Se trouvant dans une position difficile à cause de la confrontation entre les grandes puissances, l'Allemagne a fait un choix au profit de ses propres intérêts, suscitant l'irritation de Washington. C'est ce qu'écrit l'influent média américain The Wall Street Journal.
L'auteur de l'article a qualifié Berlin de partenaire peu fiable pour Washington, énumérant ses actions témoignant clairement du fait que l'arrivée au pouvoir du chancelier Olaf Scholz n'a pas rendu l'Allemagne docile envers la Maison Blanche.
"Dans l'optique d'une invasion potentielle de Ukraine par Vladimir Poutine, la plupart des pays occidentaux tentent de soutenir Kiev. Cependant, l'Allemagne a choisi une autre approche en plaçant les intérêts russes au-dessus des occidentaux. Berlin pose un sérieux problème. Tandis que les États-Unis sont confrontés à deux plus importantes menaces à la sécurité, la Russie et la Chine, l'Allemagne a cessé d'être un allié fiable. Le gaz bon marché et les exportations de voitures en Chine se sont avérés plus importants pour l'Allemagne que la solidarité démocratique des alliés. Mais le sort de l'Ukraine imposera à l'Allemagne un grand fardeau de responsabilité", écrit avec indignation le WSJ.
Le quotidien a trouvé particulièrement révélatrice la décision de Berlin de renoncer aux fournitures d'armes à Kiev et à aider d'autres pays à le faire.
Tandis que les États-Unis et le Royaume-Uni se sont fixés pour objectif d'armer l'Ukraine face au danger qui la menace, l'Allemagne non seulement refuse absolument de soutenir l'Ukraine avec des armes, mais cherche également à en empêcher l'Estonie, poursuit le WSJ. De plus, les avions britanniques livrant des armes à Kiev ont même dû contourner le territoire de l'Allemagne, qui s'oppose absolument aux livraisons d'armes en Ukraine.
Le gazoduc Nord Stream 2 est un autre facteur sur lequel les positions de Berlin et de Washington divergent. Si les États-Unis sont persuadés que le gazoduc russe sera bloqué à cause d'une "invasion", le chancelier Scholz appelle à faire la différence entre les jeux politiques et les objectifs économiques.
Selon le quotidien américain, c'est l'Allemagne qui est responsable du refus du congrès américain d'imposer des sanctions au Nord Stream 2, faisant pression sur des sénateurs qui n'ont pas voté pour l'adoption de sanctions.
De cette manière, souligne le WSJ, Berlin a remporté une grande victoire grâce à Washington. Mais on ignore ce que Joe Biden a reçu en échange.
Mais ce n'est pas tout. Même en cas d'agression de la Russie contre l'Ukraine, Berlin n'a pas l'intention de stopper le Nord Stream 2. D'après Olaf Scholz, il est déraisonnable d'impliquer le gazoduc dans ce conflit. Et seule la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock pourrait se ranger du côté des intérêts américains, mais ce n'est qu'une seule voix au cabinet des ministres, et elle ne peut rien décider à elle seule. Or le chancelier Scholz a appelé à un "nouveau départ" dans les relations avec Vladimir Poutine, constate le WSJ.
"L'Allemagne ne remplit pas non plus l'objectif de l'Otan concernant le financement de la défense, qui consiste à allouer 2% du PIB, alors que Berlin dépense seulement 1,5%. De plus, il admet les études russes de l'arme chimique sur son territoire. Olaf Scholz a également accepté de recevoir le statut d'observateur dans le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires. Sans oublier l'attitude de l'Allemagne envers la Chine. L'administration Biden avait exigé qu'Angela Merkel reporte l'accord commercial entre l'UE et la Chine. En réponse, elle avait accéléré les négociations pour trouver une entente avant le début du mandat présidentiel de Biden", écrit Tom Rogan en énumérant tous les "péchés" de l'Allemagne.
Le ministère des Affaires étrangères de l'Ukraine a récemment convoqué l'ambassadrice allemande Anka Feldhusen pour lui exprimer la "profonde déception" par la décision allemande de ne pas fournir des armements défensifs à Kiev. Selon le chef de la diplomatie ukrainienne Dmitri Kouleba, de telles déclarations, notamment sur l'absence de perspective du retour de la Crimée et les hésitations pour déconnecter la Russie du système SWIFT, ne correspondent pas au niveau des relations entre les deux pays. Le ministre a déclaré que les Ukrainiens s'en souviendraient "pendant des décennies".
Alexandre Lemoine
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