L'Espagne menace de se retirer du Traité sur la Charte de l'énergie, alors que les Pays-Bas remettent en question le sens de leur présence au sein de l'UE.
Le sentiment d'irritation réciproque entre les Etats membres de l'UE devient de plus en plus palpable. Le quotidien britannique Daily Express a récemment publié un article avec un titre éloquent: "L'unité de Bruxelles en morceaux: l'Espagne menace de se retirer du traité sur fond de révolte grandissante en UE."
Les nouveaux différends tournent autour du Traité sur la Charte de l'énergie signé en décembre 1994. Cette charte a été adoptée en tant que déclaration politique en 1991, et trois ans plus tard s'y est ajouté un document prévoyant une série d'engagements concrets. Notamment la coopération entre les pays d'Europe occidentale et de l'Est dans le secteur énergétique. Le traité prescrivait des mécanismes concrets de coopération, en particulier la protection des investissements dans le secteur énergétique.
Aujourd'hui, les pays d'Europe occidentale, l'un après l'autre, misent sur le développement de l'énergie verte. Les projets dans ce secteur prévoient une réduction progressive des émissions dans l'atmosphère de gaz à effet de serre et, en conséquence, l'abandon d'hydrocarbures. Or ces projets affectent les intérêts des pays d'Europe de l'Est: la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la Tchéquie et la Roumanie. Les jeunes membres de l'UE ne disposent pas de l'infrastructure nécessaire pour l'énergie alternative ni de fonds disponibles pour son développement. Leur économie est orientée sur l'usage des hydrocarbures: du gaz naturel, du charbon.
Et l'Europe de l'Est a organisé en UE une "émeute silencieuse" en appelant Bruxelles soit à ralentir le passage sur les "rails verts", soit à compenser aux victimes potentielles toutes les pertes, se référant aux termes du Traité sur la Charte de l'énergie.
C'est là que Madrid s'est révolté en appelant les dirigeants des pays de l'UE à se retirer de l'ancien traité sur l'énergie. "L'Espagne aspire au respect à part entière des termes de l'Accord de Paris sur le climat et, dans le cas contraire, promet de se retirer du Traité", a écrit sur Twitter Teresa Ribera, ministre espagnole de l'Energie et de l'Environnement.
Dans une interview aux médias européens la ministre a expliqué qu'elle ne croyait pas au succès des négociations sur le dossier énergétique. L'Espagne accorde à Bruxelles un délai d'ici la fin de l'année pour réfléchir.
La confrontation par rapport aux perspectives du développement de l'énergie verte est loin d'être le seul conflit qui déchire l'Europe occidentale et l'Europe de l'Est. L'Espagne a exigé il y a quelques mois d'instaurer un quota pour la répartition des migrants d'Asie et d'Afrique entre les différents pays de l'UE. Actuellement, le principal fardeau pour accueillir les migrants et les réfugiés est assumé par l'Italie, l'Espagne, la Grèce et Malte. En même temps, les pays d'Europe de l'Est et du Nord refusent d'accueillir des migrants. Il ne sera pas possible de trouver un terrain d'entente sur ce problème.
La jeune Europe a récemment remporté une victoire situationnelle dans un autre grand conflit, notamment contre les Pays-Bas. Fin 2020, le Parlement européen a validé le budget de l'UE pour ces sept prochaines années. Ce document prévoit plusieurs démarches visant à surmonter les conséquences de la pandémie de coronavirus. L'Europe occidentale a exigé d'associer l'attribution des fonds de l'UE à l'avancement des "valeurs européennes" et notamment à la propagande LGBT. Cependant, Varsovie et Budapest ont promis d'apposer leur veto sur le budget de l'UE si cette condition n'était pas retirée. Ce qui a nécessité la recherche d'un compromis, et le budget de l'UE pour 2021-2027 a été adopté compte tenu de la position de la Pologne et de la Hongrie.
Ce compromis a surtout provoqué la colère des Pays-Bas, qui ont évoqué la possibilité de leur retrait de l'UE. Les autorités néerlandaises désapprouvent à la fois le refus d'imposer les "valeurs libérales" à l'Europe de l'Est et l'économie sur les programmes de numérisation. Selon les sondages, ces dernières années, 56% des habitants néerlandais soutiennent l'idée de se retirer de l'UE.
Une hausse significative de l'influence des forces eurosceptiques est également constatée en France, en Italie et dans d'autres pays de l'UE. Après la sortie du Royaume-Uni, les membres de l'UE commencent à prendre la fuite.
Alexandre Lemoine
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