Depuis près d'une semaine, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, les pays de l’UE, ainsi que le Canada, l'Australie, le Japon - 36 pays au total - imposent de nouvelles sanctions contre la Russie. Les observateurs ne pouvaient pas imaginer que des mesures restrictives aussi dures puissent devenir une réalité en si peu de temps.
L'économie russe subira de lourdes pertes à cause des sanctions, ce que tout le monde remarquera bientôt. Cependant, la logique des sanctions est telle que les pays initiant la politique de sanctions devront aussi faire face à certaines pertes comme dans un effet boomerang. Les Etats-Unis sont pratiquement indépendants des liens économiques avec la Russie car les investissements américains cumulés en Russie sont 55 fois inférieurs aux investissements européens [si l'on inclut le Royaume-Uni et la Suisse], et le chiffre d'affaires commercial de la Russie avec les Etats-Unis est 8 fois moins qu'avec l'Europe. Ainsi, dans cette configuration, les pays européens subiront sans doute des sanctions en retour de leurs décisions.
Et, il n'est pas question des malheureux avocats londoniens qui ont aidé les oligarques russes à blanchir de l'argent. Ce sont d'abord des habitants européens, que nous trouvons en première ligne, qui devront faire face à la hausse des prix du chauffage et de l'électricité. Les entreprises européennes ne souffriront pas tant des sanctions car les exportations vers la Russie qui s'élevait récemment à près de 80 milliards d'euros, ne dépassent pas 0,5 % du PIB de la région et ne tomberont pas à zéro. Par exemple, lorsque la Russie a imposé un embargo sur l'achat de produits agricoles européens en 2014, les exportations agricoles de l'UE au cours des trois années suivantes ont augmenté de 13,5%. Mais, c'est pour la composante énergétique que cela peut devenir très rude.
Bien qu'aucun embargo énergétique n'ait été déclaré et que de nombreux pays européens, dont l'Allemagne et l'Autriche, se soient opposés à de nombreuses sanctions antirusses, estimant justement qu'elles pouvaient perturber l'approvisionnement en pétrole et en gaz. Les prix du pétrole et du gaz ces derniers jours ont fortement augmentés. Pour le gaz, le mégawattheure (MWh) était vers 09h30 GMT (10h30 à Paris), à 345 euros ce 7 mars. De son côté, le brut Brent a grimpé à près de 130$ le baril ce lundi, soit son plus haut niveau depuis 2008. Au moment de l'annonce de ces prix, Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance a rappelé que «la Finlande est dépendante de l'importation de gaz russe à 100%, l'Allemagne à 55% et l'Europe plus généralement à 40%. La France n'en dépend qu'à 20%».
Ces sanctions occidentales contre la Russie se traduisent par une augmentation des prix de l'électricité et de l'énergie thermique. Le printemps arrive bientôt, puis l'été. Mais, comme en 2021, les installations de stockage de gaz pourraient à nouveau se remplir très lentement, cette fois en raison d'une pénurie de matières premières. Les pays occidentaux essaieront désormais de tout mettre en œuvre pour gagner leur indépendance vis-à-vis des approvisionnements russes. Les négociations avec l'Iran ont déjà été accélérées . Si l'accord sur le nucléaire est rétabli, il sera possible de lever les restrictions sur les exportations de pétrole iranien. Des négociations sont en cours avec le Qatar pour augmenter les approvisionnements en GNL.
Observateur Continental informait que le dernier espoir des pays de l'UE restait le Qatar et qu'au dernier moment, Doha avait avoué être incapable d'aider l'Europe pour lui fournir du gaz. Le ministre de l'Energie du Qatar, Saad al-Kaabi avait expliqué en octobre dernier que le Qatar avait atteint ses capacités «maximum», en produisant quelque 77 millions de tonnes par an, et en assurant que «nous sommes constants, nous produisons ce que nous pouvons». Saad al-Kaabi informait alors que Qatar aurait «épuisé» sa production pour le moment et ne serait pas en mesure d'augmenter ses approvisionnements en gaz pour livrer, notamment l'Europe. Déjà en octobre dernier, les observateurs pensaient qu'il ne serait pas possible de corriger la situation car il n'y aurait pas un remplissage soudain des installations de stockage de gaz des pays de l'UE.
La transition énergétique verte va s'accélérer cependant, mais, il ne fait aucun doute que l'Europe perdra plusieurs dizaines de milliards d'euros en payant trop cher le gaz, le pétrole et l'électricité dans peu de temps. La question est de savoir si cela arrêtera le développement de l'EU et si cela ne sera pas un désastre pour les consommateurs?
Pierre Duval
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs