La dernière décade de juin a toujours été décisive pour la vie politique des Balkans.
La bataille tristement célèbre de Kosovo Polje, qui a placé la Serbie sous l'emprise ottomane pendant un demi-millénaire, s'est déroulée le 28 juin 1389. 500 ans de gouvernance turque ont laissé leur empreinte en posant les bases du caractère actuel des Balkans sous toutes ses formes, allant du respect du droit du fort et de la ruse dans les actions à l'inflexibilité même dans les détails.
Le 28 juin 1914, l'étudiant bosniaque Gavrilo Princip a assassiné l'archiduc François-Ferdinand à Sarajevo. On ignore à ce jour quelles forces se trouvaient derrière Gavrilo Princip. Cependant, l'intercession de l'empereur russe Nicolas II a joué son rôle fatidique et la Première Guerre mondiale s'est déclenchée.
Ensuite, c'est le 28 juin 1948 que l'agence de presse Informburo a annoncé la rupture entre l'URSS et la Yougoslavie après le début du conflit entre Tito et Staline.
Le début de l'effondrement de la Yougoslavie a également coïncidé avec cette période: les 27 et 28 juin 1991, en Slovénie ont commencé des événements à l'origine de la guerre la plus fratricide en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. L'extradition secrète du dernier président yougoslave Slobodan Milosevic à La Haye sur ordre du premier ministre Zoran Dindic, assassiné plus tard, a également eu lieu le 28 juin 2001.
Hasard ou non, mais pour Aleksandar Vucic la période de fin juin est également un mainstream – le 23 juin 2017 s'est déroulée sa première investiture en tant que président de la Serbie suivie par un renouvèlement du gouvernement. Le 21 juin 2020 ont eu lieu les dernières législatives qui ont montré le plus haut niveau de soutien du pouvoir depuis l'effondrement de la Yougoslavie.
D'ailleurs, tout comme la victoire de M. Vucic en un tour aux élections de 2017, les élections de juin 2020, quand pour la première fois dans l'histoire contemporaine du pays aucun parti d'opposition n'a réussi à franchir la barre de 3%, ont fixé de nouvelles tendances dans le développement de la démocratie balkanique jusque-là extrêmement instable.
Il s'avère que dans les Balkans est apparu un homme politique capable de consolider autour de lui une société auparavant divisée.
Des indicateurs tels que l'absence de partis d'opposition au parlement en juin 2020, quand la barre spécialement réduite pour cela de 5% à 3% a été franchie seulement par le parti progressiste serbe et le parti socialiste de la coalition, ainsi que par le mouvement SPAS ne témoignent que d'une seule chose, de l'effondrement du mouvement d'opposition du pays des sept dernières années, et non pas d'une politique restrictive des autorités, même si certains ne veulent pas se l'avouer.
Il y a un an, le parlement serbe a été quitté non seulement par les libéraux pro-occidentaux et les démocrates de l'ex-président Boris Tadic et de l'ex-maire de Belgrade Dragan Dilas, qui étaient au pouvoir de 2000 à 2012 et désiraient une revanche, mais également par les ultrapatriotes de l'idéologue de la Grande Serbie et du mentor de Vucic, Vojislav Šešelj. Les premiers à cause d'un boycott partiel des législatives et de l'obsolescence politique, les seconds à cause de l'obsolescence morale.
Un an après les législatives, le parti progressiste serbe au pouvoir a annoncé son alliance avec le mouvement SPAS du politique de Belgrade populaire Aleksandar Sapic, à la tête de l'une des plus grandes communautés (préfectures) de la Nouvelle Belgrade. Cela a marqué le départ de la préparation pour les élections dans la capitale attendues au printemps suivant avec les législatives et la présidentielle.
Unissant tout le monde autour de lui, le président Vucic a décidé de briguer un nouveau mandat anticipé pour son parti. Selon la Constitution serbe, les prochaines législatives étaient prévues pour 2024, mais elles seront organisées au printemps 2022. Même si à première vue ce n'est pas du tout nécessaire, car à l'heure actuelle la coalition gouvernementale occupe 235 des 250 sièges, un record de toute l'existence du parlementarisme pluripartite en Serbie. Cette décision pourrait être dictée précisément par la volonté d'élargir la diversité politique au sein du parlement notamment avec des forces d'opposition pour une seule raison: une plus grande légitimité aux yeux aussi bien de ses propres citoyens que de la communauté internationale.
En quatre ans de présidence M. Vucic a réussi à propulser le pays parmi les leaders de la croissance économique dans toute l'Europe. Selon certains économistes européens, la Serbie est déjà surchargée par les investissements qui font grimper le mètre carré du logement à Belgrade jusqu'à un prix sans précédent. Parmi les investisseurs il y a la Russie et la Chine, l'UE et les pays du Golfe, même les Etats-Unis en la personne de l'ancien représentant pour le Kosovo Richard Grenell avaient promis 12 milliards de dollars pour le développement de l'infrastructure au sud de la Serbie et au Kosovo.
La Serbie est devenue le seul pays du monde où les locaux et les étrangers peuvent être vaccinés librement par le vaccin de leur choix: le président Vucic a été vacciné avec le vaccin chinois Sinopharm, le président du parlement Ivica Dacic avec le Sputnik V et la première ministre Ana Brnabic avec l'américain Moderna.
Alexandre Lemoine
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