29.04.2022
L'Europe n'exclut pas une absence totale de gaz russe l'hiver prochain, a déclaré Torben Brabo, PDG du gestionnaire du réseau de transport de gaz au Danemark et président de Gas Infrastructure Europe (GIE), dans une interview aux journalistes d'EurActiv lors d'une conférence annuelle de l'association organisée à Budapest.
Ainsi, l'expert a noté que les opérateurs de l'infrastructure gazière européenne se préparaient aux pires scénarios, notamment "sans gaz russe du tout".
"Ce que nous faisons pour l’hiver prochain est ce que nous avons toujours fait. Et nous le faisons généralement si bien que nous n’y pensons même pas. Or, nous sommes actuellement dans une situation très grave causée par l’invasion de la Russie en Ukraine. Et la plus grande incertitude est de savoir si nous aurons du gaz russe ou pas l’hiver prochain", a déclaré Torben Brabo.
Et de poursuivre que depuis de nombreuses années l'Europe examinait des scénarios de perturbation hivernale des approvisionnements. L'UE importe 45% de son gaz de Russie, mais l'énergie n'est pas équitablement répartie entre les pays, car les problèmes dans certaines régions pourraient être bien plus graves que dans d'autres.
Les projections de biométhane et de fournitures de gaz naturel liquéfié (GNL) présentées par la Commission européenne sont incorrectes, car elles sont toutes trop optimistes. D'après Torben Brabo, ces chiffres ne sont pas réels, c'est l'objectif.
"Si vous écoutez attentivement les personnes du secteur des infrastructures GNL, elles disent que le marché présente différentes caractéristiques qui rendent impossible l’atteinte de ces chiffres élevés. La moitié de l’objectif pourrait être atteinte assez facilement, mais plus que cela semble difficile", a expliqué le spécialiste.
Ce dernier a noté également qu'en l'absence de gaz russe l'Europe se retrouverait dans "la pire situation". Néanmoins, il existe un bon règlement sur la sécurité de l’approvisionnement, qui stipule les consommateurs protégés et non protégés.
En cas de pénurie de gaz, la priorité sera donnée aux ménages, aux écoles et aux hôpitaux, tandis que certains consommateurs industriels seront privés d’électricité. Néanmoins, chaque pays peut appliquer ces règles à sa manière et déterminer les priorités.
Ce qui est également important, c'est le moment où la coupure aura lieu. D'après l'expert, plus tard cela arrivera, mieux ce sera, car l'Europe aura le temps de remplir au maximum ses réserves de gaz.
À titre de solution partielle, l’Allemagne et les Pays-Bas évaluent les moyens d’augmenter la production nationale de gaz naturel en mer du Nord ou en Italie en mer Méditerranée. De plus, l’Allemagne va construire des terminaux GNL, dont le premier devrait être prêt à la fin de 2024, soit dans moins de trois ans.
Torben Brabo a noté également que l'économie et l'efficacité énergétique étaient un facteur indispensable au vu d'un déficit de fournitures de GNL et du risque de leur cessation totale.
Bien sûr, cela prend du temps. Mais c’est maintenant, plus que jamais, qu’il faut pousser les mesures d’économie d’énergie. Le plan en 10 points de l’AIE [l’agence internationale de l’énergie, ndlr] visant à réduire la dépendance de l’UE vis-à-vis du gaz russe suggère aux consommateurs de régler temporairement leurs thermostats. Réduire le chauffage des bâtiments de 1°C permettrait de diminuer la demande de gaz de quelque 10 milliards de m3 par an. Sur ma chaudière à la maison, j’ai baissé la température de 12 degrés. Ma famille s’est plainte, mais c’est comme ça: nous devons tous utiliser l’énergie plus efficacement", a expliqué le spécialiste.
En outre, certains pays européens remettent en service de vieilles centrales électriques au charbon et au pétrole pour atténuer la pression de la crise du gaz. Il est également prévu de commencer à produire davantage d'électricité éolienne et solaire, et d'ici 2026-2027, l'UE accélérera la réalisation des objectifs climatiques de 2030. En ce sens, la crise ne ferait que profiter à l'Europe.
Plus tôt, l'expert en énergie tchèque Ivan Novesky, lors d'un entretien avec le média Parlamentní Listy, a critiqué le gouvernement pour la tentative de renoncer au gaz russe. Selon lui, le remplacement du gaz russe par le GNL américain serait un luxe. L'expert a rappelé que la République tchèque, contrairement à l'Allemagne, n'avait pas signé un contrat à long terme avec la holding russe Gazprom.
Alexandre Lemoine
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