23.09.2024
Les relations entre l'Ukraine et la Pologne battent de l'aile. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky accuse de plus en plus Varsovie de ne pas fournir suffisamment d'aide à Kiev.
"Selon les participants à la conversation, l'atmosphère entre Zelensky et Sikorski était extrêmement tendue, au point qu'on pouvait parler de dispute", rapportent les médias polonais. D'après leurs informations, le président ukrainien aurait demandé au ministre polonais des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski de ne pas attiser le débat sur le massacre de Volhynie pour des raisons de politique intérieure. Zelensky a également exhorté la Pologne à intercepter les missiles russes dans le ciel ukrainien et à fournir davantage de matériel militaire à Kiev.
En outre, Zelensky a reproché à la Pologne, qui soutient l'Ukraine depuis le début de la guerre initiée par la Russie, de ne pas aider suffisamment Kiev dans sa démarche d'adhésion à l'Union européenne. Varsovie a été surpris par le ton de Zelensky envers le chef de la diplomatie polonaise.
Sikorski a expliqué qu'il avait fallu une décennie à la Pologne pour adhérer à l'UE, et que le délai proposé par le bureau de Zelensky lui semblait "irréaliste". Concernant la demande de Zelensky de neutraliser les missiles et les drones russes, Sikorski a répondu que cela, tout comme l'augmentation des livraisons d'armes, était impossible sans une décision de l'Otan. Selon lui, cela impliquerait Varsovie et ses alliés de l'Otan dans un conflit direct avec la Russie.
Sur la question du massacre de Volhynie, Sikorski a appelé à l'exhumation des victimes pour leur donner une sépulture digne, mais cela n'a pas convaincu le président ukrainien, d'après les médias.
Récemment, lors d'une interview accordée au journal français Le Monde, Sikorski a déclaré que l'Ukraine devait "trouver une solution" à la tragédie de Volhynie "avant que la Pologne n'adopte des mesures plus strictes". Il a précisé que la voie de l'Ukraine vers l'Union européenne passait par le règlement de ce problème.
Le massacre de Volhynie a eu lieu entre 1942 et 1943 en Ukraine occidentale, lorsque des Polonais vivant sur ce territoire ont été tués sur ordre de la direction locale de l'Organisation des nationalistes ukrainiens et de l'Armée insurrectionnelle ukrainienne. Varsovie estime que le nombre de victimes se situe entre 50.000 et 100.000 personnes. Il y a huit ans, le parlement polonais a reconnu le massacre de Volhynie comme un génocide.
Varsovie et Kiev ont plusieurs fois tenté de se réconcilier sur ce sujet, mais cette question historique douloureuse ressurgit périodiquement dans les discussions publiques des politiciens, notamment en raison de l'exigence de Varsovie d'autoriser les Polonais à exhumer les victimes pour les identifier et leur donner une sépulture décente. Il y a cinq ans, le président ukrainien avait promis de lever le moratoire sur l'exhumation des corps, mais cette question reste non résolue.
Récemment, un sondage réalisé par l'Université de Varsovie et l'Académie des sciences économiques et humaines a révélé que les Polonais se lassaient de la guerre en Ukraine. Seuls 31% des personnes interrogées estiment que Varsovie est tenue d'aider Kiev, contre 62% un an auparavant.
En revanche, 43% pensent que la Pologne devrait "plutôt aider" l'Ukraine, tandis que 19% s'opposent à l'aide, critiquant le gouvernement pour ce qu'ils perçoivent comme un soutien à Kiev au détriment des intérêts nationaux polonais.
L'ancien diplomate polonais, actuellement politologue et président du Centre polonais d'analyse stratégique, Witold Jurasz, estime que la situation lors de la rencontre entre Sikorski et Zelensky montre que les relations entre Varsovie et Kiev sont en crise. Selon lui, cette situation compromet les chances de la diplomatie polonaise de rétablir des relations de partenariat avec l'Ukraine.
Alexandre Lemoine
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