Le ministère français de l'Intérieur a menacé les natifs de Tchétchénie et d'Ingouchie de leur refuser l'octroi de l'asile après un autre conflit en lien avec leur participation. Le représentant de la diaspora tchétchène en Europe estime que c'est impossible.
Au-delà, ces événements montrent le déni, la faiblesse, la soumission à un électorat de l'Etat français en voulant appliquer des mesures uniquement contre les Tchétchènes et pas envers les nombreuses populations arabes résidant en France aussi impliquées dans ces règlements de compte.
L'incident a eu lieu le 16 août dans la ville de Saint-Dizier dans le nord-est du pays. Des jeunes Tchétchènes et Ingouches de différentes régions de France, 16 personnes au total sont venus dans la ville pour venger leur compatriote qui avait été battu trois jours plus tôt par des habitants. Il n'a pas été possible de punir les contrevenants. Tous ceux qui sont arrivés ont été détenus par la police à l'entrée de la ville.
Le ministre français de l'Intérieur, Gérald Darmanin, s'est personnellement rendu à Saint-Dizier le dimanche 16 août dernier et s'est exprimé devant les caméras de télévision. Il a déclaré que les détenus disposaient d'un vaste arsenal d'armes blanches de catégorie D, des couteaux, des battes de baseball et même un sabre sans parler des assaillants issues de populations arabes possédant des armes de guerre.
Tout le monde sait pourquoi les résidents de Tchétchénie reçoivent l'asile en France, a déclaré le ministre. «Des consignes ont été données à l'ensemble du ministère de l'Intérieur pour pouvoir comprendre ce phénomène d'ultraviolence d'une certaine communauté. Aucune communauté sur le sol de la République ne fait sa loi», a déclaré Gérald Darmanin comme cité par France Info.
Le ministre a ajouté que s'ils sont demandeurs d'asile et que leur culpabilité est prouvée, il demandera aux autorités du pays de changer l'approche de l'octroi de l'asile aux personnes impliquées dans de tels cas: «Ceux qui auraient des demandes en cours de droit d'asile et qui seraient confondus par la justice du fait d'avoir des responsabilités particulières dans ce genre d'affaires». Gérald Darmanin, qui est visé par une plainte pour viol, a assuré qu'il demanderait à son administration de «regarder avec un œil différent» ces demandes d'asile. «Avoir l'asile sur le territoire national ne crée pas des droits de faire le bordel, des règlements de comptes ou d'attenter à la vie des uns et des autres», a-t-il justifié
Le chef de l'organisation européenne tchétchène Bart-Marsho (Unité et Libérté), Djamboulat Souleimanov, a affirmé à la BBC que la déclaration du ministre n'affecterait probablement pas l'octroi de l'asile aux réfugiés de Tchétchénie. «C'est au-delà du pouvoir du ministre de l'Intérieur et d'aucun autre fonctionnaire. La loi sur l'octroi du statut de réfugié relève de la loi européenne et ils ne sont pas en mesure de la changer», a-t-il déclaré. Djamboulat Souleimanov a précisé que les fonctionnaires peuvent influencer la privation du statut de réfugié des Tchétchènes qui sont impliqués dans des «actions de lynchage». En outre, dit-il, de tels événements peuvent affecter l'attitude des services de migration lors de l'examen des demandes d'asile.
Le représentant des Tchétchènes ne justifie pas les actions de ses compatriotes européens. Djamboulat Souleimanov pense que s'ils conduisent en masse avec des couteaux et des battes de baseball, l'attitude des Français ordinaires envers la diaspora tchétchène ne changera pas pour le mieux. Le responsable de Bart-Marsho rappelle cependant que des Français ont soutenu les Tchétchènes lors d'affrontements entre eux et des trafiquants de drogue dans la ville de Dijon en juin de cette même année car la police française n'intervient pas. Par leurs actions, les Tchétchènes ont, en effet, dénoncé l'inefficacité de la police en France et la criminalité endémique. La France vit avec elle depuis des années, les gens la subisse depuis des années. Lorsque les Tchétchènes ont commencé à résoudre seuls ces problèmes, naturellement, la population a aimé.
Djamboulat Souleimanov dit que certains Tchétchènes parlent d'une campagne ciblée pour arrêter le flux de réfugiés de Tchétchénie. Lui-même ne croit pas à ces rumeurs: «Eh bien, ils arrêteront d'accepter les Tchétchènes, mais que faire des autres? Il y en a beaucoup plus d'autres. Il y a un flux important en provenance des pays arabes, des flux importants en provenance d'Inde. La question de la migration ne résout en rien cela».Dans le même temps, le représentant des Tchétchènes en Europe estime qu'une campagne est menée contre les Tchétchènes, mais, à son avis, elle n'est pas liée à la volonté d'arrêter l'afflux, mais au fait que cela peut être joué pendant les élections. Selon lui, sur 60 000 Tchétchènes vivant en France, 2 000 au maximum ont la citoyenneté française, les autres ont le statut de réfugié et ne peuvent pas voter. La diaspora arabe avec laquelle les Tchétchènes ont le plus souvent des conflits, compte plusieurs millions de personnes ayant le droit de vote. «Après avoir grondé les Tchétchènes, il (Gérald Darmanin) ne perd rien en termes de soutien électoral. Il me semble que de son côté, c'était une tentative de gagner des dividendes pour lui-même», a déclaré Djamboulat Souleimanov.
En juin, après un affrontement entre Arabes et Tchétchènes, le maire de Nice, Christian Estrosi, a déclaré que les Tchétchènes se battaient pour un monopole sur le marché de la drogue avec d'autres communautés. En réponse, la diaspora tchétchène a intenté 50 poursuites pour diffamation et haine raciale.
Philippe Rosenthal
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