Le commandement américain examine les différents scénarios d'action en cas d'un conflit militaire entre les États-Unis et la Chine à cause de Taïwan.
Les militaires américains pourraient protéger Taïwan contre une attaque potentielle de la Chine si elle le demandait, a déclaré le général Mark Milley, président du Comité des chefs d'état-major interarmées des États-Unis. "Probablement pas à court terme, mais tout peut arriver", a-t-il ajouté en tenant un discours au 12e forum sur les problèmes de sécurité à l'Institut Aspen.
De telles conférences sont organisées chaque année par le Groupe stratégique de l'institut (Aspen Strategy Group) avec la participation d'hommes politiques, de personnalités publiques et militaires, d'experts et de journalistes américains et étrangers. Parmi les participant au forum organisé début novembre se trouvaient plusieurs responsables haut placés anciens et actuels de l'administration américaine ainsi que des généraux en charge de la stratégie militaire de Washington.
La conférence a été ouverte par le discours du président du Comité des chefs d'état-major interarmées des États-Unis. Mark Milley affirme que le monde d'aujourd'hui est potentiellement dangereux. Selon lui, les États-Unis entrent dans une guerre tripolaire entre les grandes puissances, faisant référence à l'Amérique, à la Russie et à la Chine. Et ils "devront être très prudents" dans les relations entre eux. "La communication coordonnée entre les grandes puissances deviendra une nécessité", a ajouté le général Milley.
Il est souvent reproché à ce dernier d'agir comme un homme politique et non comme un général. Mark Milley a déclaré il y a quelque temps que son supérieur, le président Trump, pouvait abuser de son pouvoir pour attaquer l'Iran. The Washington Post a fait remarquer à ce sujet que le général Milley "dépasse le cadre de son rôle de conseiller du président à la défense".
Les opposants à la retenue de Mark Milley vis-à-vis de la Chine rappellent qu'il avait téléphoné deux fois à son homologue chinois de crainte que Donald Trump puisse provoquer une guerre contre la Chine après sa défaite aux élections. Lors des entretiens téléphoniques, le général tentait d'assurer au chef d'état-major des forces armées chinoises Li Zuocheng que les États-Unis n'avaient pas l'intention d'attaquer, et qu'en cas d'attaque il avertirait préalablement son homologue, affirmait le communiqué.
En réalité, les généraux américains ne s'opposent pas à la Maison Blanche. Ils appellent le gouvernement à évaluer de manière réaliste le rapport des forces militaires qui a changé. Dans une interview au Washington Post, le général Clinton Hinote, chef adjoint de l'état-major de l'armée de l'air pour la stratégie, a reconnu à quel point les forces armées chinoises avaient accéléré le développement et la modernisation de l'arme hypersonique, de l'arsenal nucléaire, des forces navales et sous-marines de la flotte, de l'aviation stratégique. Le Pentagone et les renseignements avaient incorrectement évalué les forces armées chinoises.
Le vice-président du Comité des chefs d'état-major interarmées, le général John Hyten, a déclaré que "la rapidité du progrès (des Chinois) et leur trajectoire devanceront la Russie et les États-Unis". Le général a appelé à faire quelque chose pour l'empêcher.
John Hyten a déclaré que les États-Unis avaient organisé neuf essais hypersoniques en cinq ans, alors que "les Chinois en ont organisé des centaines". L'essai raté d'un prototype américain a confirmé le point de vue du général. Le Pentagone a perçu les essais ratés comme un échec dans la course à l'élaboration de l'arme hypersonique de pointe avec la Russie et la Chine.
En août 2021, selon les médias, la Chine a testé une arme hypersonique capable d'embarquer une ogive nucléaire. Ce missile serait théoriquement capable d'échapper à la défense antimissile américaine. Les représentants chinois affirment avoir testé des technologies à usage multiple des vaisseaux spatiaux.
Pendant le forum de sécurité d'Aspen, le général Milley a noté que les technologies hypersoniques n'étaient que l'un des domaines où la Chine avait fait des progrès considérables. Le Pentagone confirme que l'an dernier la Chine a mis en service le missile de moyenne portée DF-17, capable de lancer un planeur hypersonique.
Selon un rapport du Pentagone publié le 3 novembre, hormis le développement de missiles hypersoniques, la Chine élargit rapidement son arsenal nucléaire et, d'ici la fin de la décennie, il pourrait compter 1.000 ogives nucléaires. Le rapport a été publié quelques heures après le discours du général Milley sur l'analyse du progrès militaire de la Chine. À Aspen, Mark Milley a résumé son avis sur la Chine: "Il y a 40 ans, c'était une grande infanterie avec une base de paysans, principalement terrestre. Aujourd'hui, elle possède des capacités dans l'espace, dans le cyberespace, sur terre, en mer, dans les airs et sous l'eau."
D'après le général Milley, Pékin a lancé un défi à l'Amérique non seulement au niveau régional, mais aussi mondial: parmi les adversaires des États-Unis est apparu un pays qui "devient incroyablement puissant et veut revoir l'ordre mondial à son avantage".
Il faut avouer que la Chine n'a pas l'intention de suivre les règles de l'ordre mondial instauré par les Américains. Il ne fait également aucun doute que l'Amérique cherchera à lutter contre cela. La question réside dans l'éventualité d'un conflit armé. Les relations entre la Chine et Taïwan, qui s'est retrouvée au centre de la tension américano-chinoise grandissante, sont au plus bas. Le risque d'une confrontation militaire ne diminue pas.
Alexandre Lemoine
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