Dès à présent, dans les années 2020, l'humanité sera confrontée aux problèmes, dont trois représentent une menace réelle pour son existence, affirme le futurologue Yuval Noah Harari.
Pendant le Forum économique mondial, en janvier 2020, l'historien, futurologue et professeur d'histoire à l'université hébraïque de Jérusalem, Yuval Noah Harari, a décrit trois défis qui menacent l'humanité en tant qu'espèce:
- la guerre nucléaire;
- la crise écologique;
- la force destructive des technologies.
Si les deux premières sont plus ou moins familières et connues, les conséquences potentielles de la dernière devront encore être analysées, indique M. Harari. Les technologies, outre leur utilité évidente, comportent de nombreux risques. Dans ses prédictions l'écrivain futurologue s'est focalisé sur ces derniers, en pointant cinq problèmes potentiels.
1. La classe inutile
L'automatisation supprimera prochainement des millions de spécialités. Bien évidemment, de nouveaux métiers les remplaceront, mais on ignore pour l'instant si les individus seront capables d'acquérir les compétences nécessaires. Supposons que vous avez 50 ans et vous venez de perdre votre emploi à cause des drones. À présent il est possible de devenir développeur de logiciels ou instructeur de yoga. Mais est-ce qu'un chauffeur de camion de 50 ans peut se reconvertir pour devenir un spécialiste? Et il ne faudra pas se reconvertir une ou deux fois, mais tout au long de sa vie.
Si par le passé l'homme devait se battre contre l'exploitation, au XXIe siècle cette bataille sera menée contre l'inutilité. Et il sera bien pire de se retrouver "sur la touche" que d'être exploité. Ceux qui échoueront dans cette bataille feront partie de "la classe inutile" du point de vue du système économique et politique.
2. L'inégalité entre les pays
Nous nous trouvons en pleine "course aux armements" dans tout ce qui concerne l'intelligence artificielle (IA). Aujourd'hui, la Chine et les Etats-Unis y sont en tête, largement devant les autres pays. Sans répartir les capacités et les résultats apportés par l'IA entre tous les individus, une immense richesse sera concentrée seulement dans certains centres high-tech, alors que les autres Etats soit feront faillite, soit deviendront des colonies numériques exploitées.
Imaginez ce qui arrivera aux économies émergentes si la production du textile ou des voitures coûtait moins chère en Californie qu'au Mexique? Et qu'arrivera-t-il si dans 20 ans quelqu'un à San Francisco ou à Pékin connaissait toutes les données personnelles sur chaque homme politique, juge et journaliste de votre pays? Le pays serait-il encore indépendant ou deviendrait-il une colonie numérique? Quand vous possédez suffisamment d'informations, pas besoin d'envoyer des soldats pour contrôler un Etat.
3. La dictature numérique
Un contrôle inégal des données peut conduire à des dictatures numériques. Ce danger peut être formulé sous la forme d'une équation: B x C x D = AHH. Où B sont les connaissances biologiques (biological knowledge), C représente les performances d'ordinateur (computing power), D sont les données (data), et AHH – la capacité de "hacker" les humains (ability to hack humans).
En possédant toutes les inconnues dans la partie gauche de l'équation il est possible de hacker le corps, le cerveau et la conscience de tout individu, ainsi que de le comprendre mieux que lui-même. Il sera possible de connaître son type de personnalité, les opinions politiques, les faiblesses, les peurs les plus enfouies et les espoirs. Un système qui nous comprend mieux que nous-mêmes peut prédire nos ressentis et nos décisions, les manipuler et au final prendre des décisions à notre place.
Certes, l'habilité de hacker un individu peut être bénéfique et servir, par exemple, à améliorer le système de la santé. Mais si un tel pouvoir tombait entre de mauvaises mains, cela déboucherait sur le plus terrible régime totalitaire dans l'histoire de l'humanité.
4. Sous le contrôle des algorithmes
Etant donné que les gens laisseront de plus en plus souvent l'IA la possibilité de prendre des décisions à leur place, le pouvoir passera des gens aux algorithmes. Et cela se produit déjà.
Aujourd'hui, des milliards de gens font confiance aux algorithmes de Facebook, de Google, de Netflix, d'Amazon et d'Alibaba, qui suggèrent ce qu'il faut lire, regarder, acheter et même croire. Bientôt de tels algorithmes nous diront où travailler, qui épouser, et aux compagnies – s'il faut nous engager ou nous accorder un prêt. D'où la question: quel est alors le sens de l'existence humaine si la plupart des décisions sont prises par des ordinateurs? Les gens pourraient simplement perdre le contrôle de leur vie.
5. La destruction de l'humanité
Les technologies peuvent détruire non seulement l'économie, la politique et la philosophie de la vie, mais également notre dispositif biologique.
Dans les décennies à venir l'IA et les biotechnologies nous apporteront des capacités incroyables, notamment la création artificielle d'humains et de formes de vie complètement nouvelles. Les gouvernements, les corporations et les militaires pourraient utiliser ces capacités pour améliorer les aptitudes humaines telles que l'intellect et la discipline, tout en négligeant d'autres qui ne sont pas indispensables pour leur mission, en créant des individus dépourvus de compassion ou d'émotions morales.
A l'heure actuelle, nous vivons dans un monde où moins de gens meurent d'une guerre que d'un suicide, où la poudre est bien moins dangereuse que le sucre. Nous sommes tellement habitués à cette situation que nous la prenons allant de soi. Et au lieu de renforcer l'ordre mondial fragile, de nombreux pays le négligent et même le sapent délibérément. Désormais l'ordre mondial ressemble à une maison dont les habitants n'entretiennent rien. Elle peut tenir encore quelques années, mais en continuant ainsi elle s'effondrera, et le monde se retrouvera de nouveau dans la jungle d'une guerre générale, avertit M. Harari.
Bien évidemment, ce n'est pas un verdict, seulement des scénarios d'évolution. Tout processus peut changer, et les technologies peuvent être utilisées à des fins bénéfiques. Nous pouvons encore influer sur l'aspect du monde futur, ce qui nécessite une coopération internationale. Parce que dans une situation avec les menaces globales énumérées peu importe qui gagnera – c'est l'humanité qui sera perdante.