Le président français, Emmanuel Macron, s'est opposé à la «punition» préparée par les Etats-Unis envers la Chine. Un boycott diplomatique des JO de Pékin lui paraît trop nuisible et trop clément. Cela reflète la position peu enviable du leader de la France moderne: il veut commettre des actes historiques, mais il n'a ni les ressources ni les qualités naturelles pour cela.
Le soi-disant boycott diplomatique des Jeux olympiques d'hiver de Pékin a été inventé à Washington à des fins américaines, mais comme s'il était rendu obligatoire pour l'ensemble du monde anglo-saxon. L'Australie et le Canada ont déjà rejoint l'action. Du côté du Royaume-Uni, Boris Johnson s'est, à nouveau, montré un homme politique hors du commun, ayant réussi à jouer le jeu «mi-figue mi-raisin».
Il a déclaré que Londres ne soutiendrait pas le «boycott sportif», mais n'enverrait pas de représentants du gouvernement aux Jeux. Et ceci, en fait, est un «boycott diplomatique». Seuls les Américains, les Australiens et les Canadiens le déclarent avec défi, et Johnson ne le signale que très poliment.
La réaction de Pékin en elle-même est intéressante: elle est dure, mais alliée à de l'humour. L'essentiel de ce que les officiels de la RPC ont dit, peut être résumé en deux points. D’une part, le porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian, n'a pas souhaité s'étendre, déclarant: «Les Etats-Unis paieront le prix de leur mauvais coup. Restez à l'écoute». Deuxièmement, comme l’indique France24, la Chine qualifie ce boycott de «fanfaronnade».
On a eu l'impression que Pékin craignait toujours que ses nombreux alliés ne se mettent à rejoindre le flash mob des anglo-saxons, et que l'enjeu de ces Jeux, extrêmement importants pour le président Xi Jinping, sera brouillée. Mais, il est force de constater que le large front occidental n'a jamais pris forme. La tactique d'un boycott diplomatique a, en fait, été ridiculisée par le président français, Emmanuel Macron, qui a déclaré jeudi 9 décembre 2021 que décider d’un boycott purement diplomatique mais pas sportif des Jeux olympiques d’hiver de Pékin serait une mesure «toute petite et symbolique».
Le président français a déclaré en conférence de presse: «Il faut être clair, soit on dit: on fait un boycott complet, on n’envoie pas d’athlètes, soit on dit on essaie de réengager les choses et d’avoir une œuvre, une action utile comme toujours à l’international»: «Je pense qu’il ne faut pas politiser ce sujet surtout si c’est pour prendre des mesures toutes petites et symboliques».
Le Parisien rappelle que «la dernière fois que les Etats-Unis ont boycotté complètement des Jeux olympiques, c’était en 1980, lors des Jeux de Moscou, alors que le président Jimmy Carter était en fonction». Il semble, donc, que le président français s'inspire de cette décision d'alors pour l'appliquer aujourd'hui.
Macron a raison. Dans cette situation, il dit ce qu'il doit dire en pensant aux intérêts nationaux de la France. Le paradoxe de la situation est que la France n'est plus ce qu'elle était, et à sa tête, il se trouve plus une victime des circonstances qu'un grand homme politique. Il est impossible d'argumenter avec le président français qu'il vaut mieux ne pas politiser le mouvement olympique car cela nuit aux athlètes. Pourtant, peu de gens réussissent à éviter la politisation et les compétitions sportives deviennent le reflet de l'affrontement entre les grandes puissances .
Cela s'est clairement manifesté lors de la dernière exacerbation de la première guerre froide au début des années 1980, lorsque Ronald Reagan a été élu président des Etats-Unis. Un boycott à grande échelle des Jeux olympiques est devenu un moyen légal de pression internationale. En 1980, en utilisant l'accusation contre l'URSS d'avoir envoyer des troupes soviétiques en Afghanistan, les Jeux de Moscou ont été boycottés par les Etats-Unis avec leurs alliés latino-américains (Argentine), asiatiques (Japon) et européens (l'Allemagne, la Norvège et la Turquie).
Le bloc pro-soviétique (à l'exception de la Roumanie, qui a finalement pris la deuxième place au classement des médailles) a répondu en ignorant les Jeux olympiques de Los Angeles de 1984.
Il faut remarquer que la Chine a boycotté les Jeux en URSS, mais pas les Jeux aux Etats-Unis. La France n'a boycotté aucun Jeux. Depuis lors, les boycotts à grande échelle, effectués par des puissances sportives importantes, n'ont pas du tout été pratiqués car trop coûteux.
Trahison des athlètes. C'est une façon extrêmement impopulaire de mener la politique étrangère, principalement vis-à-vis des athlètes. La médaille d'or olympique, pour eux, est la plus haute réalisation de carrière à laquelle chaque athlète aspire. Pour la plupart d'entre eux, l'opportunité même de remporter des médailles olympiques ne tombe que 2 à 3 fois dans leur vie. Ils prennent leur retraite tôt dans le sport. L'entraînement, la préparation aux compétitions demandent beaucoup d'efforts, de sueur et de larmes, souvent de l'argent. Les athlètes, qui ont été contraints de participer à des boycotts, se sont sentis trahis et se considéraient comme victimes de la lutte pour les intérêts d'autrui.
Dans la politique internationale des années 1970 et 1980, il y avait encore de l'ampleur et de la grandeur lorsque des décisions aussi impopulaires et douloureuses n'étaient prises que pour le plaisir d'un geste. Mais, personne d'autre n'est prêt à mettre en péril l'industrie sportive nationale de plusieurs milliards de dollars. Par conséquent, Joe Biden invente un boycott diplomatique doux, et Emmanuel Macron ridiculise cet échec, mais ne peut rien proposer de plus.
«Un coup de poignard dans le dos». En ne participant pas à l'aventure anglo-saxonne, la France conserve des restes d'estime de soi - compte tenu de la manière dont Washington, Londres et Canberra ont traité les Français lors de la création du bloc anti-chinois AUKUS. Ce qu'ils ont fait, alors avec l'industrie française de la Défense, a été qualifié de de «coup de poignard dans le dos». L'ambassadeur de France en Australie, Jean-Pierre Thébault, a déclaré que «c'est un coup de poignard dans le dos» dans les médias français, rajoutant aussi dans un entretien accordé à la radio publique australienne SBS: «Clairement, il y a eu tromperie, il y a eu infidélité et il y a eu absence de franchise».
Macron a des pieds trop petits pour les chaussures du général Charles de Gaulle. Emmanuel Macron ne peut pas faire ce que des présidents de la stature d’un de Gaulle ou du moins comme celle de François Mitterrand auraient pu faire. Ils verraient une «fenêtre d'opportunité» dans la confrontation entre l'Occident et Pékin et ils offriraient à la RPC une relation si particulière qui ferait perdre, certes, à la France une partie de l'Occident, mais qui en ferait un médiateur précieux pour l'Est.
Cependant, la France moderne n'est pas assez flexible pour de tels virages diplomatiques car trop attachée à l'Occident anglo-saxon pour jouer un jeu indépendant et défendre un intérêt particulier. Par conséquent, au lieu de commettre ses propres actions, Emmanuel Macron se plaint de la mesquinerie des actions des alliés ou des traîtres et il ne met pas les points évidents au devant de la scène.
Philippe Rosenthal
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