Les relations, la vie de luxe démonstrative, une affaire scandaleuse sur un réseau illégal de prostitution et, enfin, un suicide sous le nez des gardiens dans l'une des prisons les mieux gardées des Etats-Unis – tout cela a donné un terrain fertile pour les théories conspirationnistes autour de la mort du millionnaire américaine Jeffrey Epstein. Le corps de l'économiste de 66 ans a été découvert samedi dans une cellule spéciale du centre correctionnel de New York. Il était en détention depuis le mois dernier après avoir été accusé par les autorités fédérales de prostitution et d'exploitation sexuelle de mineures.
Les médias soulignent qu'Epstein a été retrouvé mort le lendemain de la publication de nombreux documents avec des détails sur l'affaire où figurent notamment les noms de politiciens haut placés et d'économistes importants. S'il était reconnu coupable, il risquait jusqu'à 45 ans de prison. De plus, le procès d'Epstein aurait pu faire de l'ombre à de nombreux politiciens et économistes influents.
Les enquêteurs se sont intéressés pour la première fois aux agissements de Jeffrey Epstein en 2005, quand une mineure de Floride avait déposé une plainte à la police pour harcèlement. Après quoi la police a retrouvé au moins une vingtaine de victimes. Certaines avaient à peine 14 ans. Mais le procureur de l'Etat de la Floride Alexander Acosta avait alors passé un accord avec lui. Il avait écopé de 18 mois de prison, tout en étant autorisé à sortir 6 jours par semaine pour travailler au bureau.
Ironie du sort, l'homme qui avait permis à Jeffrey Epstein de s'en sortir avec une peine aussi dérisoire a été la raison de sa chute définitive. Quand le président américain Donald Trump a nommé Alexander Acosta secrétaire au Travail et songeait à sa candidature pour la Justice, une journaliste du Miami Herald a rappelé son rôle dans l'affaire d'Epstein et a mené son enquête. Ses résultats ont fait beaucoup de bruit et ont poussé les autorités à rouvrir les dossiers de l'affaire. Le tribunal a décidé que l'accord des autorités de la Floride avec l'économiste était illégal, après quoi Acosta a démissionné.
Jeffrey Epstein a été interpellé en juillet 2019. Pendant la perquisition à son domicile de New York les détectives ont découvert dans son coffre de nombreuses preuves, notamment des enregistrements et des photos de mineures nues, des diamants, de l'argent, le passeport d'un autre Etat avec un faux nom et sa photo.
L'économiste se vantait de ses relations au plus haut niveau et menait un trait de vie dépensier – il possédait une villa luxueuse à New York, un avion et même une île dans les Caraïbes, qui a été surnommée "île de la pédophilie" dans la presse. Il s'est même avéré qu'à une époque l'ex-président Bill Clinton s'y était rendu. Et en 2002, l'homme d'affaires Donald Trump a déclaré dans une interview au New York Magazine qu'il appréciait la compagnie de Jeffrey Epstein: "Il aime autant les belles femmes que moi, sauf que la plupart d'entre elles se distinguent par un jeune âge." Parmi les connaissances de l'économiste la presse parle du prince britannique Andrew, de l'ex-premier ministre israélien Ehud Barak et du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.
Un procès résonnant était attendu, mais tout à coup son principal figurant a mis fin à ses jours. Cela clôt l'affaire d'Epstein, mais soulève des questions quant à la justice américaine. Par exemple, qui et pourquoi a annulé la surveillance renforcée du détenu alors que le mois dernier il avait déjà été découvert dans sa cellule inconscient à cause d'une tentative de suicide présumée?
Paul Krugman du New York Times écrit: "Si nous vivions dans un univers fictif paranoïaque, le suicide d'Epstein m'aurait paru très suspect, et s'agit-il vraiment d'un suicide? Mais son affaire montre qu'en quelque sorte nous vivons bien dans un tels univers." Alors que la commentatrice conservatrice Ann Coulter a écrit sur Twitter: "Je savais que cela arriverait et j'en avais averti!" "Je ne suis pas partisan du conspirationnisme. Mais Epstein possédait des informations dangereuses sur un très grand nombre de personnes extrêmement influentes. Ce n'est pas très facile de mettre fin à ses jour en prison, qui plus est sous surveillance renforcée. Notamment s'il s'agit d'une récidive", a déclaré l'avocat Scott Hechinger.
Même le président Donald Trump a jeté de l'huile sur le feu en partageant le tweet du site BNL News: "Les leaders des démocrates, y compris Bill Clinton, se rendaient en privée sur "l'île de la pédophilie" de Jeffrey Epstein."Par la suite, ce site a déclaré que dans les dossiers de l'enquête figure plusieurs fois le nom du locataire actuel de la Maison blanche, mais on ignore en quelle qualité. Donald Trump a également cité l'avis d'un de ses partisans, Terrence Williams, qui a écrit: "Il s'est suicidé en étant sous surveillance 24h/24 et 7j/7? Comment est-ce arrivé? Jeffrey Epstein avait des informations sur Bill Clinton et aujourd'hui il est mort." Il a accompagné son commentaire par le hashtag #ClintonBodyCount (ce qui se traduit – le compte des corps de Clinton), qui est devenu viral sur les réseaux sociaux dans les premières heures après l'annonce du suicide.
Les auteurs de certaines théories affirment que quand en juillet Epstein a été retrouvé dans sa cellule avec des bleus sur le cou, il s'agissait d'une "tentative de suicide". Quand Epstein a été retrouvé mort, le hashtag #EpsteinMurder est devenu très populaire sur Twitter.
L'enquête sur les circonstances du suicide supposé d'Epstein a été prise en charge par le FBI, alors que le secrétaire à la Justice et procureur général William Barr a promis de procéder à une enquête interne, en reconnaissant que de "sérieuses questions" se posent sur les faits.