Sur ces quatre policiers mis en examen pour avoir tabassé le producteur noir, Michel Zecler, trois l'ont été pour «violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique (PDAP)» et «faux en écriture publique», conformément aux réquisitions du parquet de Paris.
Une semaine après les faits, ce dimanche 29 novembre, Rémy Heitz, le procureur de la République de Paris, est revenu de façon très détaillée sur l'interpellation violente du producteur Michel Zecler, ainsi que sur les procédures qui depuis suivent les faits.
Ces derniers ont eu lieu le 21 novembre, rue des Renaudes dans le XVIIe arrondissement de Paris. D'après le procès-verbal recueilli, «l'interpellation résultait du refus [de Michel Zecler] de se soumettre à un contrôle de police pour absence de port du masque, et suspicion de possession de stupéfiants». Les policiers ont expliqué avoir senti qu'«une forte odeur de cannabis [qui] émanait de sa personne». Michel Zecler aurait «tenté de se soustraire au contrôle» en se réfugiant dans le studio de musique, les policiers ayant été «attirés de force» dans le bâtiment pour pouvoir poursuivre le contrôle où ils auraient subi des «violences» de la part de l'intéressé, raison pour laquelle ils ont ensuite déposé plainte. Un des policiers précise avoir dû faire usage de gaz lacrymogène, un autre de sa matraque.
Toujours selon les policiers, l'interpellation aurait «été rendue difficile par l'intervention d'autres personnes». Après l'altercation et parallèlement au placement en garde à vue de Michel Zecler pour violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique et rébellion, «neuf autres personnes ont été amenées au commissariat pour vérification d'identité avant d'être remises en liberté».
Durant sa garde à vue, Michel Zecler a été examiné par un médecin. Celui-ci a constaté «une plaie du cuir chevelu nécessitant une agrafe», une plaie labiale, un hématome au poignet gauche, une plaie de 8 centimètres sur le pied gauche, une abrasion à la main droite ainsi qu'un hématome de 2 centimètres à la jambe droite. L'Interruption Temporaire de Travail (ITT) a été fixée à 6 jours. Le même jour, Michel Zecler dénonce des «violences», incluant coups de pied, de poing et de matraque en déclarant avoir été aspergé de gaz lacrymogène et menacé avec une arme. Il a également mentionné un impact sur une des fenêtres du bâtiment.
L'avocate du producteur de musiques urbaines a, dès le lendemain, attiré l'attention sur les «possibles distorsions des faits» entre les versions des policiers et celle de son client. Un premier compte rendu de l'enquête est réalisé. Compte tenu des violences, le commissariat du XVIIe arrondissement est dessaisi au profit de celui du XVIe arrondissement. Ce dimanche, Rémy Heitz a aussi expliqué que l'Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN) est également saisie «en tant qu'observateur».
Michel Zecler, à nouveau été entendu ce dimanche 22 novembre et a expliqué qu'il se dirigeait «à pied, sans masque, vers son studio de production» la veille. Il conteste avoir été auteur de coups sur les policiers, mettant en cause la véracité des faits décrits dans le PV. Les policiers, eux, dans le cadre de leurs auditions, ont confirmé leur version des faits. Un médecin leur prescrivait des ITT de respectivement 1, 2, et 5 jours.
Une perquisition a été organisée dans le local de musique dans la journée du lundi. La sacoche portée par Michel Zecler, contenant 0,5g d'herbe de cannabis est découverte. L'enregistrement vidéo de l'interpellation est aussi saisi, plus précisément les images de 18h42 à 18h58. On y voit un film du sas d'entrée, d'une surface «très réduite de 4m²» a indiqué le procureur. A la suite d' un compte rendu téléphonique des enquêteurs auprès du Parquet de Paris, ce dernier levait la garde à vue de Michel Zecler et classait sans suite le dossier le concernant.
C'est mardi 24 novembre qu'alors le Parquet ouvre une enquête pour «violences» par personnes dépositaires de l'autorité publique et faux en écriture publique (concernant le procès-verbal des policiers), confiant les investigations à l'IGPN. Une nouvelle fois, Michel Zecler est entendu jeudi 26 et réitère ses déclarations en affirmant avoir été traité de «sale nègre».
Avec le dépôt de plainte concernant tous les fonctionnaires de police identifiables, la copropriétaire du studio dépose une plainte pour «dégradations».
Le 27 novembre, les quatre policiers (les trois ayant procédé à l'interpellation et celui soupçonné d'avoir jeté une grenade lacrymogène) sont placés en garde à vue. Ils sont âgés de 23 à 35 ans. Rémy Heitz souligne qu'ils «présentent de bons voire de très bons états de service». Les investigations se poursuivent, plusieurs témoins étant entendus, dont un policier arrivé en renfort. Un nouvel examen de Michel Zecler a lieu, dont le résultat n'est pas encore connu.
Les trois policiers de l'interpellation ayant été entendus «reconnaissent» alors avoir porté des coups à Michel Zecler en raison de son attitude et de leur incapacité à le maîtriser. Rémy Heitz précise que les policiers ont également mentionné la «panique» ressentie dans ce local «dont ils n'arrivaient pas à s'extraire, en raison de la résistance de l'interpellé et de la configuration des lieux».
Sur l'entrée dans un domicile privé, les policiers ont affirmé qu'ils «pensaient que c'était un hall d'entrée d'immeuble». Ensuite, le procureur a déclaré que les policiers ont «fini par admettre que les coups portés n'étaient pas justifiés». Le 4e officier de police a expliqué «avoir lancé la grenade pour ouvrir la porte». Il a justifié cette décision «par la méconnaissance du contexte de l'intervention, et la confusion». Toujours vendredi, 6 des 9 personnes présentes sur les lieux sont entendues, 4 d'entre elles déposant plainte pour «violences commises par une personne dépositaire de l'autorité publique».
Ce dimanche 29 novembre, les quatre policiers ont été mis en examen par un juge d'instruction, et deux d'entre eux placés en détention. Conformément aux réquisitions du parquet de Paris annoncées par le procureur de la République Rémy Heitz dimanche après-midi, parmi eux, trois l'ont été pour «violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique (PDAP)» et «faux en écriture publique». Cela concerne les trois policiers au coeur de la vidéo de Loopsider diffusée jeudi. Le policier soupçonné d'avoir jeté la grenade lacrymogène dans le studio de musique du 17e arrondissement où s'est produite l'agression a été mis en examen principalement pour des «violences volontaires» par PDAP sur Michel Zecler et sur les neuf jeunes qui se trouvaient dans le sous-sol du studio. Le parquet avait requis la détention provisoire pour les trois premiers et un contrôle judiciaire pour le quatrième. Le juge des libertés et de la détention en a cependant écroué deux, le brigadier et le gardien de la paix, et laissé deux autres sous contrôle judiciaire.
Les avocats du groupe des trois, Me Anne-Laure Compoint qui en défend deux et Me Jean-Christophe Ramadier qui en défend un, n'ont pas voulu commenter ces mises en cause à la fin de l'audience du juge des libertés et de la détention, vers 04 heures 30 du matin.
Dès le 27 novembre, le président français s'était saisi du dossier en déclarant sur Facebook que «les images que nous avons tous vues de l’agression de Michel Zecler sont inacceptables. Elles nous font honte. La France ne doit jamais se résoudre à la violence ou la brutalité, d’où qu’elles viennent. La France ne doit jamais laisser prospérer la haine ou le racisme». Comme l'indique Le Monde «le président s’était dit ''très choqué'' par la vidéo dévoilée par le média Loopsider montrant des policiers frappant ce producteur de musique noir à Paris».
Olivier Renault
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