identique sans oublier l’ histoire et la même religion. Sur le cliché de la diplomate française, le mont Ararat domine son champ de vue alors qu’elle se trouve en Arménie et tweete: «Heureuse d’arriver en Arménie, ce pays ami avec lequel la France partage tant depuis des siècles, et dont nous soutenons l'aspiration à vivre en paix». Etait-ce un geste de provocation? un geste montrant son manque de connaissance? une photo prise par une touriste? Comme le disait Paris Match, «le poids des mots, le choc des photos» font l’actualité.
Olivier Renault
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs
Abonnez-vous à notre chaîne Telegram: https://t.me/observateur_continental