L'explication du président français sur l'Otan en état de «mort cérébrale» fait des vagues dans les rangs des responsables politiques en Europe, aux Etats-Unis ainsi que dans les pages des média. Cependant une autre réalité semble se dessiner au loin, une réalité stratégique. Le président américain semble avoir murmuré au creux de l'oreille du président français ce qu'il fallait dire juste avant la grande rencontre du sommet de l'Alliance atlantique des 3 et 4 décembre.
«Je comprends votre désir d'une politique perturbatrice», a déclaré Mme Merkel au président français quand celui-ci venait de terminer un entretien sur sa déclaration de «mort cérébrale» de l'Otan le jour de la cérémonie des trente ans de la chute du mur de Berlin. «Mais je suis fatigué de ramasser les morceaux. Encore et encore, je dois coller ensemble les tasses que vous avez cassées pour que nous puissions ensuite nous asseoir et prendre une tasse de thé ensemble» a lancé Angela Merkel, simplement fatiguée de voir un président français qui apparemment semble vouloir faire sauter l'Otan. Les média parlent d'un conflit entre Paris et Berlin.
Il y a la rencontre Macron-Stoltenberg avant le sommet Otan de Londres. Mais il y a eu la rencontre avec Donald Trump à la Maison Blanche ce jeudi 14 novembre 2019 avec le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, qui a souligné, comme l'écrit le site de l'Otan, l’augmentation - plus de 100 milliards de dollars supplémentaires ces dernières années - des investissements de défense dans les pays européens de l’Alliance et au Canada, ajoutant que les Alliés étaient déterminés à maintenir cette dynamique.
La ministre allemande de la défense Annegret Kramp-Karrenbauer, CDU, a annoncé une très forte augmentation des dépenses pour l'Otan: «AKK annonce des dépenses record pour la défense de l' Otan»; «Les dépenses militaires pour l'Otan devraient augmenter de 17% en deux ans» titrait la presse allemande rien que ce 25 novembre.
Dans l'interview à The Economist publiée début novembre, Emmanuel Macron avait décrit un Otan en état de «mort cérébrale», des propos qui provoqent une onde de choc et qui ont relancé le débat sur le devenir et la finalité stratégique de l'organisation, déjà sous le coup des critiques répétées de Donald Trump. Justement, Trump a lancé la réforme de l'Otan et semble utiliser le président français comme son VRP (vendeur, représentant et placier). Fallait-il brusquer les membres de l'Otan comme à l'exemple de Berlin pour les inciter à augmenter leurs dépenses au profit de l'Otan et obtenir leur assurance de leur fidélité ? Emmanuel Macron aurait-il joué «la petite main» du président américain pour justement consolider l'Otan? Varsovie, ou d'autres membres de l'Otan ont dénoncé les propos du président français. Des propos qui paraissent être simplement le jeu d'une communication mise au point entre la Maison Blanche et L'Elysée.
Donald Trump a fait savoir sa colère de voir les membres de l'Otan ne pas donner assez d'argent. Dans le magazine Newsweek du 22 novembre on apprend qu'un proche du président américain a révélé dans la rédaction d'un livre que ce dernier voulait quitter l'Otan car selon cet informateur, Donald Trump affirmait que les Etats-Unis «se font violer» par ses alliés et sont poussés à abandonner l'accord. La rencontre entre le secrétaire général de l’ Otan, Jens Stoltenberg et Donald Trump du 14 novembre dernier et la toute récente décision de Berlin d'augmenter fortement ses dépenses pour financer l'Otan semblent reléguer «le coup de gueule» du président français sur l'Otan à celui d'un tour de passe passe pour pousser surtout Berlin à augmenter ses dépenses et à consolider la présence des autres membres de l'Alliance. Qui pourrait imaginer un Emmanuel Macron en chevalier blanc menant une guerre solitaire contre l'Otan?
Jean-Etienne de Laroche