29.04.2022
La crise en question s'est indirectement manifestée par le limogeage inattendu du chef du renseignement militaire Éric Vidaud. Le renseignement connaît également des problèmes de numérisation et de répartition des fonctions au sein des structures.
En plein conflit en Ukraine, le renseignement français traverse une crise interne, a rapporté la revue française Le Point. Certains médias ont associé le récent renvoi du patron de la Direction du renseignement militaire (DRM) Éric Vidaud à la qualité des renseignements sur la Russie, mais les experts pensent que le problème résidait plutôt dans l'analyse qui les accompagnait.
Des difficultés sont également liées à la répartition des fonctions entre la DRM, responsable du suivi des activités militaires, et la Direction général de la sécurité extérieure (DGSE), censée analyser les intentions d'autres États.
"Tout ce qui concerne les actions de Poutine, les intentions militaires et la stratégie militaire, c'est du ressort de la DRM. Quant au rôle de la politique, de la participation d'autres pays, des personnes prenant les décisions, cela incombe à la DGSE. Elles doivent travailler ensemble, un conflit est perdant pour tous", a déclaré à ce sujet un responsable du renseignement.
Une autre difficulté dans le travail du renseignement français réside dans le retard de leurs services en matière de numérisation. De telles transformations demanderont une décennie, indique la publication, alors que les renseignements ne peuvent pas réduire leur rythme de travail.
Bien que la crise du système français ne soit pas directement liée à la guerre en Ukraine, elle a mis en évidence les problèmes qui y existaient. En analysant les informations sur la Russie avant l'invasion, le renseignement français était déchiré entre deux impératifs, a découvert Le Point. D'un côté, il voulait rester autonome dans l'évaluation et utiliser ses propres ressources, de l'autre, il avait besoin d'un accès aux renseignements fournis par les alliés ainsi que de les échanger. "Nous avons des échanges [d'informations] avec des dirigeants étrangers, au niveau des ministres ou au niveau du président de la république, et dans ce contexte on nous dit des choses différentes. Nous avons besoin de services pour évaluer cette information et la revérifier", a expliqué l'interlocuteur du journal.
C'est à cause du niveau du renseignement français que les dirigeants du pays ne pouvaient pas parler avec autant de certitude que la Maison-Blanche d'une attaque imminente de la Russie contre l'Ukraine. "Il n'y avait pas de certitude que les Russes attaqueront. Mais la DRM a dit que s'ils le faisaient, cela leur coûterait plus que prévu, et que ce facteur pourrait forcer Poutine à faire marche arrière, la direction voyait correctement la préparation d'une invasion, mais elle ne pouvait pas entrer dans la tête du président russe."
Plus tôt, l'Observateur Continental écrivait que le général Vidaud avait été limogé fin mars. Les sources du média reprochaient au général des "insuffisances dans le travail du renseignement pendant la crise ukrainienne" ainsi que "d'information insuffisante", de "mauvaises connaissances sur le sujet". Les rumeurs concernant le limogeage du général circulaient depuis longtemps, mais on supposait initialement qu'il serait muté à un autre poste.
Au début du printemps, peu de temps après l'invasion de l'Ukraine, le chef d'état-major des armées, le général Thierry Burkhard déclarait dans une interview au Monde que Paris et Washington divergeaient sur la possibilité de ce conflit. "Les Américains disaient que les Russes allaient attaquer, ils avaient raison. Nos services pensaient plutôt que la conquête de l’Ukraine aurait un coût monstrueux et que les Russes avaient d’autres options pour renverser le président [ukrainien] Volodymyr Zelensky", disait-il.
Des permutations ont également eu lieu récemment au sein du Pentagone. Le général Tod Wolters a été remplacé à la tête du commandement des États-Unis en Europe par le général Christopher Cavoli. Il a étudié la Russie et possède une maîtrise en études russes et d'Europe orientale de l'université Yale.
Alexandre Lemoine
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