L'UE dépense des millions en technologie militaire pour contenir les réfugiés.
Le quotidien britannique The Guardian a listé le nombre croissant de systèmes de surveillance et de dissuasion de haute technologie auxquels sont confrontés les demandeurs d'asile le long des frontières de l'UE.
Des drones de qualité militaire aux systèmes de capteurs et à la technologie expérimentale, l'UE et ses membres ont dépensé des centaines de millions d'euros au cours de la dernière décennie en technologies pour traquer et tenir à distance les réfugiés à ses frontières. La frontière de la Pologne avec la Biélorussie est en train de devenir la dernière ligne de front pour cette technologie, le pays ayant approuvé le mois dernier un mur de 350 millions d'euros avec des caméras avancées et des capteurs de mouvement.
The Guardian signale, qu'un mur numérique sur les frontières difficiles de la mer, des forêts et des montagnes, est disposé et cela devient un terrain de jeu technologique pour les entreprises militaires et technologiques qui réorientent leurs produits vers de nouveaux marchés. L'UE est au cœur de l'utilisation de cette technologie à ses frontières, qu'elle ait été achetée par la force frontalière de l'UE, Frontex, ou financée pour les Etats membres via des sources de l'UE, telles que son fonds de sécurité intérieure ou Horizon 2020, un projet porteur d'innovation.
En 2018 l'UE a prédit que le marché européen de la sécurité atteindrait 128 milliards d'euros d'ici 2020 et les bénéficiaires sont des entreprises d'armement et de technologie qui ont fortement courtisé l'UE, suscitant les inquiétudes des militants et des députés européens. «En effet, rien de tout cela n'empêche les gens de traverser ; avoir des drones ou des hélicoptères n'empêche pas les gens de traverser, vous voyez juste des gens prendre des chemins plus risqués », explique Jack Sapoch, un ancien du Border Violence Monitoring Network, cité par The Guardian. Il a déclaré que ces mesures nouvelles ne faisaient que déplacer le problème: «Rien de tout cela n'empêche les gens de traverser ; avoir des drones ou des hélicoptères n'empêche pas les gens de traverser, vous voyez juste des gens prendre des chemins plus risqués».
Petra Molnar, qui dirige le moniteur de migration et de technologie au Refugee Law Lab, a spécifié que la dépendance de l'UE vis-à-vis de ces entreprises pour développer des «idées farfelues» en technologie à utiliser à ses frontières est inappropriée. «Ils comptent sur le secteur privé pour créer ces jouets pour eux. Mais, il y a très peu de réglementation», dit-elle, rajoutant: «Pour moi, ce qui est vraiment triste, c'est que c'est presque chose faite que tout cet argent soit dépensé dans des camps, des enclos, de la surveillance, des drones». En 2020, Refuge Law Lab publiait un rapport avertissant que «les Etats se tournent de plus en plus vers de nouvelles techniques pour ''gérer'' la migration». Il signalait qu' avec l'augmentation des migrations vers l'UE au cours des dernières années, de nombreux Etats et les organisations internationales impliquées dans la gestion des migrations explorent des expériences technologiques dans divers domaines tels que l'application des frontières, la prise de décision et l'exploration de données. Ces expériences vont du Big Data à l'intelligence artificielle, à l'emploi de détecteurs de mensonges. Ces innovations sont souvent justifiées sous le prétexte d'avoir besoin de nouveaux outils pour «gérer» la migration de manière innovante. Mais, ces technologiques ne tiennent pas compte des droits de l'homme et des impacts réels sur les vies humaines.
Les réfugiés et les migrants, qui tentent d'entrer dans l'UE par voie terrestre ou maritime, sont surveillés depuis les airs. Les agents des frontières utilisent des drones et des hélicoptères dans les Balkans, tandis que la Grèce a des dirigeables à sa frontière avec la Turquie. L'outil le plus cher est le drone Heron de longue endurance opérant au-dessus de la Méditerranée. The Guardian stipule: «Frontex a remporté l'année dernière un contrat de 100 millions d'euros pour les drones Heron et Hermes fabriqués par deux sociétés d'armement israéliennes, toutes deux utilisées par l'armée israélienne dans la bande de Gaza. Capables de voler pendant plus de 30 heures et à des hauteurs de 10 000 mètres, les drones transmettent des informations presque en temps réel au siège de Frontex à Varsovie».
Les moyens aériens de l'UE sont accompagnés au sol de capteurs et de caméras spécialisées que les autorités frontalières de toute l'Europe utilisent pour repérer les mouvements et trouver des personnes qui se cachent. Ils comprennent des radars mobiles et des caméras thermiques montés sur des véhicules, ainsi que des détecteurs de rythme cardiaque et des moniteurs de CO2 utilisés pour détecter les signes de personnes dissimulées à l'intérieur des véhicules.
L'UE a dépensé 4,5 millions d'euros pour un essai de trois ans de détecteurs de mensonges alimentés par l'intelligence artificielle en Grèce, en Hongrie et en Lettonie. Une machine scanne les expressions faciales des réfugiés et des migrants pendant qu'ils répondent aux questions qu'il pose, et décide s'ils ont menti et transmet l'information à un agent des frontières.
L'UE prend la forme d'une prison qui vise tout d'abord les migrants mais où la technologie pourra, aussi, être employée contre ses habitants. Des entreprises privées prennent le pas sur les décisions venant du fonctionnement démocratique de l'UE. Le scénario dangereux pour une Europe carcérale est en train de prendre forme.
Philippe Rosenthal
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