La possession de territoires d'outre-mer permet à Paris de projeter son influence sur les régions de l'océan mondial et de bénéficier du statut de puissance maritime.
Dans la dimension stratégique cette politique possède trois vecteurs – atlantique, pacifique et antarctique. Le vecteur atlantique englobe territorialement la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et d'autres possessions françaises plus petites dans le bassin Atlantique, et il est le moins manifeste. C'est dû au fait que ces territoires se trouvent dans la sphère d'influence des Etats-Unis – principal allié non-européen de la France de l'Otan.
Le vecteur pacifique est l'axe prioritaire de la diplomatie française eu égard aux ambitions grandissantes de l'Inde et de la Chine. Il inclut la Polynésie française, la Nouvelle Calédonie et d'autres. La possession de ces îles transforme la France en puissance du Pacifique et donne le droit de participer à la vie politique, économique et culturelle de la région.
Le vecteur antarctique (les territoires du Sud) n'était prioritaire jusqu'à récemment, mais cela change progressivement au vu de la concurrence de plus en plus active entre les puissances mondiales pour les latitudes du Nord – l'Arctique et l'Antarctique. A terme ce vecteur deviendra de plus en plus important pour la France.
A ce vecteur antarctique s'ajoutent les efforts de Paris visant à renforcer sa présence en Arctique. En l'occurrence l'Antarctique et l'Arctique sont deux pôles interconnectés dans le contexte de la politique française d'outre-mer. Mais contrairement à l'Antarctique, la France n'a aucune possession en Arctique.
Paris cherche à y renforcer sa présence par le biais de recherches scientifiques, la participation aux missions et aux exercices de l'Otan et l'actualisation de l'attention sur l'image culturelle et politique de la région (50% de la population des régions arctiques sont des habitants de l'UE). Un terme concret a fait son apparition – la région euro-arctique. Elle inclut la Norvège, le Danemark, la Suède, la Finlande et l'Islande. Le niveau de sa présence dans la région dépend de l'envergure de la coopération de la France avec ces Etats.
Mais afin de s'appuyer sur l'idéologie de l'européisme et sa culture la France a elle-même besoin d'accéder au leadership culturel et politique au sein de l'UE. Les dernières initiatives de Paris, à savoir les mesures visant à renforcer le statut international du français et la popularisation de la culture française à l'étranger, sont précisément destinées à ces fins et doivent être considérées dans l'ensemble avec toutes les démarches de Paris en politique étrangère.
Le renforcement du potentiel militaire en Arctique fait également partie des projets de la France car un conflit hypothétique dans la région impacterait indirectement ses intérêts en tant que membre de l'Otan, de l'UE et puissance nucléaire. L'année 2048 marquera un tournant, c'est la date d'expiration du traité de l'Arctique qui prévoit la démilitarisation de l'Arctique et son exploitation à des fins internationales pacifiques. C'est alors que la coopération avec les pays arctiques dans le cadre de ce traité, ainsi que du Conseil de l'Arctique deviendra le principal instrument diplomatique pour Paris.
La France souhaite obtenir une position plus influente au Conseil de l'Arctique que le statut d'observateur, ce pour quoi il faudrait priver les pays membres du conseil du monopole de la prise des décisions clés. A cet égard, dans sa politique actuelle la France présente l'Arctique comme une région d'intérêts globaux, et non nationaux, et prône l'élargissement du format de la coopération avec les pays en dehors de la région (la Chine, l'Italie, l'Allemagne, la Corée du Sud et d'autres).
Mais pour ce faire Paris devra "déjouer" diplomatiquement les membres du Conseil de l'Arctique, notamment ses alliés – le Canada, les Etats-Unis et les pays scandinaves. Paris manquera certainement de ressources diplomatiques pour atteindre cet objectif à court terme.
L'admission de la participation d'un plus grand nombre d'acteurs dans la région est due au statut de la France elle-même en tant qu'Etat "circumarctique". Plus d'acteurs ayant un tel statut participeront à la vie de la région, plus grande sera la probabilité de leur union en alliances situationnelles pour promouvoir leurs propres intérêts face aux Etats arctiques.
Pour la même raison la France défend l'idée de la participation collective de l'UE aux affaires de l'Arctique sans séparation en groupes d'Etats. Ces dernières années l'UE a investi des millions d'euros dans l'Arctique, et à l'heure actuelle Paris s'efforce de coordonner sa politique nationale dans la région avec la politique européenne. Dans l'ensemble, cela ne suscitera probablement aucune complication parce que les intérêts de Paris et de Bruxelles coïncident en grande partie en Arctique.
L'Arctique et l'Antarctique sont intéressants pour la France également d'un point de vue économique. La zone économique exclusive de la France s'étend sur 11 millions de km² dans l'océan mondial, dont 62% dans le Pacifique et 24% dans l'océan Indien. Le contrôle des itinéraires maritimes arctiques pour les importations et les exportations de produits depuis la France et l'accès aux minerais arctiques pourraient rapporter de sérieux dividendes à l'économie française.
Les actions de Paris en Arctique et en Antarctique ne peuvent pas être qualifiées d'agressives. Paris mène plutôt une politique qui repose sur le principe de multipolarité et de reconnaissance du droit de vote de l'ensemble des Etats, et pas seulement des poids lourds mondiaux en la personne des Etats-Unis, du Canada et de l'UE. Ce qui fait de la France un partenaire disposé à l'entente et prévisible dans une certaine mesure.