19.04.2022
Le journal d'affaires japonais Nihon keizai shinbun fait part de l'intention du premier ministre japonais Fumio Kishida d'aider les États-Unis à faire adhérer les pays d'Asie de l'Est et du Sud-Est à la politique de sanctions contre la Russie. C'est ce que les Américains faisaient, en vain, récemment en Chine et en Inde. Fumio Kishida a l'intention, à ces fins, de partir en tournée dans les pays de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean), assimilant ce voyage à la "semaine d'or" de jours chômés traditionnelle au Japon fin avril-début mai.
La tournée du premier ministre commencera par l'Indonésie, suivie de la Thaïlande et du Vietnam. "Les pays asiatiques se méfient des sanctions contre la Russie, qui mène une opération spéciale en Ukraine. Dans l'ensemble, ils se distancent des actions offensives et même agressives des États-Unis et de l'Europe occidentale en ce sens. De son côté, le Japon cherche à empêcher une scission entre les États-Unis, l'Europe et l'Asie, et "amortir" le processus de création d'un "encerclement de siège" autour de la Russie", écrit le journal japonais. Mais en réalité, Fumio Kishida et son cabinet cherchent à se venger de Moscou pour l'échec des ruses japonaises visant à s'emparer des Kouriles russes, ils n'amortissent pas mais, au contraire, renforcent cet "encerclement de siège". Sachant que le gouvernement japonais cherche à créer en Extrême-Orient pratiquement un "second front" contre la Russie, en imposant des sanctions à la chaîne et en attisant la situation militaire autour des territoires russes.
Selon le Nihon keizai shinbun, en Indonésie, Fumio Kishida incitera les dirigeants locaux à exclure la Russie du G20. "L'Indonésie présidera le sommet du G20 cette année. Le G7 est persuadé qu'il faut écarter la Russie du G20. Au sein de ce dernier, il existe plusieurs pays proches de la Russie. Notamment la Chine. Le premier ministre japonais devrait proposer au président indonésien Joko Widodo, qui présidera le sommet, son aide dans la coordination de la position par rapport à la participation de la Russie", écrit le journal japonais.
Pendant une conférence de presse, le 8 avril, Fumio Kishida a déclaré aux journalistes: "Nous devons évoquer cette question avec la présidence indonésienne et d'autres pays membres du G20."
L'attention des Japonais pour la Thaïlande s'explique par le fait que ce pays présidera cette année le forum de l'APEC (Coopération économique pour l'Asie-Pacifique). Les États-Unis, la Chine et la Russie participeront également à ce forum. Le Japon tentera manifestement de compliquer également la position de Moscou au sein de cette organisation.
"Les pays de l'Asean adoptent traditionnellement une position équidistante en politique étrangère vis-à-vis des États-Unis, de la Chine et de la Russie. Ils savent bien que même si pour certaines raisons les pays de la région connaissaient des tensions avec la Chine et la Russie, les États-Unis ne les soutiendraient pas forcément. Telles sont les craintes des pays de l'Asean concernant leur sécurité", explique le média.
L'activité des États-Unis et du Japon, jouant le rôle de leur subordonné, en Asie de l'Est et du Sud-Est s'explique par la compréhension du fait que les forces des Anglo-Saxons et des Japonais à eux seuls ne suffisent pas pour affaiblir la Russie et réduire son influence dans le monde. À l'heure actuelle, parmi les pays d'Asie ayant décrété des sanctions contre la Russie se trouvent seulement le Japon, Taïwan, la Corée du Sud et Singapour. Alors que la plupart des pays de la vaste région d'Asie entretiennent des relations économiques traditionnelles avec la Russie. L'Inde, le Laos, le Vietnam et d'autres pays de l'Asie-Pacifique se sont abstenus du vote sur une résolution condamnant la Russie à l'Assemblée générale des Nations unies en mars dernier.
Nihon keizai shinbun estime que le Japon occupe une position unique en tant que seul membre asiatique du G7. Et il rappelle que le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait remercié le Japon lors de son discours en ligne au parlement japonais: "Le Japon a été le premier pays d'Asie à faire pression sur la Russie pour rétablir la paix." Cependant, l'activité de Washington et de Tokyo visant à constituer un front uni contre la Russie n'est pas appréciée par tout le monde en Asie. Le journal écrit: "Le gouvernement japonais est au courant que les pays d'Asie n'apprécient pas les demandes des États-Unis et de l'Europe de participer aux sanctions unilatérales contre la Russie." Néanmoins, Fumio Kishida cherchera à persuader les dirigeants de l'Asie-Pacifique à se joindre aux sanctions contre la Russie.
Ce n'est pas la première fois que le premier ministre remplit une telle mission. Du 19 au 21 mars, il s'est rendu à ces fins en Inde et au Cambodge, rapportant ensuite aux membres du G7 les résultats de son voyage. Et cette fois également, on étudie la possibilité d'un voyage de Fumio Kishida, après sa visite dans les pays de l'Asie-Pacifique, en Europe, avant tout à Londres, où l'élaboration de la politique vis-à-vis de la Russie sera poursuivie. C'est apparemment dans ce but qu'un voyage de Joe Biden pourrait également avoir lieu en Asie.
Alexandre Lemoine
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