Le 3 octobre Mickaël Harpon, converti à islam, fréquentant une mosquée salafiste de Gonesse, travaillant dans un service très sensible de la police, a massacré muni d'un couteau ses collègues dans la Préfecture de police de Paris. Ces meurtres ont fait ressortir la question de la radicalisation au sein des forces de l'ordre. Le directeur général de la Gendarmerie, Richard Lizurey, a parlé d'une vingtaine de gendarmes surveillés pour leur radicalisation islamiste ou d'extrême droite. Pour en savoir plus, Observateur Continental a réalisé un entretien avec Sébastien Jallamion, ancien policier, président de l’Association ANDELE qui a également publié A mort le flic édité par Riposte Laïque.
Qu'est-ce-que symbolise l'attaque dans la préfecture de police de Paris du 3 octobre?
- Cette attaque symbolise à mon sens la légèreté avec laquelle est traitée la menace islamiste au sein de l'institution policière, qui n'est hélas pas la seule concernée par la présence en son sein d'éléments radicalisés, comme l'a démontré le rapport parlementaire publié par les députés Eric Diard et Eric Poulliat en juin 2019 http://www2.assemblee-nationale.fr/documents/notice/15/rap-info/i2082/(index)/rapports-information . Cette légèreté s'explique en grande partie par la crainte d'une certaine hiérarchie d'être inquiétée pour discrimination religieuse, comme l'a fort bien rappelé David Le Bars, secrétaire national du syndicat des Commissaires de police au micro d'Europe 1 le 8 octobre 2019 https://twitter.com/Europe1/status/1181083393540415488 . Je tiens à rappeler le rôle de certaines associations qui favorisent cette crainte de par leur action militante visant à inciter les policiers à se plaindre des «discriminations» dont ils seraient témoins ou victimes, comme je l'ai rappelé sur Twitter https://twitter.com/SJallamion/status/1180409184564760577 . Le chantage à l'islamophobie est un frein efficace aux signalements et, ce qui est plus grave encore, au traitement des cas d'éléments ayant été détectés et signalés à la hiérarchie, comme l'illustre l'affaire Mickaël Harpon dont nous savons aujourd'hui que deux policiers avaient pris l'initiative d'informer leur hiérarchie du fait qu'il s'était réjoui des attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher en 2015, sans que cela ne l'empêche d'exercer ses fonctions au sein de la DRPP en étant habilité secret défense.
Pourquoi est-il possible de mettre à égalité «radicalisation d'extrême droite» et «radicalisation islamiste» comme le fait le directeur général de la Gendarmerie?
- Si les services de gendarmerie reconnaissent qu'une vingtaine de gendarme sont placés sous haute surveillance pour leur radicalisation https://lessor.org/a-la-une/une-vingtaine-de-gendarmes-surveilles-pour-leur-radicalisation/ , le directeur général de la gendarmerie nationale reconnaît lui-même que les cas de radicalisation liés à «l’extrême droite» font l'objet d'un suivi «spécifique» par rapport aux cas de radicalisation islamique, ce qui démontre bien que ces deux phénomènes ne sont pas réellement mis sur un pied d'égalité. Il faut se méfier des raccourcis tels que ceux que d'aucuns n'hésitaient pas à scander en période électorale, du genre «FN égal DAECH», ou qui visent à considérer comme étant «d’extrême droite» tous ceux qui critiquent ouvertement l'islam. Ce genre de propagande a tendance à faire oublier que les 263 personnes qui sont mortes en France depuis 2012, victimes du terrorisme islamiste, n'ont pas d'équivalent du fait d'une prétendue mouvance «d'extrême droite», voire «d'ultra droite» dont les seules affaires judiciaires révélées à grands renforts de médias ont pour point commun de viser le crime d'association de malfaiteur à visée terroriste dont les contours sont «mal définis» et dont le profil des mis en cause est pour le moins déroutant. Par ailleurs, il n'est pas surprenant que les graves défaillances de l'Etat s'agissant de son domaine régalien consistant à garantir la sécurité ait pour corollaire la volonté de certains de se protéger par eux-mêmes de la menace terroriste, au prix d'un risque d'escalade de la violence, dont on peut craindre aujourd'hui qu'elle ne soit inévitable.
Comment traduisez-vous en tant qu'ancien policier la déclaration de Richard Lizurey?
- Comme je l'ai énoncé supra, le directeur général de la Gendarmerie nationale est dans son rôle lorsqu'il évoque devant les sénateurs la surveillance par ses services des cas de radicalisation en précisant que les islamistes ne sont pas les seuls à faire l'objet d'une évaluation régulière dans les rangs de la gendarmerie. Je voudrais toutefois rappeler le sort qui a été réservé au général Bertrand Soubelet, lorsqu'il a eu l'outrecuidance, en 2013, de faire un état des lieux sincère et objectif devant l'Assemblée Nationale https://www.dailymotion.com/video/x18momz de la situation à laquelle sont confrontés les gendarmes dans leur quotidien: il a fait l'objet d'une mutation sous la forme d'une sanction déguisée, avant de quitter ses fonctions et d'écrire un ouvrage intitulé «Tout ce qu'il ne faut pas dire» https://www.amazon.fr/Tout-quil-faut-pas-dire/dp/2259249094 . Il parait difficile dès lors de considérer que les responsables de la Gendarmerie nationale témoignent sans être influencés par le sort qui a été réservé à l'ancien N°3 de ce corps d'armée, dont les dirigeants politiques de l'époque ont voulu faire un exemple. L'ancien policier que je suis, et qui a eu, dans son parcours, à connaître également ce qu'il en coûte d'appuyer là où ça «fait mal», ne doute pas une seconde que la déclaration de Richard Lizurey est pétrie d'une très grande prudence.
Qu'en est-il donc de la sécurité pour les citoyens français en raison de la radicalisation dans les forces de l'ordre?
- Si la colère est le sentiment qui domine au sein des forces de l'ordre face à cette situation, je peux comprendre le sentiment d'insécurité ressenti par la population. Il convient toutefois, au sujet de la radicalisation islamiste dans les rangs de la police nationale, de rappeler qu'elle concerne une minorité de fonctionnaires, même si chacun d'entre eux est un cas de trop, et qu'il s'agit d'un phénomène de société qui concerne l'ensemble des administrations et des entreprises, la radicalisation s'effectuant dans la quasi totalité des cas à l'extérieur. Les nombreux cas de radicalisation au sein des prisons apparaît comme une exception, mais est liée à ce que dénoncent les syndicats de l'administration pénitentiaire : les détenus radicalisés ne sont pas suffisamment séparés du reste de la population carcérale.
à suivre