Selon certaines informations, les diplomates français et arméniens tiennent des réunions intensives à Erevan, Paris et New York, où se trouve le siège de l'Onu, afin d'essayer de délégitimer la déclaration de cessez-le-feu trilatérale au Haut-Karabakh conclue le 9 novembre 2020.
Il faut préciser de nouveau que cette déclaration de cessez-le-feu a été signée par le président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, le président russe, Vladimir Poutine et le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian. En fait, cet accord en date du 9 novembre 2020 a arrêté la guerre dans la région. Cependant, l'une des trois parties, qui ont signé ce précieux document diplomatique, semble avoir d'autres intérêts aujourd'hui.
Selon des données officieuses, le président français, Emanuel Macron, et le Premier ministre arménien par intérim, Nikol Pachinian, envisagent la possibilité d'adopter un nouveau plan proposant une révision de la précédente résolution du Conseil de sécurité de l'Onu sur la situation au Haut-Karabakh. Si cette information est confirmée, à l'avenir une telle démarche pourrait avoir de graves conséquences pour l'ensemble de la politique mondiale.
Peut-être que Paris, en adoptant une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l'Onu, veut créer un statu quo, où souhaite jouer le rôle du premier violon. De plus, selon ce projet, il est possible qu'il soit envisagé, non seulement d'introduire des troupes françaises dans le Caucase du Sud, mais également de les déployer le long de la frontière arméno-azerbaïdjanaise, mais aussi d'entrer au Karabakh. Il n'est pas difficile de prédire ce qui pourrait arriver par la suite. En outre, la question peut se poser si d'autres Etats de l'UE ne voudraient-ils pas suivre l'armée française?
En effet, le 17 juillet 2021, le président du Conseil européen [le président de l'UE], Charles Michel, a rencontré Nikol Pachinian et déclaré à Erevan: «J'ai un message important à faire passer devant vous et avec vous pour confirmer la décision de l'UE de mobiliser un paquet financier sans précédent: 2,6 milliards d'euros pour soutenir les priorités de l'Arménie. Et vous, Monsieur le Président, vous avez eu l'occasion d'évoquer les priorités sur la base desquelles vos services coopéreront avec les équipes de l'UE afin que ces fonds ne restent pas de nature purement virtuelle ou théorique, mais se traduisent le plus rapidement possible possible en projets spécifiques pour soutenir les ambitions des autorités arméniennes dans les différents secteurs: infrastructures, ambitions dans les domaines du numérique, du climat et des transports, ou des efforts pour poursuivre l'agenda des réformes démocratiques pour améliorer la gouvernance et assurer une plus grande capacité et l'efficacité et ainsi satisfaire les aspirations des citoyens arméniens».
Charles Michel a fait connaître l'ambition stratégique de l'UE dans cette région: «Une autre raison de ma présence ici en Arménie – et, plus généralement, dans cette région dans son ensemble (demain je serai en Azerbaïdjan, et lundi en Géorgie) – est de démontrer l'engagement de l'UE envers le Caucase du Sud». Le mot a été donné: «démontrer l'engagement de l'UE envers le Caucase du Sud».
Sa déclaration a, donc, été effectuée après la mise en bouche du 13 mai et du 2 juin 2021. L'UE veut clairement intervenir dans l'accord obtenu par Moscou car le président de l'UE a déclaré: «Le deuxième point est la délimitation des frontières contestées. A ce sujet, nous espérons qu'il sera possible d'engager un processus de dialogue et de négociation. Et une fois le dialogue ou la négociation instauré, il serait avantageux, selon nous, de pouvoir retirer les troupes des zones contestées afin d'assurer un sentiment de calme et de sang-froid lors des discussions sur la délimitation des frontières».
On peut se demander pourquoi l'UE ne demande pas l'avis de Moscou? En tout cas, tout cela intervient après la rencontre de Nikol Pachinian avec un président français qui se tient en embuscade derrière le rideau diplomatique. Il faut lire entre les lignes pour comprendre l'investissement militaire annoncée de la bouche de Nikol Pachinian et de la France pour défendre l'Arménie.
Emmanuel Macron a soutenu l’Arménie en arménien le 13 mai 2021 en publiant un message en arménien sur Facebook où il a exprimé son soutien au peuple de ce pays en relation avec la situation à Syunik. Puis, lors de la visite de Nikol Pachinian à Paris le 1 juin 2021, il a déclaré que «les troupes azerbaïdjanaises doivent quitter le territoire souverain de l'Arménie», intervenant, ainsi, dans l'accord mené par Moscou. «Nous sommes solidaires de l'Arménie et nous le resterons. La France est déterminée à ce que la paix revienne dans la région», a martelé Emmanuel Macron. Nikol Pachinian a, lui, souligné l'importance de la France «comme un des co-présidents du groupe de Minsk comme essentiel dans la résolution du conflit dans le Haut-Karabakh et pour avoir une responsabilité particulière pour défendre la sécurité dans la région». Et, La sécurité d'une région se défend par la force armée.
Il est possible que la France veuille ainsi faire de l'Arménie son avant-poste géopolitique personnel dans la région transcaucasienne. Les ambitions de la France sont compréhensibles. Apparemment, l'issue du 19 novembre 2020 concernant la guerre du Haut-Karabakh et l'accord tripartite conclu, en grande partie grâce aux efforts de Vladimir Poutine, n'ont pas satisfait les prétentions d'Emanuel Macron. Toute cette agitation venant de l'Elysée ne paraît être qu'une tentative de retour dans la région et d'y prendre pied. La Russie, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'Onu, a le droit d'opposer son veto à toutes les résolutions, en particulier celles qui peuvent, d'une manière ou d'une autre, affecter ses propres intérêts. Après tout, après le Haut-Karabakh, le tour de la Crimée pourrait venir.
Il est clair que dans ce grand jeu stratégique, le Premier ministre arménien ne peut servir que de pion de négociation sur le terrain de la grande politique. On sait comment les pièces principales se retrouvent avec de tels pions sur le grand échiquier diplomatique.
Olivier Renault
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