27.06.2022
Les efforts de Washington de consolider la communauté internationale contre la Russie ont trouvé un écho seulement parmi les alliés traditionnels de l'Amérique.
À cet égard, le quotidien The Economist a dû reconnaître que plusieurs pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine, y compris ceux qui sont considérés comme des alliés américains, refusaient de se joindre aux sanctions et même critiquer Moscou pour l'opération militaire en Ukraine "à cause des intérêts commerciaux, des convictions idéologiques et des ambitions stratégiques".
De nos jours, aucune économie du monde ne peut être autonome dans tout, et l'économie russe ne fait pas exception. Moscou cherche à remplacer les "partenaires" occidentaux par des pays qui étaient considérés comme le "Tiers monde" à l'époque soviétique - en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Alors que Washington, évidemment, s'efforce de l'en empêcher.
Deux poids lourds économiques, l'Inde et la Chine, n'ont pas non plus écouté les appels, voire les menaces à décréter des sanctions secondaires. Pékin avait même promis de riposter par des contre-mesures. La Chine n'aime pas qu'on la menace, qui plus est le président russe et son homologue chinois ont récemment fait état d'un niveau "sans précédent" des relations bilatérales.
L'Afrique est probablement l'importateur le plus prometteur des produits russes. La plupart des pays du continent considèrent le conflit en Ukraine comme un nouvel épisode de la confrontation russo-américaine globale, ne voyant rien d'extraordinaire dans l'opération militaire spéciale. D'autant qu'ils ont sérieusement besoin de la nourriture et des engrais russes.
C'est ce qu'a déclaré Macky Sall, président de l'Union africaine, lors de son entretien avec le président russe Vladimir Poutine, qui avait qualifié de contreproductives les tentatives d'exclure la Russie de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et d'autres organisations internationales. Le chef de l'État russe lui a parlé de la disposition d'entamer dès cet été des livraisons de céréales et d'engrais aux partenaires africains.
Bien évidemment, les États-Unis (et dans la mesure du possible la France) mènent sur le continent leur "travail" antirusse. Néanmoins, le 2 mars, seulement la moitié des pays africains a voté à l'ONU pour une résolution condamnant les actions de la Russie en Ukraine.
Le souvenir de l'aide soviétique globale à l'Afrique dans la lutte de libération nationale et la construction étatique profite à la Russie. En outre, de plus en plus de pays africains se tournent vers la Chine avec ses immenses investissements et avantages économiques.
Au Moyen-Orient, le centre d'efforts antirusses de Washington sont les monarchies du Golfe pétrolifère, avant tout l'Arabie saoudite. Les Américains cherchent à compenser la réduction des livraisons d'hydrocarbures russes par la hausse des importations en provenance des pays arabes. Et ils le font avec leur manière habituelle. Le secrétaire général de la Ligue arabe Ahmed Aboul Gheit a même déploré récemment: "Le monde occidental fait pression sur nous: Votez avec nous. Opposez-vous à la position russe. Condamnez-la."
Pendant ce temps, le président américain Joe Biden s'apprête à se rendre à Riyad pour persuader le roi et le prince héritier à augmenter les fournitures de pétrole en Europe. Il fera également escale en Israël, qui ne cherche absolument pas à rompre ses relations avec la Russie. Cette tournée ne sera pas facile. Selon le quotidien The Wall Street Journal, les relations américano-saoudiennes traversent une période "critique", alors que pour Israël la Russie est avant tout un facteur de nivellement des ambitions politico-militaires de l'Iran en Syrie.
Il convient de mentionner la réticence de la Turquie, pour qui l'adhésion à l'Otan est devenue un atout dans le marchandage avec les alliés occidentaux sur plusieurs points: de la levée des restrictions sur la coopération militaro-technique à la révision des frontières des zones économiques sur le plateau de la Méditerranée.
Le 7 juin, le Parlement européen a approuvé le rapport sur la Turquie préconisant instamment à Ankara de revoir sa position sur les sanctions contre la Russie (c'est-à-dire, y adhérer) et cesser d'être un "refuge" pour le capital russe. Il est peu probable que ces recommandations soient entendues vu la situation économique difficile dans ce pays.
Même l'Amérique latine a "déçu" Washington, y compris le Brésil et le Mexique. La plupart des pays refusent de se plier inconditionnellement aux exigences de l'administration Biden de condamner l'opération militaire spéciale russe en Ukraine et de rejoindre les sanctions occidentales contre la Russie.
Autrefois, l'occidentalisation était synonyme de progrès, mais cette époque est révolue. La multipolarité économique et politique du monde devenue réalité propose aux pays non occidentaux des alternatives pour garantir leurs intérêts stratégiques, ce dont beaucoup profitent.
Alexandre Lemoine
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