Le Comité militaire mixte de la Libye s'est réuni mercredi à Genève au format "5+5", incluant les parties au conflit: des représentants de l'Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar et du gouvernement d'union nationale provisoire. L'objectif de cette réunion de trois jours consiste à déboucher sur un accord sur le retrait des forces étrangères du pays avant les élections prévues pour le 24 décembre.
C'est devenu possible grâce à la loi sur les élections tant attendue adoptée par la Chambre des représentants (parlement à l'est du pays).
Dans l'impossibilité de surmonter l'opposition des islamistes des Frères musulmans, qui dominent dans le Haut conseil d'État, la Chambre des représentants a tout de même adopté mardi une loi sur les élections législatives. Elles se dérouleront à peu près un mois après la présidentielle libyenne prévue pour le 24 décembre.
Des batailles politiques tout aussi agitées se déroulaient autour de la loi sur les élections présidentielles. Le parlement de l'est l'a approuvée encore début septembre. À l'époque, Khalifa Haftar avait temporairement renoncé au titre de chef de l'ANL, comme l'exigeaient les termes de la loi et surtout ses nombreux adversaires et ennemis. Néanmoins, les islamistes se sont fermement opposés à la loi approuvée par la Chambre des représentants.
Le chef du gouvernement d'union nationale Abdel Hamid Dbeibah s'est retrouvé du côté des islamistes. Ce qui lui promet la prolongation de son mandat de premier ministre au moins pendant encore six mois, voire d'un an. C'est ce point qui est peut-être devenu décisif pour la plupart des députés de la Chambre des représentants, qui ont voté deux semaines plus tôt la méfiance au gouvernement Dbeibah. Maintenant, son cabinet est considéré comme temporaire avec des pouvoirs réduits.
La Chambre des représentants aurait également pu ignorer l'avis du Haut conseil d'État parce qu'elle compte sur l'aide des Américains, qui semblent revenir sur l'orbite des événements libanais afin de "s'ingérer une nouvelle fois dans la bagarre libyenne pour le pouvoir et le processus de paix", selon les analystes d'Arab News. Deux événements témoignent d'un tel tournant: premièrement, l'adoption par le congrès américains d'une loi sur la stabilisation de la situation en Libye; deuxièmement, la récente visite dans le pays du général Stephen Townsend, chef du commandement stratégique américain Africom.
Ce dernier a rencontré à Tripoli les membres du comité "5+5" et a apprécié sa contribution au processus de paix, notamment à l'unification de deux organisations militaires libyennes. Par ailleurs, il n'a pas manqué de mentionner que la loi adoptée par Washington prévoyait des sanctions contre les organisations et les personnes qui déstabiliseraient la situation en Libye et empêcheraient la mise en œuvre des plans convenus avec l'Onu pour la réconciliation du pays.
Mercredi, à Genève s'est tenue une nouvelle réunion au format "5+5". Les militaires libyens représentants les régions de l'est et de l'ouest du pays y ont évoqué le plan de retrait des forces étrangères du pays. Il prévoit l'évacuation des contingents militaires et des mercenaires en deux phases. La première phase concerne le regroupement des militaires étrangers et des mercenaires dans certaines zones, et la seconde phase - leur départ de Libye. Le début de l'évacuation n'a pas encore été déterminé, mais les Libyens comptent la réaliser avant l'organisation des élections.
Les islamistes libyens, principalement retranchés dans les régions de l'ouest, n'exigent pas le retrait des forces turques, y compris les mercenaires syriens sous leur contrôle. De plus, ils justifient la présence de militaires turcs. Le retrait des Turcs est principalement prôné par les politiques de l'est du pays appartenant au camp de Khalifa Haftar et du président de la Chambre des représentants Aguila Saleh.
Tandis que les politiques tentent de prévoir l'issue du prochain vote, les Libyens ordinaires ont déjà fait leur choix. Selon un sondage, 48,3% des citoyens voudraient voir à la tête de l'État Saïf al-Islam Kadhafi, le fils de Mouammar Kadhafi tué en 2011. 30,1% sont prêts à voter pour le chef de l'ANL Khalifa Haftar, 17,4% - pour le premier ministre actuel Abdel Hamid Dbeibah. Et seulement 4,2% voteraient pour l'islamiste et ancien ministre de l'Intérieur du gouvernement de Fayez al-Sarraj, Fathi Bachagha.
Alexandre Lemoine
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