L’Otan n’est pas une organisation respectueuse des spécificités de ses membres, mais un instrument au service des Etats-Unis, imposant leurs normes dans tous les domaines et incitant leurs partenaires à s’équiper, pour beaucoup, de matériel américain de premier rang, en contradiction avec un partenariat industriel et commercial qui pourrait profiter à notre pays ou aux autres Etats européens. Il serait parfaitement légitimé par les fondements de la «construction européenne». L’Otan facilite la domination des Etats-Unis sur l’ensemble des pays occidentaux qui en sont membres et apporte une justification aux interventions militaires décidées par Washington.
Dans les 14 pays de l’est européen et des Balkans, l’équipement en matériels venu des usines d’outre-Atlantique est privilégié pour le remplacement de matériels anciens le plus souvent d’origine soviétique. Les choix de la Pologne, dont le budget de défense est le plus important parmi ces pays, ont souligné, notamment dans le domaine aéronautique, le lien très fort entre appartenance à l’Otan et équipement en matériel américain. Acheter un matériel majeur d’armement à l’étranger est un choix très lourd engageant l’avenir pour des décennies, notamment au travers de la formation des personnels, et du soutien matériel et intellectuel.
Les procédures FMS, d’appuis à l’exportation de matériels militaires, permettent aux pays qui les utilisent de se reposer sur la logistique des forces armées américaines. Elles constituent un moyen efficace de contrôler l’usage que font les pays bénéficiaires de leurs matériels. Autant dire que les décisions d’aujourd’hui hypothèquent l’avenir.
Toute occasion peut être bonne pour transformer l’incitation à acheter américain en obligation.
Ainsi l’obligation faite à la Belgique d’acheter un escadron de JSF 35 et à l’Allemagne de 45 F 18 Super Hornet et 15 E 18 Growler pour être admis, par Saceur, comme porteur pouvant délivrer la Bombe B 6, s’apparente à de la vente forcée.
En effet, le raid nucléaire Otan ne relèverait, dans sa décision et dans son plan de frappe, que du seul Saceur, aux ordres du président des Etats-Unis. Les chasseurs–bombardiers des 6 armées de l’air impliquées ne seraient que des «mules» – pour reprendre l’appellation des porteurs de drogue – chargées d’une bombe – B 61 – sur ordre du seul président des Etats-Unis. Constatons que cette arme a été retirée partout du service par l’USAF sauf en Europe, en particulier pour son infime probabilité de pénétration des défenses sol-air d’aujourd’hui et de demain.
Il ne faut donc pas s’étonner que l’industrie militaire française et européenne, ne puisse équiper pleinement les armées des pays membres.
Pire, sur la décennie, la balance commerciale armements avec les Etats-Unis se trouve dans un rapport de 1 à 11. Ventes de l’Europe aux Etats-Unis: environ 7 milliards $. Ventes des Etats-Unis à l’Europe: environ 77 milliards $.
Pour faire bonne mesure, ce 10 octobre 2020, la Finlande, pays de l’UE depuis le 1er janvier 1995 et les Etats-Unis ont officialisé la négociation d’un achat de 74 F18 Super Hornet et E 18 Grawler ou 60 JSF 35 avec toute leur dotation en munitions air-air et air-sol pour un total de 13 Milliards $. Tous matériels et équipements produits dans des standards identiques par nos entreprises européennes.
La totalité des Etats européens, membres de l’Otan, se soumet à la volonté des Etats-Unis. Certains cherchent à se positionner comme de bons disciples et à relayer la volonté de Washington. Au sein de l’Alliance, sans contrarier Washington, ils poursuivent leur propre intérêt. Un pays, comme l’Allemagne, dévoile son ambition, au sein de l’Otan, mais aussi en Europe, d’être le relais fidèle des Etats-Unis.
«Prouver» son «rôle central» dans l’alliance militaire transatlantique est affirmé comme un «intérêt essentiel» pour l’Allemagne. Il est certain que son tropisme historique vers la Mitteleuropa la pousse aussi à agir dans ce sens.
Ainsi, voyait-elle, dans l’exercice Defender 2020, perturbé à cause de la crise de la Covid-19, une occasion de garantir la capacité opérationnelle du Commandement de soutien interarmées (JSEC) allemand, lui permettant de se rapprocher de sa prétention à devenir la première puissance militaire d’Europe.
Elle se situe, donc, résolument au-delà des problèmes de maintien en condition du matériel et d’entraînement que connaît actuellement la Bundeswehr. Dans la revue InfoBrief Heer publiée par le Förderkreis deutsches Heer (FKH), un groupe de réflexion défendant les intérêts de l’armée allemande, il est écrit que «l’implication du JSEC dans cet exercice otanien, sert à la «préparation» du commandement en vue d’une «coopération opérationnelle complète».
Selon le FKH, «l’intention à long terme» est la «création d’un réseau de forces armées multinationales» sous la direction du JSEC, en tant que «noyau d’une intégration militaire encore plus étroite en Europe». De cette manière l’Allemagne «respecterait les aspirations politiques énoncées dans le Livre Blanc de 2016, d’assumer sa responsabilité de direction».
Comment sortir de ce piège? Soit nous abandonnons la trajectoire de l’histoire de France en acceptant un alignement complet sur Washington et en admettant que l’Allemagne, sur le continent européen, en devienne le pilote et l’allié privilégié des Etats-Unis. Soit nous mettons tout en œuvre pour recouvrer l’essentiel de notre souveraineté et la maîtrise de notre sécurité. La France, avec son poids historique sur l’Europe, son universalisme reconnu, sa dimension internationale et en particulier militaire qui fait d’elle la seule puissance nucléaire européenne – et du meilleur niveau – peut prétendre à une primauté.
Cercle de réflexion interarmées (CRI)
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