Dimanche dernier, le président américain Donald Trump a annoncé l'élimination dans la province syrienne d'Idleb du leader du groupe terroriste Daech Abou Bakr al-Baghdadi. "Les Etats-Unis ont traduit en justice le terroriste numéro 1. Abou Bakr al-Baghdadi est mort", a-t-il déclaré en direct à la télévision américaine.
D'après le dirigeant américain, samedi 26 octobre, les forces spéciales ont mené une opération "dangereuse et audacieuse" au Nord-Est de la Syrie et ont éliminé un grand nombre de terroristes de Daech et son chef al-Baghdadi. Il a également évoqué les détails de l'élimination de ce dernier. Le leader terroriste aurait tenté de se réfugier dans un tunnel souterrain conduisant dans une impasse et s'est suicidé avec une ceinture explosive. Son corps a été complètement mutilé. Néanmoins, Abou Bakr al-Baghdadi a pu "être rapidement identifié avec précision", a déclaré le dirigeant américain, qui a affirmé avoir suivi en direct cette opération spéciale depuis la Maison blanche.
A noter que dans son allocution le président américain a remercié la Russie, la Turquie et l'Irak pour leur aide dans l'élimination d'al-Baghdadi. Avec une gratitude particulière pour la Russie. Selon lui, Moscou "s'est très bien comporté" en laissant les hélicoptères américains traverser le territoire syrien sous son contrôle. Et d'ajouter que la Russie ignorait quelle était la mission exacte des Etats-Unis.
Toutefois, Moscou doute que le terroriste numéro 1 soit éliminé. Le porte-parole du président russe Dmitri Peskov a suggéré de se référer à l'information du ministère russe de la Défense. Or ce dernier a déclaré ne pas disposer d'informations sûres sur le déroulement d'une opération américaine à Idleb pour une nouvelle "élimination" d'al-Baghdadi. Le ministère a également précisé qu'il n'était au courant d'aucune contribution au survol de l'espace aérien syrien par les militaires américains. A cet égard, la Russie a appelé les Etats-Unis à apporter des preuves directes de l'élimination du chef de Daech.
Rappelons qu'Abou Bakr al-Baghdadi s'est fait connaître en 2014 quand il a proclamé dans la ville de Mossoul capturée par Daech un "califat islamique" du Moyen-Orient. Depuis, les médias ont rapporté plusieurs fois son élimination, sans pouvoir le confirmer par la suite. Et voici que cela semble enfin s'être produit. Sinon, le président américain n'aurait probablement pas fait une déclaration aussi importante concernant l'élimination d'al-Baghdadi. Toutefois des questions demeurent encore dans cette affaire.
Le politologue syrien Ahmed al-Derzi a exprimé sa version des faits. D'après lui, Washington aurait effectivement pu tuer le chef de Daech, mais il aurait également pu le cacher pendant un certain temps afin de le placer ensuite à la tête d'un nouveau groupe, comme ce fut déjà le cas avec d'autres leaders terroristes. Selon l'expert, la plupart des mouvements politiques islamiques apparus au XXe siècle sont subordonnés à l'agenda américain. "C'est pourquoi nous ne pouvons pas compter sur la véracité des déclarations des Etats-Unis qu'ils ont éliminé al-Baghdadi, car il est leur créature. S'ils l'ont tué, c'est une pratique habituelle dans la politique américaine – ils n'ont ni alliés ni amis", a noté Ahmed al-Derzi.
Quoi qu'il en soit, il est parfaitement évident que l'annonce de la mort d'al-Baghdadi pourrait être utilisée par Donald Trump comme un atout supplémentaire de son "activité réussie" sur la scène internationale dans le cadre de la campagne électorale de 2020 qui se déroule déjà. Donald Trump a besoin d'une "petite guerre victorieuse" dans son combat contre les candidats démocrates. Il a échoué en Afghanistan, en Irak et en Syrie. C'est pourquoi a été manifestement organisée l'opération pour éliminer al-Baghdadi. Et ce procédé n'a rien de nouveau. La même chose a été faite par son prédécesseur Barack Obama. Le 2 mai 2011, les forces spéciales américaines ont tué à Abbottabad (Pakistan) le chef d'Al-Qaïda Oussama ben Laden. Cette élimination était un événement majeur pendant le premier mandat d'Obama et avait largement contribué à sa réélection en 2012.
Aucune preuve tangible de la mort d'al-Baghdadi n'a encore été apportée. Mais on voudrait croire que le leader de Daech a enfin été tué. Si c'est effectivement le cas, cela devrait affaiblir significativement ce groupe terroriste et saper le moral de ses combattants. En même temps, il convient de rappeler qu'avec l'éventuelle élimination d'al-Baghdadi la lutte contre le terrorisme international n'est pas terminée.