Les élections présidentielle et législatives sont prévues en Libye pour le 24 décembre prochain, cette décision a été prise dans le cadre d'une feuille de route du Forum de dialogue politique libyen, avec la contribution active de l'ONU et d'autres parties intéressées, aussi bien des organisations que des États.
La dernière conférence internationale sur la Libye s'est tenue à Paris le 12 novembre sous la coprésidence des dirigeants de la France, de l'Italie et de l'Allemagne, du secrétaire général de l'Otan, et avec la participation de représentants d'une trentaine de pays et d'organisations internationales. La Libye y était représentée par le chef du Haut conseil d'État Khaled al-Mechri et par le premier ministre du gouvernement d'union nationale provisoire Abdelhamid Dbeiba.
Le travail de la conférence s'est soldé par un éventail de bons vœux et même par un avertissement de sanctions éventuelles contre tout acteur libyen ou extérieur tentant de saboter le processus électoral.
La Libye en tant qu'État souverain uni n'existe plus depuis 2011 ni de jure ni de facto. Le pays est politiquement et économiquement divisé: la Tripolitaine formellement contrôlée par les forces du gouvernement d'union nationale, et le territoire de la Cyrénaïque et du Fezzan principalement contrôlé par l'Armée nationale libyenne du maréchal Khalifa Haftar liés au parlement du pays, la chambre des représentants à Tobrouk.
Le fait est que même là où tel ou tel groupe militaro-politique domine, il existe une forte opposition. Il y a une activité intense de nombreux groupes armés qui changent souvent d'orientation, et personne ne peut être certain qui contrôle tel ou tel territoire.
Il existe au moins deux pouvoirs en Libye aujourd'hui, qui ont des relations extrêmement compliquées entre eux. L'objectif principal du gouvernement d'union nationale créé en février 2021 grâce aux efforts avec la participation de plusieurs dirigeants de puissances mondiales, était l'unification des institutions publiques. Non seulement le gouvernement d'union nationale n'a pas réussi à remplir son objectif, mais il n'a pas non plus justifié son appellation, ce qui s'est soldé par un vote de méfiance au parlement en septembre.
L'une des raisons principales étant le fait qu'Abdelhamid Dbeiba a initié des programmes de développement de plusieurs milliards de dollars en l'absence d'un budget annuel convenu entre les organes du pouvoir exécutif et législatif. Accusant le gouvernement de détournement et de corruption, le chef de la chambre des représentants Aguila Saleh a promis d'ouvrir une enquête parlementaire sur les contrats signés. Le chef du gouvernement d'union nationale a répondu à cela que la décision du vote de méfiance était juridiquement nulle et qu'un tel parlement ne pouvait pas représenter le peuple libyen et devait partir. En conséquence, la discussion sur les délais d'organisation d'un référendum constitutionnel (avant ou après les élections) est devenue secondaire, sans parler des débats sur le projet de Constitution élaboré en 2017.
La mission de l'Onu en Libye (MANUL) a fait une déclaration spéciale en soutien au gouvernement d'union nationale: il reste légitime pour la communauté internationale et le restera tant qu'il ne sera pas remplacé par un nouveau gouvernement "à travers un processus organisé après les élections".
La question clé concerne la formulation de la législation électorale conjointement par le parlement et le Haut conseil d'État (HCE), ce qui est devenue une nouvelle pomme de discorde. Le 10 septembre, la chambre des représentants a adopté une loi sur les élections présidentielles, et deux jours plus tard le HCE a validé sa propre base législative sur les élections présidentielles. Ce qui a conduit à l'apparition de deux lois très différentes. Le chef du HCE Khaled al-Mechri non seulement n'a pas reconnu le document proposé par la chambre des représentants, mais il s'est également opposé à tous les projets de loi approuvés plus tôt par les députés du parlement pour la réalisation du processus électoral, et a proposé de reporter l'élection présidentielle à 2023.
Début octobre, la Commission électorale suprême a établi: le premier cycle de l'élection présidentielle doit avoir lieu le 24 décembre, et le second tour et les législatives - moins de 52 jours après cela. Il est prévu de doter le nouveau parlement de fonctions de supervision du pouvoir exécutif et d'accorder au président de larges pouvoirs.
Ce qui a suscité de nouveaux différends profonds. Cette fois pour savoir qui peut se présenter à la présidence. Tobrouk et Tripoli sont tous les deux disposés à éliminer des concurrents puissants à l'étape préliminaire. Ainsi, selon la loi de la chambre des représentants, le premier ministre n'a pas le droit de participer aux élections, alors que le HCE estime que les militaires ne doivent pas participer à la course présidentielle moins de deux ans après leur démission, ce qui est directement dirigé contre le maréchal Haftar.
La mission de l'ONU a tenté une nouvelle fois d'apporter sa contribution au maintien de la paix en déclarant: "Les élections législatives et présidentielle libres, justes, inclusives et dignes de confiance seront organisées en même temps le 24 décembre conformément à la feuille de route aux résolutions du Conseil de sécurité."
De son côté, le chef du HCE Khaled al-Mechri a redoublé d'efforts pour faire reporter ou annuler les élections. Si auparavant il appelait les citoyens à les boycotter, maintenant il est passé aux menaces d'utiliser la force.
Le ministère de l'Intérieur a déclaré que 35.000 hommes des services de sécurité seraient mobilisés pour empêcher l'ingérence de combattants et de groupes terroristes. Cependant, la réalité libyenne suscite de grands doutes à ce sujet, tout comme la garantie d'une observation unifiée des élections. Dès maintenant, l'ouest de la Libye dit que les votes des électeurs des régions contrôlées par l'Armée nationale libyenne ne peuvent pas être pris en compte.
Alexandre Lemoine
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