Suite au séisme du 11 novembre dans la Drôme et en Ardèche, Observateur Continental a réalisé un entretien avec Jean-Christophe Gariel, directeur général adjoint à l'Institut de Radioprotection et de sûreté nucléaire (l'IRSN) en charge du pôle Santé-Environnement, dans le but de savoir si ce séisme aurait bien une origine humaine, comme certains média l'écrivent.
Comment des experts peuvent arriver à l'hypothèse que le séisme aurait eu une origine humaine en imaginant que la carrière exploitée par LafargeHolcim en soit la cause?
- Cette hypothèse n'a pas été avancée du côté de l'Institut de Radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Ce sont des universitaires qui ont avancé cette thèse. A l'heure actuelle, je n'ai pas un avis tranché sur la question. Je ne crois pas que quelqu'un ait des éléments tangibles pour le dire. Je pense qu'il faut se donner du temps. Il y a un petit groupe d'experts avec des universitaires avec lesquels nous allons travailler pour voir si cela est une hypothèse plausible ou non.
Ce que j'observe, quand même, c'est que nous sommes dans une région ou historiquement, il y a quand même eu de la sismicité sur les deux cents dernières années ce que nous représentons sur le site de l'IRSN avec une carte https://www.irsn.fr/FR/Actualites_presse/Actualites/Documents/Note-Information-Seisme-Teil-14112019.pdf C'est quand même une région avec une sismicité régulière. On ne peut pas dire qu'il y avait des carrières à cette époque là. Ce séisme a, comme les autres séismes historiques, la caractéristique d'être très superficiel. La rupture est arrivée jusqu'en surface. C'est quelque chose qu'on peut suivre. On voit qu'il y a un compartiment de la feuille qui est monté de quelques centimètres. On savait que c'était superficiel mais de là à ce que cela arrive en surface, je crois que personne ne s'y attendait car c'est assez peu fréquent. Ce n'est pas quelque chose de classique pour un séisme qui est de l'ordre de 4,5 d'avoir une magnitude qui est faible à modéré avec une rupture de surface car, généralement, pour un petit séisme, la sismicité est plus profonde . Pour les très gros séismes comme en Californie, par exemple, on voit des ruptures de surface. C'est ça qui est important. C'est, donc, une caractéristique de séisme qu'il va falloir étudier.
Avez-vous découvert une nouvelle forme de séisme?
- Non, il s'est produit sur une faille dont on n'imaginait pas qu'elle était active. Elle était susceptible de donner un séisme. Elle était identifiée par les géologues. On savait qu'elle avait fonctionné, il y a environ vingt millions d'années en extension (les deux blocs avaient plutôt tendance à se séparer) et là il a joué en compression. On le voit par la manière dont les terrains sont décalés par les strates.
Vous conservez tout de même l'hypothèse de Lafarge?
- Ce n’est pas ça qui aurait créé ce séisme là. Cela aurait seulement accéléré sa survenue qui s’est bien produite sur une faille et qui est le résultat des contraintes régionales qui sont liées à la tectonique dans cette zone. On n’est pas très loin d’une frontière entre deux plaques puisqu’il y a la plaque Afrique et Eurasie dont la limite est représentée par les Alpes.
L’activité de Lafarge aurait pu toucher l’activité tectonique?
- Cela aurait pu mais dans un scénario qu'il faut vraiment étudier en détail. A l'heure actuelle, on n'a pas d'éléments probants de calcul qui le montrent. Imaginez un morceau de bois que vous mettez sur le sol et vous mettez une grosse charge dessus. Vous avez du mal à pousser ce morceau de bois. Si vous déchargez ce morceau de bois, vous aurez moins de difficulté à le pousser. On peut imaginer cela mais ce ne sont que des hypothèses et cela demande vraiment à être travaillé. De toutes les façons, pour moi, c'est bien la contrainte tectonique qui a été le moteur. C'est probablement un élément qui aurait déclenché le séisme un petit peu plus tôt mais qui se serait déclenché si il n'y avait pas eu cette exploitation. Mais, à l'heure actuelle, ce sont des conjectures. Il faut vraiment qu'on travaille sur le sujet.
Avez-vous des autorisations pour mener des expertises sur la propriété de Lafarge?
- Je n'ai pas d'informations sur ce sujet. Je pense que le groupe, qui a été mandaté, regardera cette capture là. Ce qu'il y a lieu d'étudier, c'est le volume de roches qui a été excavé et qui a soulagé cette couche géologique. C'est ce qui est important. Il faudra savoir si ce volume représente quelque chose de comparable à l'ensemble de la couche géologique qui a été déplacé lors de ce séisme. Si cela représente un pouillème cela aura eu aucune importance.