D'après la presse américaine, le prochain secrétaire général de l'Otan sera une femme d'Europe de l'Est. On ignore encore qui sera le successeur du Norvégien Jens Stoltenberg. Il devrait être présenté au sommet de l'Otan à Madrid à la fin du printemps ou au début de l'été 2022.
Le média Politico est fiable. Ses pronostics se réalisent souvent et de nombreuses sources du milieu gouvernemental des Etats-Unis et d'autres pays s'avèrent être des personnes informées et compétentes.
En revanche, aucune source n'est nécessaire pour supposer ce qui est présenté par Politico comme un scoop. Oui, c'est certainement une femme qui deviendra en automne 2022 secrétaire générale de l'Otan. Très probablement d'Europe de l'Est.
Trois candidates sont mentionnées: l'ancienne présidente croate Kolinda Grabar-Kitarovic, l'ancienne présidente lituanienne Dalia Grybauskaite et la président estonienne sortante (en août) Kersti Kaljulaid.
Cette dernière a connu un parcours politique particulier, de membre du parti nationaliste à présidente, qui a temporairement déménagé à Tartu pour mieux se familiariser avec la vie des citoyens russes et s'est rendue en visite en Russie quand les pays baltes prônaient un "boycott total de Moscou". Mais cela n'a aucune importance parce que la présidente estonienne ne possède pas les compétences nécessaires pour diriger l'Otan. Elle est à proprement parler une comptable qui peut être appelée dans l'Alliance pour optimiser le budget quand il n'y a rien à faire en temps de paix. Avant de devenir présidente en octobre 2016, elle a travaillé pendant 12 ans en tant que représentante de l'Estonie à la Cour des comptes européenne.
De son côté, Kersti Kaljulaid, qui ne compte plus sur sa réélection (le flirt avec les Russes ne lui a pas permis de renforcer ses positions politiques), voit son avenir dans le travail "dans sa spécialité" – secrétaire général de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) regroupant les pays occidentaux et leurs alliés asiatiques.
Deux autres candidates présumées conviendront au siège (pas de Bruxelles, de Washington) dans une bien plus grande mesure au vu de leurs compétences professionnelles. Kolinda Grabar-Kitarovic et Dalia Grybauskaite ont beaucoup de points communs: les deux ont représenté leur pays aux Etats-Unis, les deux ont travaillé au ministère des Affaires étrangères en période de leur intégration atlantique, les deux sont issues d'"incubateurs" américains: des programmes éducatifs destinés à former les élites dans les nouveaux Etats européens. On peut donc dire que les deux sont faites pour ce travail.
Mais il existe également entre elle une différence notable.
En période de sa présidence Dalia Grybauskaite s'est montrée comme une politique puissante et battante, dont l'influence allait bien au-delà des pouvoirs modestes de président lituanien. C'est sous sa présidence et grâce à ses efforts que Vilnius est devenu la capitale la plus russophobe de l'Europe, le plus fervent adversaire de Moscou au sein de l'UE.
"Peut-être que l'objectif principal de Grybauskaite pendant sa dernière année de présidence est la guerre contre la Russie", a supposé un jour le député lituanien Petras Gražulis du parti Ordre et Justice.
Il est possible de s'attendre à quelque chose de similaire de la part de Kolinda Grabar-Kitarovic. Elle représentait le parti nationaliste, sous le pouvoir duquel a eu lieu une guerre, l'opération Tempête et la chute de la République serbe de Krajina.
Etonnamment, la Russie se souvient d'une tout autre Kolinda Grabar-Kitarovic. D'une femme énergique et charmante venue en Russie pour la Coupe du monde de football de 2018. Les politologues se souviennent d'elle comme d'une dirigeante qui appelait l'Occident à normaliser les relations avec Moscou, qui qualifiait la Russie de "force mondiale".
C'est une sorte d'anti-Grybauskaite qui a décidé de ne pas aller contre les sentiments majoritairement russophiles de sa population mais d'utiliser les relations avec la Russie comme une fenêtre d'opportunités pour une coopération avantageuse.
Kolinda Grabar-Kitarovic peut se vanter de l'un des CV les plus impressionnants parmi les futurs dirigeants potentiels de l'Otan, étant à la fois ministre de l'Europe et ministre des Affaires étrangères de la Croatie. Elle a joué un rôle important dans l'examen réussi des demandes du pays pour adhérer à l'UE et à l'Otan. Elle a également été ambassadrice aux Etats-Unis de 2008 à 2011, ce qui lui a assuré des relations solides à Washington, ce qui aura une importance déterminante pour la décision de l'Otan.
Pendant son séminaire pour l'Université américaine Kolinda Grabar-Kitarovic a montré sa capacité de répéter les banalités pro-otaniennes de Jens Stoltenberg qui lui ont valu la réputation de communication disciplinée même sur fond de bruit provoqué par l'ex-président américain Donald Trump.
"Il est très important de noter que l'Otan n'est pas une simple alliance militaire, c'est une alliance politique, ainsi qu'une alliance de valeurs", a déclaré Kolinda Grabar-Kitarovic à ses auditeurs. "Il existe dans l'Otan une identité démocratique commune."
Alexandre Lemoine
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