La coopération militaro-technique (CTM) entre la France et les Etats-Unis est l'interaction de partenaires aux potentiels inégaux, liés par une histoire longue et contradictoire. Notamment, les Alliés n'ont jamais signé d'accord de défense ni de déclaration de principes.
Par rapport à la puissance américaine, les capacités militaires de la France se limitent à des capacités moyennes. En 2021, son budget de la défense s'élevait à 39,2 milliards d'euros et, pour 2022, s'élèvera à près de 41 milliards d'euros alors que chaque année le budget américain de la défense est de 705,4 milliards de dollars.
La dynamique du développement des relations bilatérales et transatlantiques, ainsi que la situation actuelle sur les marchés mondiaux de l'armement, ont un impact significatif sur la coopération militaro-technologique entre les Etats-Unis et la France. En 2020, 76 % des exportations mondiales d'armes provenaient des Etats-Unis, de la Russie, de la France, de l'Allemagne et de la Chine. La part de la France est passée à 8,2 % des exportations mondiales d'armes. Malgré la baisse à 4,9 milliards d'euros, l'exportation d'armes, dont le chasseur Rafale, vers le Moyen-Orient (48 % des approvisionnements), la région Asie-Pacifique (36 %), l'UE (25 %), elle a pu prendre la troisième place sur cette liste. En raison de la supériorité militaire des Etats-Unis, la France porte une attention particulière au marché de l'armement américain.
La part des Etats-Unis dans le volume total des exportations mondiales d'armes a atteint 37%. Des fournitures militaires d'une valeur de 175 milliards de dollars ont été vendues à 96 pays du Moyen-Orient (47 %), d'Asie-Pacifique et d'Océanie (32 %) et d'Europe occidentale (15 %). Les Etats-Unis sont le plus gros acheteur d'armes de la France qui essaie de ne pas dépendre des importations de systèmes de défense américains et continue de rechercher «l'autonomie stratégique», la coordination des politiques européennes d'approvisionnement en armement et le développement d'une défense industrielle et technologique européenne.
Paris achète souvent des armes américaines quand elles ne sont pas disponibles auprès de partenaires européens, comme c'est le cas avec le drone General Atomics MQ-9 Reaper. L'UE n'a que récemment trouvé un remplaçant. La livraison du projet de drone européen piloté par Airbus, MALE RPAS (pour Medium Altitude Long Endurance Remotely Piloted Aircraft System), est prévue entre 2028 et 2030.
Au vu des opportunités limitées et de la nécessité de moderniser les armes, Paris, malgré les déclarations d'Emmanuel Macron sur la «mort cérébrale» de l'Otan, s'intéresse aux armes et équipements militaires américains et de l'Otan. Depuis 2021, l'administration Biden construit un partenariat renouvelé entre les Etats-Unis et l'UE dans un contexte de confrontation avec les non-occidentaux. Il est, également, avantageux pour les Etats-Unis d'exporter des armes et des équipements militaires et de maintenir des liens avec les forces armées françaises professionnelles dans une situation instable. En raison de l'amélioration des armes, de l'introduction de l'intelligence artificielle et du renforcement du potentiel militaire de la Russie et de la Chine, la modernisation des troupes françaises sera exécutée de manière coordonnée.
Les principaux obstacles à la coopération militaro-technique. La coopération de défense entre les Etats-Unis et la France se développe, mais il y a des obstacles à son développement. Ainsi, il faut, par exemple, obtenir l'autorisation du Congrès américain pour vendre des armes américaines à des partenaires étrangers. La France a exprimé des allégations concernant l'imposition d'armes américaines via l'utilisation de l'article 5 de la Charte de l'Otan, le manque de fiabilité des logiciels, le retrait des Etats-Unis du Traité international sur le commerce des armes (TCA), ainsi que l'application des règles internationales sur le commerce des armes (ITAR) qui bloquent la revente d'armes. Parmi les revendications mutuelles, il y a aussi des accusations de protectionnisme, de fermeture du marché de la défense et de recours au lobbying.
La politique d'exportation de la France a été critiquée pour la vente d'armes dont l'utilisation a conduit à des violations des droits de l'homme, et le manque de contrôle parlementaire. Par exemple, l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis ont utilisé des armes françaises dans le conflit militaire au Yémen. La concurrence entre les Etats-Unis et la France, leaders dans la vente d'armes (OMC, avions de combat, sous-marins), au Moyen-Orient et en Afrique a une influence particulière sur la coopération militaro-technique.
Les Etats-Unis usent de pressions politiques et juridiques pour contraindre la France à cesser de fournir des armes, comme cela s'est produit avec les porte-hélicoptères Mistral à la Russie, les satellites Thales en Chine et les avions Rafale à l'Egypte. En raison du bas prix en 2014, les Emirats arabes unis ont préféré utiliser le chasseur multirôle Mirage 2000-9 au lieu de l'équivalent américain du F-16.
Parmi les catégories de haute technologie d'armes et d'équipements militaires américains demandées par l'armée française figurent l'électronique militaire,le système de lutte contre l'incendie, le laser, la visualisation, l'équipement de navigation, les aéronefs, les moteurs, les turbines et pièces détachées, les articles liés aux armes nucléaires, les missiles guidés et balistiques, roquettes, torpilles, bombes et mines. Les armes à feu, les munitions, les composants sont en demande.
Environ 56 % des exportations d'armes américaines vers l'Europe sont des avions de combat, y compris les F-35. Les avions de transport militaires américains sont en demande. Les entreprises américaines ont des avantages dans la production de moteurs et de composants pour les avions militaires et les drones. Les Européens sont obligés de les acheter car ils sont compatibles avec le logiciel américain intégré aux armes. Globalement, la France est répertoriée comme le 17e acheteur d'armes américaines. Il est aussi naturel que les Etats-Unis soient plus susceptibles d'importer des produits de défense de France.
Parmi les armes et équipements militaires demandés par les Etats-Unis, on note la conduite de tir, les systèmes d'alerte, les avions, les drones, les moteurs, les navires de guerre, les bombes, les torpilles, les missiles, les ogives, les engins explosifs, les équipements électroniques, les appareils spatiaux, les équipements de visualisation , les outils logiciels... La technologie des avions et des missiles a représenté 70 % des achats militaires. De plus, des armes automatiques à canon lisse, des munitions, un système de contrôle de missiles et des armes à énergie sont achetés.
La France essaie de ne pas importer de systèmes de défense américains car ses entreprises de défense sont engagées dans la production de leurs plateformes informatiques. En général, les Etats-Unis se classent au 7e rang dans la liste des principaux acheteurs de produits militaires. La balance commerciale de la défense est positive. Cela indique le caractère stable de la coopération militaro-technique entre la France et les Etats-Unis.
Pierre Duval
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