La catastrophe afghane a mis en évidence non seulement la dépendance des Européens de la puissance militaire américaine, mais également le peu d'attention accordée par l'Amérique aux souhaits de ses alliés de l'Otan.
Comme le souligne le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, l'Europe est capable de beaucoup de choses, mais pas de se protéger. C'est pourquoi il est nécessaire de réduire l'inégalité au sein de l'alliance militaire occidentale, sinon un jour les Etats-Unis pourraient y perdre tout intérêt.
Le secrétaire général de l'Otan doit prendre en considération les positions de tous les membres de l'Alliance, mais il doit écouter avant tout un seul pays, les Etats-Unis. Le Norvégien Jens Stoltenberg le faisait de manière inconditionnelle pour protéger l'Alliance contre le pire pendant la présidence de Donald Trump, indique l'auteur de l'article Daniel Brössler. Mais la finale catastrophique de la mission en Afghanistan a fait comprendre à M. Stoltenberg, qui représente tous les Européens à la fois, ce que signifie l'ancienne répartition des forces avec le nouveau président. Le patron de l'Otan aurait préféré rester à l'aéroport de Kaboul encore quelques jours, mais sa volonté n'avait aucune importance en l'occurrence.
Comme l'ont montré les attentats de jeudi faisant un grand nombre de morts, l'évacuation de Kaboul devient de plus en plus dangereuse, et au final elle s'est avérée trop dangereuse.
"Aucun membre de l'Otan n'aurait fait le moindre pas sans la directive des Etats-Unis. Il est devenu clair que la volonté de l'Allemagne, de la France et de la Grande-Bretagne avait une importance secondaire dans le cadre du retrait des forces", souligne le quotidien allemand.
C'est une expérience horrible et douloureuse, mais pas nouvelle. En 2017 déjà, pendant la campagne électorale à l'époque, la chancelière allemande Angela Merkel a déclaré que l'époque quand il était possible de compter sur les autres était révolue. Et de conclure que les Européens devaient désormais prendre en main leur propre destin.
L'Amérique a commencé à tourner le dos à l'Europe encore à l'époque du démocrate Barack Obama, et cette tendance se poursuivra avec le démocrate Joe Biden, affirme l'auteur de l'article. Les facteurs décisifs seront la rivalité avec les Etats-Unis et la réticence profonde des Etats-Unis à jouer le rôle ingrat et épuisant du gendarme du monde. Cette nouvelle réalité a déjà significativement changé le monde. Ce qui est resté comme avant, dans plusieurs sens du terme, c'est l'Otan, écrit le Süddeutsche Zeitung.
Il suffit de voir les chiffres. Bien que ces derniers années l'Allemagne et d'autres pays européens aient nettement augmenté leurs dépenses pour la défense, les Etats-Unis dépensent à eux seuls pour les besoins militaires plus du double par rapport à tous les autres alliés réunis. Peu de choses ont également changé dans la répartition des capacités militaires. Cette inégalité n'était pas un très grand problème tant que l'Otan était jugée équitablement utile des deux côtés de l'Atlantique.
La tentative ratée de rétablir l'Etat afghan restera pendant encore longtemps en travers de la gorge pour les autorités allemandes. Néanmoins, ces dernières seront également contraintes de protéger l'Europe contre la menace terroriste à proximité immédiate. C'est ce qui se passe déjà et se passera à terme avec une participation de plus en plus réduite des Etats-Unis. Au Mali, le nouvel endroit le plus dangereux pour la mission du Bundeswehr, le rôle principal revient aux Français. L'UE prend également progressivement conscience de sa responsabilité.
L'Europe est capable de bien des choses, mais elle ne peut pas se protéger. C'est pourquoi seulement deux choix s'offrent à l'UE: la foi que, par exemple, le président russe Vladimir Poutine poursuit des objectifs purement pacifiques ou que l'Otan défendra efficacement les territoires des alliés. La seconde option est réaliste seulement en s'appuyant sur la puissance militaire des Etats-Unis.
C'est pourquoi il est nécessaire de réduire l'inégalité qui existait au sein de l'Otan depuis le début, conclut Süddeutsche Zeitung. Le plus grand danger pour les Européens ce n'est pas que les Etats-Unis avancent des exigences excessives envers eux, mais qu'un jour ils cessent d'exiger quoi que ce soit.
Daniel Brössler
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