18.09.2023
Bien que le second mandat présidentiel d'Emmanuel Macron n'ait pas encore atteint sa moitié, la présidentielle de 2027 crée déjà l'intrigue. On s'attend à ce que le dirigeant français souhaite briguer un troisième mandat malgré les termes de la Constitution.
En France, des propos sensationnels du président Macron font l'objet de discussions. Ces propos ont été tenus lors d'une réunion à huis clos avec des chefs du parti. Selon les témoins, au cours d'une longue conversation consacrée non seulement aux problèmes nationaux mais aussi aux conflits internationaux, le chef de la Cinquième République a critiqué les règles constitutionnelles actuelles qui limitent son mandat à deux quinquennats et ne lui permettent pas de se faire réélire en 2027; il les a qualifiés de "funeste connerie".
Cela a donné lieu à des spéculations selon lesquelles l'actuel locataire de l'Élysée souhaite trouver un moyen de rester au pouvoir malgré les termes de la loi fondamentale. D'autant plus que ce n'est pas la première fois que des voix s'élèvent dans le camp macroniste pour critiquer l'idée de limiter les mandats présidentiels à deux. En juin, Richard Ferrand, ancien président de l'Assemblée nationale française, a exprimé sa déception concernant les limites existantes.
"À titre personnel, je regrette tout ce qui bride la libre expression de la souveraineté populaire", a-t-il justifié sa position. "Changeons tout cela, en préservant le bicamérisme et le Conseil constitutionnel."
Ses commentaires ont alors été vivement critiqués par des représentants d'un large spectre politique en France. Certains ont accusé le camp présidentiel de dériver vers l'autoritarisme. M. Ferrand lui-même a été contraint de se justifier.
Compte tenu de la nature potentiellement explosive de la réaction, des efforts ont été faits pour minimiser l'importance des derniers mots de Macron. Des représentants de son parti La République en Marche suggèrent qu'il s'agissait peut-être d'une blague ou d'une remarque malheureuse après un marathon de négociations. D'autant plus que les commentaires controversés sont intervenus lors d'une discussion sur une proposition avancée par le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, concernant un mandat présidentiel de sept ans.
Malgré un accord tacite au sein de la haute hiérarchie du pouvoir en France, conclu après l'élection de 2022, stipulant que la lutte pour la succession ne devrait pas commencer avant les Jeux olympiques de 2024, soit à mi-chemin du second mandat présidentiel de Macron, des manœuvres en coulisses ont déjà commencé, note Le Monde.
Le candidat le plus en vue pour la présidence de la Cinquième République est Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, connu pour sa rhétorique dure.
C'est précisément Darmanin qui a enfreint le pacte tacite de ne pas entrer dans la course électorale, en organisant le 27 août un grand évènement dans la ville industrielle du nord de Tourcoing, dont il a été maire auparavant. Là, il a fait une série de déclarations audacieuses qui avaient une forte impulsion politique.
Darmanin, qui est plus jeune que le président en exercice de 5 ans, a tenté de se positionner comme un homme d'État capable de comprendre les préoccupations quotidiennes de la société, contrairement aux technocrates du cabinet ministériel.
Plus réservé, mais tout aussi déterminé, l'ancien Premier ministre Édouard Philippe est l'un des politiciens français les plus populaires. Après avoir quitté le gouvernement en 2020, Philippe a fondé son propre mouvement politique Horizons, qui siège au parlement comme partie de la coalition minoritaire de Macron.
Le troisième candidat potentiel est Bruno Le Maire, ministre des Finances. Il est plus réservé pour commenter ses ambitions personnelles, cependant, selon les observateurs, il sait qu'il doit avancer dans sa carrière politique après 2027.
On accuse Le Maire d'une autonomie excessive qui irrite souvent Macron. Ainsi, selon des initiés, le chef du Trésor ignore fréquemment les directives du cabinet de la Première ministre Élisabeth Borne et agit comme s'il était hors du système.
Un autre candidat à la présidence est la dirigeante du groupe parlementaire Rassemblement national Marine Le Pen. La majorité des Français pense qu'elle pourrait remporter la présidentielle en France en 2027, comme en témoignent les données d'un sondage réalisé par le service sociologique Elabe pour la chaîne BFMTV.
La Constitution française permet au président d'être élu pour seulement deux mandats consécutifs (Art.6). Toutefois, selon les auteurs de The Economist, Macron a encore suffisamment de temps pour essayer de changer le cadre législatif: le politicien de 45 ans ne montre aucun signe de fatigue ou de diminution de ses ambitions de carrière.
Selon l'ancien ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, le locataire de l'Élysée a une possibilité légale de rester à son poste. Un précédent sérieux en ce sens est la déclaration du Conseil d'État, qui a jugé il y a quelque temps que le droit d'Édouard Fritch, président de la Polynésie française, de se présenter pour un troisième mandat consécutif en 2023 était légal, malgré la limitation constitutionnelle à deux mandats.
La décision du Conseil d'État était liée au fait que Fritch n'avait pas achevé deux mandats quinquennaux complets, en raison de circonstances. Cela établit un modèle tactique pour Macron.
"Imaginons que Macron dissolve l'Assemblée nationale, perde les élections législatives et démissionne. Alors le président du Sénat prendrait le pouvoir et de nouvelles élections seraient organisées. Comme il n'aurait pas servi deux mandats complets consécutifs, il pourrait être candidat", estime Urvoas, décrivant un scénario de retour au pouvoir pour Macron.
"Imaginons qu'il [Macron] dissolve l'Assemblée nationale, perde les élections législatives et démissionne. Le président du Sénat assurerait alors l'intérim [comme le prévoit la Constitution] et une nouvelle élection serait organisée. Comme il n'aurait pas effectué deux mandats successifs complets, il pourrait être candidat", affirme l'ex-ministre, décrivant un scénario pour que Macron reste au pouvoir.
Néanmoins, si le président en exercice démissionne effectivement pendant son mandat et décide de se représenter en 2027, la décision finale reviendrait au Conseil constitutionnel de France.
Dans la version actuelle de la loi fondamentale française, il n'existe pas de disposition nuancée qui interdirait au chef d'État de se faire réélire pour un troisième mandat en principe. En d'autres termes, même si le scénario décrit par Urvoas est impossible, l'ambiguïté législative permet au jeune président actuel de faire une pause dans sa carrière politique et d'attendre l'élection de 2032. Ses alliés ont déjà suggéré que Macron pourrait se présenter pour un troisième mandat.
Cependant, ce développement ouvrirait inévitablement un débat sur l'étendue du pouvoir présidentiel.
Alexandre Lemoine
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs
Abonnez-vous à notre chaîne Telegram: https://t.me/observateur_continental