24.08.2022
Les preuves de désaccords en Occident concernant l'intérêt de soutenir encore plus les aspirations militaires de l'Ukraine sont en augmentation. La crise économique, l'inflation, les restrictions diverses et «la fin de l'abondance», selon Emmanuel Macron, font éclater le soutien à l'Ukraine.
Déjà The Economist notait à la fin du mois de mai que l'Occident commençait à se scinder en deux camps. Le premier, le «parti de la paix», s'est prononcé en faveur d'un cessez-le-feu rapide et pour une transition vers des pourparlers de paix. Le second, que l'hebdomadaire nommait le «parti de la justice», a estimé nécessaire de «faire payer intégralement la Russie pour ses actions». Au centre du débat se trouvaient non seulement les questions de «prix», de risques et de bénéfices pour l'Occident, si le conflit se prolongeait, mais aussi la place de la Russie dans le futur ordre européen.
L'Allemagne a appelé à un cessez-le-feu. Erich Vad, général à la retraite, ancien conseiller militaire d'Angela Merkel, est l'un des signataires. L'Italie a présenté un plan de paix avec quatre propositions pour établir une paix durable entre la Russie et l’Ukraine.
La France a parlé d'un futur accord de paix qui «ne permettrait pas l'humiliation de Moscou». «Il ne faut pas humilier la Russie, pour que le jour où les combats cesseront, nous puissions bâtir un chemin de sortie par les voies diplomatiques», avait déclaré Emmanuel Macron.
Le «parti de la paix» a trouvé une forte opposition principalement avec la Pologne et les pays baltes, des pays fortement soutenus par Londres et les Etats-Unis de toutes les manières possibles.
L'Amérique a adopté, selon The Economist, une position «ambivalente». A ce moment-là, Washington avait envoyé à l'Ukraine 14 milliards de dollars d'aide militaire et financière et réuni une coalition de plusieurs Etats du monde qui ont accepté de soutenir Kiev sous diverses formes. En mai, le Congrès a approuvé jusqu'à 40 milliards de dollars de nouveaux crédits. En revanche, selon les critiques, l'Amérique n'a fourni que des armes capables «d'égaliser les chances des parties», mais «ne donnant pas un avantage décisif aux Ukrainiens».
De deux camps à trois camps. Suite aux résultats du sommet de l'Otan de juin, The Sunday Times a déclaré que la principale alliance militaire de l'Occident est divisée «en trois camps». Le camp des «faucons» comprend, tout d'abord, les Etats membres directement limitrophes de la Russie, dont la Pologne. Ils ont préconisé une augmentation de l'assistance militaire à Kiev pour «reprendre le contrôle du Donbass et de la Crimée» et «infliger une défaite écrasante à la Russie».
Le deuxième camp, qui comprend un certain nombre d'Etats leaders de l'UE, ainsi que de l'Europe du Nord, est composé de «colombes», qui ont poursuivi la ligne vers la conclusion rapide d'un accord d'armistice, même au prix de «concessions territoriales de l'Ukraine». The Sunday Times a qualifié le troisième camp d' «autruches», car elles ne sont prêtes que verbalement à soutenir la ligne officielle de l'alliance, mais cherchent à minimiser leur implication dans ce qui se passe.
Macron, Scholz et Draghi sont arrivés à Kiev en juin. Dans les médias occidentaux, le sujet de «l'agenda non officiel» de la visite a presque immédiatement surgi car elle consistait à recommander aux dirigeants de l'Ukraine la reprise des négociations de paix avec la Russie. Le journal Les Echos a précisé que «ce trio n'était pas, semble-t-il, particulièrement bienvenu à Kiev où on le soupçonnait d'être un peu trop conciliant avec la Russie». La phrase d'Emmanuel Macron selon laquelle «il ne fallait pas humilier Moscou» passait mal auprès du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, comme de ses partenaires occidentaux.
L'ambassadeur ukrainien Andrij Melnyk et le président ukrainien ont, aussi, critiqué à plusieurs reprises le président allemand, Frank-Walter Steinmeier pour sa politique russe dans le passé, mais aussi le gouvernement allemand pour sa réticence à imposer des sanctions à la Russie et des livraisons d'armes.
De plus, selon le Los Angeles Times, «l'Occident montre de la fatigue», les dirigeants de l'Allemagne, de l'Italie et de la France «ont refusé à Volodymyr Zelensky des livraisons accélérées d'armes lourdes».
Avec le début du mois d'août, les preuves d'un nouveau désengagement des principaux pays occidentaux sur la question ukrainienne ont commencé à apparaître les unes après les autres. Observateur Continental rapportait que, selon les données de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale, les puissances européennes n'ont donné à l'Ukraine aucune nouvelle promesse militaire en juillet, que le soutien militaire de l'Europe à l'Ukraine diminue depuis avril et que la France et l'Allemagne ne s'engagent plus.
Crise énergétique, menaces de troubles sociaux. Les dirigeants des Etats membres de l'UE ont cité la hausse de l'inflation et la crise énergétique parmi les raisons du changement d'attitude à l'égard du conflit ukrainien. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a déclaré qu' «une nouvelle stratégie est nécessaire qui devrait se concentrer sur des négociations de paix et l'élaboration d’une bonne proposition de paix (...) au lieu de vouloir gagner la guerre» car l'Occident n'a pas réussi à affaiblir la Russie.
The National Interest a indiqué qu' «on ne sait pas combien de temps l'Occident continuera à financer l'effort de guerre de l'Ukraine» car «l'inflation imminente et les défis intérieurs pourraient distraire les partisans occidentaux de l'Ukraine, et la fatigue de la guerre devrait diminuer l'enthousiasme de leurs citoyens pour une victoire ukrainienne». Les doutes grandissent dans l'opinion publique sur l'intérêt de mener d'énormes dépenses qui sont destinées à aider Kiev.
Observateur Continental notait que pour le gouvernement français, «l’hiver va être compliqué» en France car il veut préparer les citoyens français à une rentrée difficile. Des listes de difficultés s'accumulent dans le pays: inflation; interdiction du gaz et du pétrole de Russie; sécheresse limitant le fonctionnement des centrales nucléaires; plan stratégique de stockage de gaz; l'accélération des défaillances d'entreprises en France; l'insécurité galopante.
Olivier Renault
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