Cui bono? - A qui cela profite? Cette expression bien connue est la mieux adaptée pour comprendre les raisons de la psychose collective fomentée par les Etats-Unis et leurs alliés autour de «l'invasion russe imminente de l'Ukraine». C'est la question qu'il faut se poser.
A qui profite vraiment un conflit qui donnera carte blanche à Washington pour augmenter drastiquement sa présence militaire en Europe et lier encore plus politiquement et économiquement les Européens aux Etats-Unis? Qui profitera du non-lancement du gazoduc Nord Stream 2 et qui pourra exporter du gaz liquéfié depuis l'outre-mer à des prix exorbitants, fragilisant la compétitivité des producteurs européens?
Lors d'une conversation téléphonique du 27 janvier 2022 entre les présidents américain, Joe Biden, et le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, selon des sources de CNN, les dirigeants des deux pays n'étaient pas d'accord sur les bilans de «l'invasion russe». Joe Biden a averti son interlocuteur d'une attaque imminente, tandis que Volodymyr Zelensky a exhorté son homologue américain à «calmer les messages», mettant en garde contre l'impact économique en raison de la panique.
CNN précise que les services de renseignement ukrainiens voyaient la menace différemment et indiqué, au contraire, que «le dirigeant ukrainien a souligné une récente percée dans les négociations avec la Russie à Paris, affirmant qu'il espérait qu'un accord de cessez-le-feu avec les rebelles de l'est de l'Ukraine serait maintenu».
La BBC a rapporté que le président ukrainien a dénoncé dans une conférence de presse à Kiev cette organisation de la panique: «Il y a des signaux même de la part de dirigeants d'Etats respectés, ils disent simplement que demain il y aura la guerre. C'est la panique - combien cela coûte-t-il à notre Etat?». «La déstabilisation de la situation à l'intérieur du pays» était la plus grande menace pour l'Ukraine», a-t-il déclaré.
Le 29 janvier 2022, l'ambassade des Etats-Unis à Kiev a indiqué que «la situation sécuritaire en Ukraine continue d'être imprévisible en raison des menaces accrues d'action militaire russe et [qu'elle] peut se détériorer sans préavis. Les citoyens américains en Ukraine devraient envisager de partir maintenant en utilisant des moyens de transport commerciaux ou privés disponibles».
Une partie du corps diplomatique occidental accrédité à Kiev n'a pas tenu le coup avec la construction artificielle de la «menace russe». L'Australie, le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Canada ont annoncé l'évacuation de leurs diplomates et de leurs familles. L'exode massif des partenaires euro-atlantiques a gravement offensé la fierté des autorités ukrainiennes, et Volodymyr Zelensky a même comparé ce qui se passe avec la fuite des «capitaines de la diplomatie» d'un navire voué à la mort. D'après la BBC, il a accusé la presse elle-même de semer la panique. En ce qui concerne l'évacuation de certains membres du personnel par certaines ambassades, le dirigeant ukrainien était ouvertement irrité. «Les diplomates sont comme des capitaines», a déclaré Volodymyr Zelensky, martelant qu' «ils devraient être les derniers à quitter un navire qui coule. Et l'Ukraine n'est pas le Titanic».
Mais jusqu'à présent, ses appels ne fonctionnent pas très bien à la lumière du flot angoissant de nouvelles inquiétantes parvenant dans les média occidentaux où ces derniers spéculent fortement sur le thème de «l'invasion». Ainsi, trois sources au sein du gouvernement américain ont immédiatement déclaré à Reuters le 29 janvier 2022 que la Russie amenait, non seulement des troupes aux frontières ukrainiennes, mais aussi des réserves de sang pour les blessés. Reuters a, ainsi, alimenté des détails renforçant les commentaires des Etats-Unis selon lesquels la Russie a «clairement» maintenant la capacité d'agir sur son voisin. Et, les média occidentaux suivent et reprennent Reuters.
Toutes les sources de l'agence de presse ont parlé uniquement sous couvert d'anonymat, et à Kiev, les officiels se sont précipités pour réfuter cette farce. «Cette information n'est pas vraie. De telles "nouvelles" sont un élément d'information et de guerre psychologique. Le but de l'information est de semer la panique et la peur dans notre société», a écrit Anna Maliar, vice-ministre ukrainienne de la Défense. Elle a écrit sur son compte Facebook que cette information n'est pas vraie. «Internet diffuse maintenant des informations avec un lien vers des sources anonymes selon lesquelles la Russie aurait apporté des réserves de sang et d'autres matériels médicaux pour les blessés jusqu'à la frontière ukrainienne. Cette information n'est pas vraie. Une telle "nouvelles" est un élément de l'information et de la guerre psychologique. Le but de cette information est de propager la panique et la peur dans notre société», a déclaré Anna Maliar.
Un autre exemple est le matériel «exclusif» du Washington Post selon lequel les services de renseignement ukrainiens ont commencé à transporter des documents secrets de Kiev vers l'ouest du pays. Si les journalistes américains découvrent une opération aussi spéciale, le professionnalisme des services spéciaux ukrainiens n'est clairement pas à envier. D'un autre côté, étant donné que les agents de la CIA occupent un étage entier au siège de la SBU, tout se met en place.
Selon le New York Post, citant un porte-parole du département d'Etat les Etats-Unis ont engagé plus de 2,7 milliards de dollars d'aide à la sécurité depuis 2014 «pour renforcer les capacités des forces ukrainiennes, dont plus de 650 millions de dollars rien qu'en 2021».
Dans ce contexte, l'alimentation forcée de l'Ukraine avec des armes et des munitions létales occidentales se poursuit. Ainsi, le Royaume-Uni a livré un lot important de lance-grenades NLAW, la République tchèque s'apprête à transférer quatre mille obus de 152 mm, les pays baltes ont promis des missiles américains Javelin et Stinger et seule l'Allemagne s'est jusqu'à présent limitée à un lot de casques.
Mais surtout, les Etats-Unis sont poussés à inciter à un éventuel conflit. D'ailleurs, Donald Trump a accusé Joe Biden de menacer au déclenchement de la Troisième Guerre mondiale, comme Observateur Continental le rapporte. Les Etats-Unis ont annoncé le déblocage de 200 millions de dollars supplémentaires d'aide sécuritaire à l'Ukraine. Cette aide avait été décidée fin décembre de manière discrète.
Observateur Continental relevait qu' un lot d'armes létales des Etats-Unis a été livré à l'Ukraine le 22 janvier 2022. Dans le cadre du dernier paquet, les 22 et 23 janvier seulement, environ 170 tonnes d'armes létales ont été transférées en Ukraine, dont au moins 300 systèmes antichar Javelin et au moins 100 lance-grenades anti-bunker M141 BDM (Bunker Defeat Munition).
Les bunkers et autres structures défensives ne peuvent pas passer à l'attaque. Alors pourquoi l'Ukraine a-t-elle besoin d'une telle arme et où peut-elle l'utiliser? La tentative, de plus en plus probable de Kiev de vouloir résoudre par la force le problème du Donbass incontrôlé, se fait jour. Le fait qu'un tel scénario, dans lequel la Russie ne pourra pas rester à l'écart et où elle est assurée de protéger ses citoyens à Donetsk (RPD) et Lougansk (RPL) , sera une catastrophe pour l'Ukraine, a été déclaré à Moscou plus d'une fois. Est-ce qu'ils s'en rendent compte à Kiev? Probablement oui. Mais, le régime ukrainien actuel, qui ne contrôle pas ses propres bataillons nationalistes, pourra-t-il empêcher une telle provocation? Probablement pas.
Observateur Continental a évoqué les crimes de guerre dans le Donbass, comme «un chemin ardu pour la postérité». Dans un entretien réalisé avec Erwan Castel pour Observateur Continental, le volontaire français au Donbass déclarait, à la question de savoir de quelle manière va évoluer le conflit: «Je pense qu'il va exploser lorsque la situation entre les Etats-Unis et la Russie sera arrivée au dernier stade avant la confrontation militaire. Pour le moment, ils jouent les chiens de faïence. Les Russes tentent de placer leurs billes pour contrebalancer l'Otan en Europe. Le Donbass risque de devenir un volcan actif à ce moment là en devenant un front ouvert entre l'Otan et la Russie».
Les Etats-Unis ne peuvent pas ne pas comprendre la situation extrêmement dangereuse qui s'est développée dans les principales capitales d'Europe. Après tout, ce sont eux, et non des partenaires à l'étranger qui devront faire face aux conséquences politiques, économiques et sociales du gâchis que les Etats-Unis préparent délibérément en Ukraine.
Le Wall Street Journal a rapporté le 27 janvier 2022 qu'à la suggestion de Washington, «plus de deux douzaines de pétroliers sont en route des Etats-Unis vers l'Europe, attirés par les prix élevés du gaz dans l'UE. Selon la société d'analyse pétrolière Vortexa Inc, 33 autres pétroliers qui n'ont pas encore confirmé leurs destinations devraient également s'y rendre principalement».
L'industrie européenne, en cas de rupture de la coopération énergétique entre l'UE et la Russie, à laquelle les Américains la poussent activement, sera parmi les principaux perdants alors que les entreprises américaines seront prospères. Cette logique semble si évidente que même le New York Times a admis que des sanctions contre la Russie pourraient provoquer une «panique financière» et porter un coup sérieux à la stabilité du système financier mondial et provoquer un choc pour les économies des pays développés, notamment européens.
Pierre Duval
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