La situation socioéconomique en Ukraine, depuis le coup d'État de 2014, peut être décrite par des termes de dégradation durable et de chute stable plus ou moins rapide. La rémission périodique à tel ou tel indicateur s'avère généralement temporaire ou peu impressionnante sur fond de détérioration de plusieurs autres indicateurs à la fois.
Ainsi, au premier semestre 2021, la situation était facilitée par le palliatif sous la forme d'une hausse rapide des prix sur les produits d'exportation ukrainiens tels que les minerais et les céréales, alors que les prix d'importation de pétrole et de gaz restaient raisonnables. Cela permettait au pays de recevoir de la devise étrangère, alors que la monnaie locale hryvnia parvenait à éviter l'effondrement. Mais ensuite, les prix des hydrocarbures sont montés en flèche et sont devenus déficitaires, alors que ceux des minerais ont chuté, au contraire. L'escalade de la situation internationale autour du conflit ukrainien dans le Donbass, qui a commencé fin automne-début hiver, a définitivement fait plonger l'économie nationale.
Récemment, l'Union ukrainienne des industriels et des entrepreneurs a constaté qu'avec le tarif gazier actuel de 52,7 hryvnia (1,65 euro) le mètre cube, dès janvier jusqu'à la moitié de toute la production industrielle pourrait devenir non rentable. Dans plusieurs régions, les prix pour les entreprises atteignent déjà 60-65 hryvnia (1,88-2,04 euros), ce qui entraîne des fermetures et des faillites d'entreprises. Dans ce contexte, même certains représentants du groupe au pouvoir reconnaissent que seule une entente avec la Russie pourrait aider.
La crise dans les importations de pétrole et de gaz et l'effondrement de la monnaie nationale, qui atteindra bientôt la barre de 29-30 hryvnia le dollar, sans surprise a fait monter en flèche les prix de l'essence. Depuis mai 2021, ils sont régulés par l'État. Le 25 janvier, l'essence A-95 coûtait jusqu'à 1,07 euro le litre dans certaines stations-service.
Certains experts jugent les pronostics de la Banque d'Ukraine relativement optimistes et parlent d'une possible inflation à hauteur de 10%. Mais, comme c'est souvent le cas en Ukraine, les différents représentants du pouvoir avancent des vues très différentes de la réalité. Ainsi, le premier ministre Denys Chmyhal a annoncé lors d'une conférence de presse du Conseil de sécurité nationale et de défense qu'il n'y avait pas de menace pour l'économie, et tous ceux qui affirment le contraire sont des désinformateurs, alors que le cours du dollar se trouve "dans le cadre de la stabilité macroéconomique".
À noter également d'autres signes d'approfondissement de la crise socioéconomique.
Il s'avère qu'il n'y a même pas d'argent pour payer le pilier du régime, les forces de l'ordre. Les agents de la Police nationale, qui ont souffert l'an dernier de non-paiements chroniques de primes de Covid, n'ont pas reçu leur indemnité.
Dans ce contexte, le rapport de l'audit du service public sur l'utilisation de l'argent du Fonds pour la lutte contre le Covid-19 parle presque ouvertement de vol de milliards de hryvnia. 2,46 milliards d'euros ont été injectés dans ce fonds créé en pleine épidémie pour soutenir l'économie et les citoyens ordinaires, dont 2,13 milliards ont été dépensés, et 1,88 milliard a fait l'objet d'un audit. Dont 0,9 milliard a été reconnu "problématique". Cette formulation délicate s'accompagne d'une explication tout aussi délicate qu'il s'agit d'une "utilisation inefficace de fonds", même s'il est évident que dans la majorité des cas il s'agit tout simplement de corruption.
Les phénomènes de crise sont si profonds et évidents que l'UE, qui cherche à allouer modérément l'aide financière à Kiev, a décidé d'accorder une tranche urgente de 1,2 milliard d'euros. Mais elle ne changera pas grand-chose si la tendance actuelle se maintient. Toutefois, la conjoncture géopolitique et énergétique actuelle concrète n'est que la moitié du problème. Le maintien à long terme du statut semi-colonial de l'Ukraine, de son attachement au projet "Non-Russie", la corruption des "élites" et la gestion inefficace, la corruption et la catastrophe démographique conduiront à une situation où même une comparaison avec l'Albanie serait un compliment généreux. Restant formellement en Europe, l'Ukraine avance très rapidement vers la basse ligue afro-caribéenne.
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