Il est difficile de mettre dans un "emballage diplomatique" ce qui s'est produit récemment dans les relations entre Kiev et Berlin. Une telle insolence est rare dans les relations interétatiques.
Le scandale en question a été provoqué par une déclaration du commandant de la marine allemande, vice-amiral Kay-Achim Schönbach, que la Crimée ne reviendrait jamais dans l'Ukraine, que tout le monde avait besoin de la Russie contre la Chine, et c'est pourquoi il fallait "rendre hommage" à Vladimir Poutine.
Le vice-amiral a démissionné, mais cela n'a pas suffi à Kiev. L'ambassadrice d'Allemagne en Ukraine Anka Feldhusen a été convoquée au ministère des Affaires étrangères de l'Ukraine, qui a exigé de Berlin de démentir les propos de Kay-Achim Schönbach, déclarant que la péninsule pouvait être perdue seulement "dans l'imagination du vice-amiral allemand".
L'ambassadeur ukrainien Andrij Melnyk a déclaré que la démission du commandant de la marine allemande "ne suffisait pas pour rétablir entièrement la confiance en la politique allemande" et que maintenant le gouvernement allemand devait changer de politique envers Kiev. Sachant que M. Melnyk, dans la manière qui lui est propre, a comparé l'Ukraine à l'Allemagne hitlérienne. En réponse, l'ancien inspecteur général de la Bundeswehr Harald Kujat a déclaré que les propos de l'ambassadeur étaient déplacés et répugnants, et qu'il ne fallait pas les prononcer à l'égard des pays qui assurent un avenir sûr de l'Ukraine.
Cette insolence fait suite au refus absolu de l'Allemagne de vendre des armes à l'Ukraine et le refus de délivrer à l'Estonie une autorisation pour exporter des systèmes d'artillerie allemands en Ukraine. Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a déclaré qu'il était "déçu par le refus de l'Allemagne de valider les livraisons d'armes défensives à l'Ukraine" en ajoutant sur un ton menaçant que "les Ukrainiens s'en souviendront pendant des décennies".
La ministre allemande de la Défense Christine Lambrecht a fait l'objet d'invectives des "patriotes" ukrainiens sur les réseaux sociaux après avoir bloqué la livraison d'armes en Ukraine, tout en proposant d'organiser un hôpital de campagne avec un crématorium.
Puis, c'était au tour de Vitali Klitschko. Le maire de Kiev, dans un article pour le quotidien Bild, a reproché à Berlin d'avoir trahi l'Ukraine, appelant à interdire législativement à l'ancien chancelier allemand Gerhard Schröder de "travailler pour la Russie". M. Klitschko a également affirmé que les Ukrainiens étaient déçus par le fait que l'Allemagne n'ait pas changé ses principes du commerce d'armes ni renoncé au gazoduc Nord Stream 2.
En réponse à la déclaration du chef du gouvernement de Bavière et président de la CSU, Markus Söder, que l'Ukraine ne devait pas être acceptée dans l'Otan et qu'il ne fallait pas décréter des sanctions contre la Russie, le porte-parole du ministère ukrainien des Affaires étrangères Oleg Nikolenko a accusé l'Allemagne d'avoir porté atteinte aux relations bilatérales.
Cependant, Berlin n'a pas encore renoncé à l'embargo sur les armes et a appelé à rayer les restrictions dans le secteur énergétique du nouveau train de sanctions contre la Russie.
Mais surtout, après une semaine d'insolence, l'ambassadeur Melnyk a écrit qu'il attendait "de Berlin au moins 100.000 gilets pare-balles et casques pour les forces de défense territoriale".
Pendant ce temps, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Asselborn s'est opposé à la livraison d'armes à l'Ukraine en tant que moyen pour régler le conflit, alors que le président croate Zoran Milanovic a dit que l'Ukraine n'avait pas sa place dans l'Otan. Le Luxembourgeois n'a pas encore été attaqué, alors que M. Milanovic a été sommé de faire un démenti de sa déclaration qui "suit le discours de la propagande russe", ne correspond pas à la position officielle de la Croatie, porte préjudice aux relations bilatérales et nuit à la cohésion de l'UE et de l'Otan.
À ce rythme-là, l'Ukraine fera fuir de nombreux partenaires.
Alexandre Lemoine
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs