Le représentant spécial des États-Unis pour la Corée du Nord, Sung Kim, est arrivé à Tokyo pour évoquer la situation dans la région, qui s'est significativement aggravée après les essais d'un nouveau missile de croisière nord-coréen. Ce lancement organisé par Pyongyang a pris au dépourvu les États-Unis et leurs alliés.
La maîtrise de la nouvelle technologie militaire par la Corée du Nord, sur fond d'impasse dans les négociations sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne, pourrait changer l'équilibre des forces dans la région et pousser les États voisins à élaborer des armes de cette classe. Ce qui comporterait de graves risques pour le régime de non-prolifération des technologies balistiques.
Le superviseur de la politique américaine pour la péninsule coréenne se rend pour la deuxième fois depuis quelques semaines dans cette région, placée sous sa responsabilité au sein de l'administration de Joe Biden. Le mois dernier, Sung Kim, nommé représentant spécial des États-Unis pour la Corée du Nord en mai 2021, s'est rendu à Séoul pour évoquer de nouvelles approches du règlement du problème nucléaire nord-coréen. Alors que lundi a commencé sa visite à Tokyo. Selon le département d'État américain, pendant les pourparlers dans la capitale japonaise Sung Kim "réaffirmera l'attachement des États-Unis à la dénucléarisation totale de la péninsule coréenne et au règlement au plus vite du problème des citoyens japonais" kidnappés par les services secrets nord-coréens.
En même temps, la nouvelle mission de Sung Kim, qui assume une tâche très difficile consistant à changer la politique américaine sur la péninsule coréenne, dépasse le cadre d'une visite de routine compte tenu des récents événements dans la région, devenus une nouvelle épine dans le pied de Washington, de Séoul et de Tokyo.
Les pourparlers trilatéraux entre Sung Kim, le directeur du département Asie et Océanie du ministère des Affaires étrangères du Japon, Takeshiro Funakoshi, et le représentant spécial de la Corée du Sud pour la paix et la sécurité sur la péninsule coréenne, Noh Kyu-duk, ont été précédés par les essais, les 11 et 12 septembre, d'un nouveau missile nord-coréen de longue portée, rapporté lundi par l'agence KCNA.
D'après ce communiqué, "les missiles de croisière de longue portée ont survolé pendant 7.580 secondes le territoire et les eaux territoriales de la Corée du Nord et ont atteint les cibles à 1.500 km", sachant que "les essais des éléments du missile, des moteurs, des systèmes de contrôle et de guidage, de la puissance de l'ogive ont été réussis". Il est indiqué que la construction d'une "arme stratégique d'une importance cruciale se déroulait depuis deux ans", sachant que "les caractéristiques techniques du nouveau missile correspondent au cahier des charges".
À la veille du premier essai du nouveau missile de croisière de longue portée, le 9 septembre, Pyongyang a organisé un défilé militaire en hommage au 73e anniversaire de la Corée du Nord. Le dirigeant Kim Jong-un y était présent. Contrairement aux démonstrations précédentes de la puissance militaire, le dernier défilé dans la capitale n'a duré que près d'une heure avec un programme simplifié. Aucun nouveau modèle d'armement n'a été présenté, alors que les unités militaires régulières de l'armée nord-coréenne ont été remplacées par des Gardes rouges des ouvriers et paysans. De plus, Kim Jong-un n'a pas fait de discours cette fois. Cependant, la suite des événements a confirmé la disposition de Pyongyang à engager des démarches inattendues prenant au dépourvu Washington et ses alliés de la région Indo-Pacifique.
Rappelons qu'avant cela, les derniers essais balistiques ont été organisés par la Corée du Nord fin mars, avec un lancement de deux missiles de croisière de courte portée en direction de la mer Jaune et de deux missiles en direction de la mer du Japon.
Les déclarations des autorités japonaises ce lundi laissaient clairement transparaître la confusion. Comme l'a déclaré l'ancien commandant de la force aérienne d'autodéfense japonaise, Toshimichi Nagaiwa, "contrairement aux missiles balistiques, il y a très peu d'informations sur les missiles de croisière de la Corée du Nord, ce qui rend difficile leur évaluation".
Cependant, étant donné que le nouveau missile nord-coréen est capable d'éliminer une cible à 1.500 km et de voler à une altitude très basse, il est possible qu'il puisse atteindre Tokyo en restant hors d'atteinte pour les moyens de défense antiaérienne.
La déclaration du commandement Indo-Pacifique des forces armées américaines fait remarquer que les nouveaux essais nord-coréens témoignent d'une focalisation de Pyongyang sur le développement de son programme militaire et sur les "menaces pour les voisins de la Corée du Nord et de la communauté internationale". "Nous poursuivons le renforcement des mesures de lutte contre les différentes menaces aériennes, de la capacité défensive et de la défense antiaérienne", ont indiqué les militaires.
De son côté, Séoul attire l'attention sur l'absence de mécanismes de pression sur Pyongyang afin de fermer les programmes de construction de nouveaux missiles de croisière, sachant que les lancements des 11 et 12 septembre ne transgressent pas la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. "Le Conseil de sécurité n'a décrété aucune restriction sur l'élaboration ou les essais en Corée du Nord de missiles de croisière, qui représentent un moindre risque que les missiles balistiques capables d'embarquer des ogives nucléaires, notamment via l'océan", a rappelé une source militaire de Séoul.
Les sanctions visant la Corée du Nord ont été durcies en août 2017, quand le Conseil de sécurité des Nations unies a décrété de nouvelles restrictions contre Pyongyang suite au lancement du missile balistique intercontinental Hwasong 14. La résolution 2371 du Conseil de sécurité des Nations unies prévoit l'interdiction des exportations nord-coréennes de différents minéraux, de fer, de plomb et de fruits de mer. Après cela, le 11 septembre 2017, le Conseil de sécurité des Nations unies a imposé de nouvelles sanctions à Pyongyang pour un nouvel essai nucléaire mené le 3 septembre 2017. Cependant, contrairement aux missiles balistiques, les missiles de croisière nord-coréens ne sont pas visés par les sanctions internationales.
Les essais nord-coréens d'un nouveau missile de croisière marquent une étape importante dans le renforcement de la puissance militaire de la Corée du Nord. La maîtrise de cette technologie est susceptible de changer l'équilibre des forces sur la péninsule coréenne au profit du Nord, de créer de nouveaux grands risques pour le régime de non-prolifération de technologies balistiques.
Alexandre Lemoine
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