L'année 2021 a été productive pour la coopération militaire russo-chinoise. Malgré la pandémie qui perdure, la Russie et la Chine ont poursuivi et approfondi les formats d'interaction existants.
Il s'agit d'exercices navals, d'exercices de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), d'exercices de commandement stratégiques, de patrouilles de bombardiers. Une première patrouille conjointe de navires de guerre a été organisée, sachant que le groupe russo-chinois a démonstrativement navigué autour du Japon.
Dans l'optique d'une nouvelle guerre froide qui se déroule depuis plus de trois ans, la signification de telles manœuvres conjointes sort loin du cadre de la démonstration de la proximité des positions politiques. C'est un moyen de faire monter le prix de la confrontation pour l'adversaire tout en limitant ses propres frais.
Comme la guerre froide précédente, l'actuelle possède une importante composante militaro-économique. Le facteur économique joue un rôle déterminant, même s'il se manifeste d'une autre manière.
La part des dépenses militaires dans le PIB des grandes économies est largement inférieure aujourd'hui par rapport aux années 1980. Mais les réserves pour les augmenter sont également moindres. Les pays développés sont limités par des dettes publiques gigantesques qui s'accumulaient depuis l'ancienne guerre froide. Il est difficile pour la Russie d'augmenter ses dépenses militaires à cause de sa structure économique et de son système financier.
La Chine est la seule grande puissance disposant d'importantes réserves pour augmenter les dépenses militaires en chiffres réels. Mais même elle est réticente à les augmenter trop craignant une surcharge.
Pour l'instant, les États-Unis dépassent la Russie et la Chine réunies en termes de dépenses militaires et de la plupart des aspects de puissance militaire. Mais le temps joue contre eux. Le principal rival, la Chine, connaîtra dans un avenir prévisible une croissance économique plus rapide. Les forces américaines sont dispersées partout dans le monde, alors que les forces de la Russie et de la Chine sont concentrées en Europe et dans l'océan Pacifique.
Le déclin de plusieurs anciens secteurs industriels des États-Unis au cours des dernières décennies joue contre eux. Par exemple, la Chine est la plus grande puissance de construction navale, alors qu'aux États-Unis la construction navale civile a été pratiquement anéantie encore à la fin du XXe siècle.
Au final, avec des dépenses militaires moins élevées, la Chine renforce sa flotte militaire bien plus vite que les États-Unis, sachant que le retard technologique des Chinois sur les Américains s'est nettement réduit.
Il peut y avoir un accord d'alliance militaire entre la Russie et la Chine ou non, mais à l'étape actuelle cela ne change pas grand-chose. La nature de la coopération militaire, notamment l'ampleur et la profondeur des activités conjointes de formation militaire signifient que les États-Unis doivent tenir compte dans leur planification du potentiel militaire russe et chinois réuni.
Cela concerne aussi bien les scénarios liés aux conflits locaux dans l'océan Pacifique, par exemple autour de Taïwan, que les capacités d'actions coordonnées parallèles en Europe et en Asie.
La Russie et la Chine peuvent mener ce genre d'actions avec des frais minimaux, sans procéder à un déploiement coûteux de leurs forces loin de leurs frontières. Leur situation dans les régions étant les principaux théâtres d'opération du nouveau conflit devient leur avantage naturel.
Pour contrer les démarches russo-chinoises, les États-Unis doivent élargir leur présence avancée coûteuse en Asie, en essayant à la fois de créer une menace pour la Russie en Europe.
Pour continuer à le faire avec une ampleur grandissante, la Russie et la Chine n'ont absolument pas besoin d'un accord d'alliance. De tels accords conclus après la Seconde Guerre mondiale sont en réalité très flous du point de vue des engagements militaires.
Même dans l'Otan ce n'est pas une promesse d'"apporter une aide par une action immédiate qui sera jugée nécessaire, y compris l'usage de la force armée".
De tels accords jouent un rôle seulement dans la mesure où ils possèdent un contenu réel. Or ce dernier existe dans la coopération militaire russo-chinoise.
Vassili Kachine, politologue, orientaliste, expert du club Valdaï
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